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Un petit guide d’autodéfense pour le temps des Fêtes. | Photo : Radio-Canada / Ariane Pelletier

Dans un monde où la culture des diètes est omniprésente, il est assez difficile d’échapper aux conversations qui en découlent, même pendant les Fêtes. Mais quitter la table en plein repas en envoyant un regard accusateur à la cousine qui vient de passer une remarque sur les calories dans une part de tarte au sucre, ça peut jeter un petit froid dans une réunion familiale. Voici quelques pistes de réflexion pour mieux comprendre le phénomène et naviguer à travers les conversations inconfortables autour du poids, de la silhouette et des diètes durant ces célébrations.

Autour d’une table, on parle de bien des choses : du travail, de la famille, des voyages, de la météo, des plats qui sont devant nous et, souvent, du poids et des diètes. Il peut s’agir d’une remarque dirigée directement vers nous : « Tu prends encore des boulettes? C’est très calorique! », exprimée par quelqu’un d’autre à son propre sujet : « Ouf, je n’aurais pas dû manger de dessert, je ne rentrerai plus dans mes jeans! », ou encore exprimée au sujet d’une autre personne, qui est présente ou non : « As-tu vu à quel point la chanteuse, chose là, a engraissé? Il faudrait vraiment qu’elle se mette au régime! »

Dans tous les cas, les commentaires au sujet du poids et des diètes peuvent être particulièrement inconfortables, et même amener une certaine détresse. C’est particulièrement vrai pour les personnes qui ont une relation complexe ou difficile avec leur corps et avec l’alimentation. Et à cause de l’omniprésence de la culture des diètes, ce genre de relation complexe est malheureusement davantage la norme que l’exception.

La culture des diètes, ou culture des régimes, c’est un ensemble de croyances selon lesquelles la valeur d’une personne est déterminée avant tout par sa minceur et la forme de son corps et où le désir de perte de poids devrait prévaloir sur tout. Pour mieux comprendre la culture des diètes, je vous invite à lire mon billet(Nouvelle fenêtre).

Pourquoi parle-t-on autant de poids?

Quand vient le temps de se retrouver avec d’autres, comme c’est le cas lors d’un repas des Fêtes, il est tout à fait naturel de parler de ce qui nous préoccupe ou de ce qui nous fait peur. Et le poids, c’est justement quelque chose qui nous préoccupe. Beaucoup.

Selon un sondage réalisé par la firme Léger pour le compte du groupe ÉquiLibre en 2021, 65 % des Québécois et des Québécoises souhaitent maigrir, peu importe leur poids. Toujours selon le groupe Équilibre, la pandémie a augmenté la préoccupation à l’égard du poids et la présence des commentaires envers celui-ci.

Parler de poids et de diètes, ça peut nous sembler aussi anodin que de parler de la météo et de la victoire des Canadiens. La culture des diètes peut se présenter de manière assez subtile avec un langage comme « J’ai été bon.ne, je n’ai pas pris de dessert! », insinuant qu’on est « une mauvaise personne » si on en prend. Il s’agit même d’un sujet qui va souvent nous amener à réagir, par exemple, en faisant des blagues autodépréciatives sur nos « poignées d’amour ».

C’est tellement « normal » de parler de poids et de diètes qu’on ne s’en rend, souvent, même pas compte. Le problème, c’est qu’il est démontré que les commentaires au sujet du poids, qu’ils soient négatifs ou positifs, contribuent à l’insatisfaction corporelle. Et plus on vit d’insatisfaction corporelle, plus on est à risque d’entreprendre une diète qui peut ultimement nuire à notre santé physique et mentale et, dans certains cas, de développer un trouble du comportement alimentaire.

En gros, les discussions autour du poids et des diètes s’invitent souvent à table, mais elles ne sont pas les bienvenues.

Fuir, combattre ou figer

Quand on entame une démarche pour s’éloigner de la mentalité des diètes et réparer la relation qu’on entretient avec notre corps et avec l’alimentation, les commentaires sur le poids et les diètes peuvent être particulièrement irritants ou stressants. Face à une situation qui cause un stress, on sait qu’il y a généralement trois réactions possibles : fuir, combattre ou figer. Notre réaction peut dépendre de plein de facteurs, par exemple de notre humeur ou de notre niveau d’énergie, et peut même être influencée par ce qui est considéré comme acceptable dans notre contexte socioculturel.

