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Photo : Marie-Pier Mercier

Il y a une dizaine d’années, je ne cuisinais avec aucun sucre (sauf du sirop d’agave bio?), aucune huile (sauf de l’huile de coco… bio) et… peu de plaisir. Sans m’en rendre compte et sans trop savoir pourquoi, j’étais tombée dans un des panneaux de la culture des diètes et de la culture du bien-être.

J’ai dû me rendre à l’évidence : quand j’ai appris à cuisiner, ma relation avec la nourriture n’était pas très saine. Et ça se reflétait dans mes réseaux sociaux.

Ma vie et ma relation avec l’alimentation ont longtemps été influencées négativement par les cultures des diètes et du bien-être. J’en parle d’ailleurs dans mon balado À plat ventre(Nouvelle fenêtre).

Même si je n’ai jamais reçu de diagnostic officiel de trouble du comportement alimentaire, je sais que ma relation avec la nourriture n’était pas saine à l’époque; j’avais notamment peur de consommer des aliments considérés comme moins « propres » et le désir de contrôler mon poids en m’imposant des restrictions alimentaires.

Maintenant, comme créatrice culinaire ayant le privilège d’avoir une plateforme, je tiens fermement à ne pas contribuer aux cultures des diètes et du bien-être, autant dans mes recettes que dans les réflexions et les articles que je publie.

L’emprise des cultures des diètes et du bien-être

Qu'est-ce que la culture des diètes? Depuis quelques années, on parle de plus en plus de cet ensemble de croyances selon lesquelles la valeur d’une personne est déterminée avant tout par sa minceur et la forme de son corps et où le désir de perte de poids devrait prévaloir sur tout.

La culture du bien-être, quant à elle, repose sur des croyances selon lesquelles la valeur d’une personne est déterminée avant tout par sa santé et son bien-être apparents, et où la recherche de la santé et du bien-être devrait prévaloir. Dans cette façon de penser, santé et bien-être sont attribuables uniquement aux choix et aux habitudes de vie d’une personne, et des facteurs comme la génétique et les enjeux socioéconomiques ne sont même pas pris en considération.

Beaucoup de concepts se recoupent dans ces deux cultures. Parmi eux, il y a la démonisation des aliments à haute valeur calorique ou transformés et la valorisation des aliments considérés comme étant « propres » (ou clean en anglais).

Une recette de gaufres avoine et haricots extra-cannelle
Une recette de gaufres avoine et haricots extra-cannelle | Photo : Loounie

Voici cinq choses qui ont changé dans ma manière de créer des recettes et du contenu culinaire après avoir déconstruit les croyances des cultures des diètes et du bien-être :

1. Je ne parle plus de « bons » ou de « mauvais » aliments.

« Pour moi, décrire un muffin comme étant « santé », c’est sous-entendre que les autres muffins sont nécessairement mauvais pour la santé et, dans une culture comme la nôtre, que cela fait de nous une moins bonne personne si on en mange. »

Cela peut aussi nous amener à croire que notre santé est déterminée principalement par nos choix alimentaires, alors que le principe est beaucoup plus complexe (le statut socioéconomique, la participation sociale et la qualité des relations, par exemple, sont parmi les facteurs ayant le plus d’influence sur la santé).

J’évite aussi d’utiliser des expressions comme « calorique » (tous les aliments ont des calories, qui nous permettent d’avoir de l’énergie!), « sans culpabilité » (le concept de la culpabilité est un des piliers de la culture des diètes) et « malbouffe » (je préfère parler de « restauration rapide », qui est plus neutre). Il s’agit d’un des principes de l’alimentation intuitive, c’est-à-dire reconnaître que les aliments n’ont pas tous la même valeur nutritionnelle, mais sans y attribuer une valeur morale.

2. Je décris les aliments par leur goût plutôt que par leur valeur nutritive.

« Apprendre à reconnaître et à nommer mes envies a été un tournant dans mon cheminement vers une relation plus saine avec l’alimentation. »

Cela influence aussi ma manière de décrire les plats que je goûte et que je crée. Je décris ainsi les plats par leurs saveurs et leurs textures (sucré, acidulé, salé, équilibré, terreux, relevé, parfumé, croustillant, croquant, onctueux, crémeux) et par les sensations qu’ils procurent (rafraîchissant, réconfortant, soutenant).

3. Pour que les aliments et plats soient satisfaisants, j’ajoute assez de sel, de sucre, de gras.

Une chose que j’ai comprise dans ma démarche pour retrouver une relation saine avec l’alimentation, c’est que les plats que je mange doivent non seulement être nourrissants, mais aussi satisfaisants. J’ai appris à utiliser les huiles qui, en tapissant le palais et la langue, permettent aux saveurs de rester plus longtemps en bouche. J’ai aussi appris à bien doser les ingrédients salés et les ingrédients sucrés, qui permettent un bel équilibre des saveurs.

Nachos tout garnis

Recette de nachos tout garnis - studio kay
Préparation
10 min
Cuisson
15 min

Jamais la protéine végétale texturée (ou PVT) n’aura été aussi festive qu’avec ces nachos!

Voir la recette : Nachos tout garnis

4. Je mise sur des ingrédients accessibles plutôt que sur des ingrédients soi-disant « purs ».

Lorsque ma relation avec la nourriture était troublée, j’avais peur de plusieurs aliments et ingrédients : peur de leur effet possible sur mon poids, mais aussi sur ma santé. Avec le recul, je suis en mesure de constater que ces peurs avaient pris naissance dans une exposition à beaucoup de mésinformation et de désinformation provenant de livres, de billets de blogues et de documentaires. Même si je mets le plus possible en valeur les aliments frais et les ingrédients simples dans ma cuisine, je n’adhère maintenant plus à l’idée de la « pureté » ou de la « propreté » des ingrédients. Ma priorité est de proposer des ingrédients accessibles pour donner à un maximum de personnes le goût de cuisiner!

5. Je m’intéresse davantage aux techniques culinaires et à la science des aliments en cuisine.

Pendant longtemps, un des seuls angles de l’alimentation et de la cuisine qui m’intéressaient était la nutrition. Sans être nutritionniste, j’avais tout de même tendance à décrire beaucoup les aliments et les recettes que je cuisinais avec un angle nutritionnel, ce qui me laissait beaucoup moins de temps et d’énergie pour apprendre… à mieux cuisiner!

Maintenant, je m’amuse avant tout à apprendre et à faire connaître des astuces et des techniques culinaires qui permettent de se sentir plus en confiance en cuisine et de créer des plats satisfaisants.

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On pourrait penser qu’en tournant le dos à la culture des diètes et à la culture du bien-être, on en viendrait à perdre l’intérêt de « bien manger ». Pour moi, ce n’est pas ce qui s’est produit. J’ai tout simplement redéfini ma notion de « bien manger », c’est-à-dire manger, mais avec plus de plaisir.

Écoutez la nouvelle Saison 2 du balado À plat ventre avec Loounie(Nouvelle fenêtre) sur la culture du bien-être

À plat ventre avec Loounie
À plat ventre avec Loounie | Photo : Radio-Canada
Photo : Marie-Pier Mercier