Non, le gin-tonic sans alcool n’est pas près de remplacer la coupe de champagne pendant les Fêtes. Mais la tendance des boissons sans alcool séduit de plus en plus de gens. Au point de rebrasser les traditions. À quoi ressemble un Noël dans la sobriété qui n'exclut pas le plaisir? « Santé! », un verre zéro alcool à la main.
« Je vais toujours me souvenir de mes premiers partys de Noël sobre. J’ai tellement trouvé ça difficile. Je me sentais inconfortable d’autant plus que pour plusieurs personnes, la raison derrière la consommation est une anxiété sociale qu’on tente de dissimuler. »
Elle célèbre cette année son sixième anniversaire de sobriété. Bien qu’elle se tienne loin de l’alcool, son envie de festoyer reste intacte. C’est là que les boissons sans alcool deviennent ses alliées et lui offrent du réconfort. Devant la mince offre de produits qui existait il y a quelques années, l’idée lui est venue de se lancer dans ce marché avec sa boutique Apéro à zéro, où on retrouve plusieurs sortes de boissons non alcoolisées. Son objectif : montrer qu’on n’est pas plate si on ne boit pas d’alcool.
Pour des idées de recettes et autres inspirations, consultez notre dossier Le temps des Fêtes classique ou unique.
En plein cœur du quartier Hochelaga, à Montréal, l’entreprise offre des bières, des spiritueux, des prêts-à-boire et des vins zéro alcool. Les entrepreneures Marilou Lapointe et Sophie Anne Aubin ont d’abord lancé le commerce en ligne en 2020, avant d’avoir pignon sur rue en 2023.
Le sans alcool sur une vive lancée
Le mouvement sans alcool gagne en popularité. Selon Global Market Insights(Nouvelle fenêtre), le marché mondial des boissons non alcoolisées représente plus de 22 milliards $ US en 2022. Sa valeur pourrait doubler au cours de la prochaine décennie.
La curiosité entourant la sobriété s’observe en ligne, où plus de 737 millions de visionnements sont associés au mot-clic #sobercurious (curieux de sobriété, en français) sur TikTok. De son côté, l’organisme Éduc'alcool, au Québec, a modifié son approche en mettant davantage de l’avant des réflexions sur la consommation plutôt que de simplement donner des conseils sur la quantité maximale d’alcool qu’on devrait boire.
Anne Elizabeth Lapointe, directrice générale de la Maison Jean Lapointe, un organisme œuvrant auprès des personnes souffrant de dépendance, se réjouit de voir les discours autour de la sobriété s’élargir à l’ensemble de la société. Ce n’est plus un sujet qui concerne seulement les alcooliques. Le fait qu’on en parle, ça permet à l’ensemble des gens de se questionner sur leur relation avec l’alcool
, considère-t-elle.
Avec les Fêtes qui approchent, le personnel d’Apéro à zéro observe une montée de l’intérêt pour ce type de produit, mais aussi de l’inquiétude chez sa clientèle. Les gens sont soit stressés de recevoir ou d’aller à plein de partys de famille, observe Marilou Lapointe. À cela s’ajoute l’envie de relâcher cette tension, ce qui peut être un défi lorsqu’on ne boit pas et qu’on se retrouve dans des contextes de célébrations.
Elle note que sa clientèle reste principalement formée de personnes intéressées à diminuer leur consommation.
Bye Bye alcool!
En 2019, le chef Danny St-Pierre a signé un texte dans le magazine Caribou(Nouvelle fenêtre) où il explique les raisons qui l’ont poussé à choisir de fermer le robinet
. Cette sortie a créé un remous dans une industrie marquée par la consommation d’alcool en abondance et la fête incessante. Du jour au lendemain, le chef a arrêté de boire. Huit ans se sont écoulés depuis. Et rien ne le fera retourner en arrière.
Malgré les années, sa sobriété demeure un apprentissage. La période des Fêtes, elle, reste un défi. La manière qu’on dirigeait nos restaurants, c’était les Fêtes tous les jours. Toutes les soirées ressemblaient à un samedi soir
, se rappelle Danny St Pierre.
« J’étais complètement désorienté pendant les Fêtes. Ça m’a pris beaucoup de temps à recommencer à avoir du fun et à me relaxer. Même après huit ans, je dois dire que ce n’est toujours pas clair pour moi. »
Le chef estime que les mœurs ont changé depuis le temps où il faisait les quatre cents coups. La relève n’adopte pas les mêmes habitudes de consommation excessive qu’autrefois. Ce n’est plus bien vu de boire sur son lieu de travail ou d’être complètement saoul. Personne ne trouve ça drôle, aujourd’hui
, ajoute-t-il.
La clientèle crée la tendance
Malgré une offre grandissante sur le marché et une clientèle au rendez-vous, les produits sans alcool ne sont pas près de détrôner les boissons alcoolisées. La consommation des deux types de boissons va souvent de pair, explique Maxime Coubès, coauteur du livre L’Apéro au Québec. Le sans alcool a complètement explosé pendant la pandémie, au même titre que les ventes d’alcool ont augmenté alors que les bars et les restaurants étaient fermés
, observe-t-il.
Les ventes de boissons alcoolisées ont d’ailleurs connu leur plus forte croissance au pays depuis une décennie entre le printemps 2020 et 2021. Selon Statistique Canada(Nouvelle fenêtre), le marché a connu une hausse de 4,2 % en comparaison avec l’année précédente. Cette montée a connu un ralentissement(Nouvelle fenêtre) d’après Financement agricole Canada (FAC). L’organisme prévoit une baisse des ventes en 2023, notamment en raison de l’inflation et de l’augmentation des taux d’intérêt.
Selon Maxime Coubès, les boissons sans alcool n'ont pas été poussées par des campagnes de promotion, contrairement à des cocktails comme l'Espresso martini ou le Negroni sbagliato. Dès le début, l'intérêt est venu de la clientèle. C’est l’une des rares tendances qui a été adoptée en premier par les consommateurs et consommatrices plutôt que par les spécialistes du milieu
, note-t-il.
« L’engouement pour le sans alcool s’est estompé. Ça reste un marché niché. Mais son explosion pendant les dernières années a permis à plusieurs entreprises d'installer leurs produits dans les habitudes de la population. »
Le sans alcool, au-delà des tabous sur la consommation
Le fait de refuser un verre d’alcool n’est pas toujours vu d’un bon œil. Les gens n’acceptent toujours pas un
nonquand il est question de l’alcool. Pour plusieurs personnes, ce n’est pas suffisant. Elles vont tenter de vous convaincre de boire
, estime Anne Elizabeth Lapointe, directrice générale de la Maison Jean Lapointe. Et même en 2023, la pression d’accepter un cocktail soigneusement préparé par une tante ou un verre de vin de la collection d’un ami à Noël reste forte.
« Les gens associent encore les festivités avec la consommation d’alcool. Je pense qu’on n’a pas encore ce réflexe d’offrir des options sans alcool aux personnes invitées alors qu’il y a maintenant beaucoup de produits disponibles. »
Conseils pour des Fêtes sans-alcool
On vous reçoit?
Apportez vos propres consommations sans alcool
Préparez une explication toute faite à la question « pourquoi ne bois-tu pas? »
Restez en action pendant la soirée, par exemple en aidant ceux et celles qui vous reçoivent
Évitez les situations et les personnes à risque lorsque vous êtes dans une démarche de sobriété
Vous organisez la soirée?
Assurez-vous d’avoir des options de boissons non alcoolisées
Évitez d’insister pour que les gens consomment de l’alcool