Voici mes astuces pour répliquer à ce type de commentaire :

Tu manges de la tarte après tout ça? Je te dis que tu as tout un appétit! Moi je peux pas, je fais attention à ma ligne.

1. Fuir

On peut tout simplement ignorer le commentaire en recadrant la conversation : « C’est vrai qu’elle est bonne, la tarte de grand-maman! Il faudrait vraiment qu’on réussisse à la convaincre de partager sa recette avec nous! », ou en la redirigeant : « Parlant d’appétit, avez-vous vu la nouvelle série sur Mordu qui parle de l’univers de la restauration après la pandémie? C’est tellement intéressant! » En gardant en tête que ce n’est pas notre responsabilité d’éduquer les autres au sujet de la culture des diètes, on peut vraiment choisir nos batailles et passer rapidement à autre chose.

2. Combattre

Dans certains contextes, répondre à un commentaire plutôt que l’ignorer nous fera plus de bien. Si l’on choisit de répliquer, il est important d’ajuster nos attentes et de ne pas nous mettre la pression d’essayer de convaincre qui que ce soit (ou de détruire près de deux siècles de croyances avec une seule phrase punchée).

Sous le coup de l’émotion, il peut nous arriver de répondre de manière plutôt narquoise : « Euhhh… On est en 2022, ça se dit plus des affaires de même. » On peut aussi avoir envie de voir la situation comme une occasion de faire de l’éducation : « Ce genre de commentaire là est ancré dans les croyances de la culture des diètes. C’est normal de penser comme ça parce qu’on a été conditionnés par ces messages-là, mais il est clairement démontré par la communauté scientifique que le poids n’est pas quelque chose qui est tant en notre contrôle et que si on veut prendre soin de notre santé, on doit miser sur des habitudes de vie qui nous font du bien plutôt que de centrer le discours autour du poids. »

Mais pour éviter de tomber en mode TED talk, il est aussi possible, tout simplement, d’établir une limite de manière bienveillante, mais ferme. « Les commentaires sur le poids/conversations autour des diètes me rendent mal à l’aise, je préfère ne pas y prendre part. Quelqu’un d’autre veut de la tarte? » Ou encore : « Depuis quelques années, j’ai choisi de ne plus prendre part à ce genre de discussion au sujet du poids et de m’éloigner de la mentalité des diètes. Ça fonctionne vraiment bien pour moi, je me sens mieux dans mon corps et dans ma tête. Ça me ferait plaisir de t’en parler plus à un autre moment si jamais ça t’intéresse. »

3. Figer

Même quand on s’y prépare bien, il peut nous arriver de figer devant un commentaire au sujet du poids, en ne sachant pas comment répondre ou en réagissant avec un petit rire nerveux. C’est tout à fait naturel surtout dans un contexte où l’on se sent plus vulnérable, comme ça peut être le cas quand on revoit des gens qu’on n’avait pas vus depuis longtemps. Avoir une personne de confiance autour de la table à qui envoyer un petit clin d’œil ou avec qui en reparler plus tard, dans un contexte qui nous met plus à l’aise, peut faire beaucoup de bien. Mais surtout, on doit se rappeler qu’on a tout à fait le droit de ne pas réagir aux commentaires et que ça ne fait pas de nous une moins bonne personne (ou une personne moins engagée dans la lutte contre la culture des diètes!).

***

Parce que notre appétit pour les contacts humains est quelque chose de bien réel, prendre des repas avec notre cercle amical et avec la famille, c’est bon pour la santé. Il est même démontré que la qualité de nos relations interpersonnelles est un déterminant de santé important. Quand des commentaires sur le poids et les diètes menacent de gâcher notre repas, il peut être utile de se rappeler que la personne qui les passe est après tout elle aussi victime de la culture des diètes, et que c’est principalement à ce système qu’on doit s’attaquer si l’on veut faire changer les choses (pas à la cousine).

Bon temps des Fêtes!

Un petit guide d’autodéfense pour le temps des Fêtes. | Photo : Radio-Canada / Ariane Pelletier