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Depuis plus de 15 ans, les propriétaires de la ferme Le Goglu s'affairent à la production de 6 variétés de haricots, dont certaines qui étaient disparues du paysage agricole nord-américain. | Photo : Radio-Canada / Allison Van Rassel

C’est jour de récolte de légumineuses au Goglu, une ferme maraîchère certifiée biologique à Saint-Pierre-de-la-Rivière-du-Sud, dans la MRC de Montmagny. Natacha Lambert et son conjoint, Serge Gagnon, s’affairent depuis plus de 15 ans à la production de 6 variétés de haricots, dont certaines étaient disparues du paysage agricole nord-américain. 

L'éclat des couleurs dans le champ de la ferme où je me trouve est fascinant. Le soleil est radieux et le ciel, sans un nuage, est d’un bleu vif. Le jaune des fruits des plants de légumineuses contraste avec le vert des feuilles de betteraves à quelques mètres de distance les uns des autres. Le vent souffle doucement dans les feuilles des arbres, qui se font rares sur le Rang Nord, mais dont la présence est précieuse pour la biodiversité. 

Le processus de récolte des haricots, qui se fait sous mes yeux, est beaucoup plus laborieux que ce à quoi je m’attendais. On déracine pour replanter chaque année. Ça débute après la rosée du matin, vers 10 h, et se poursuit jusqu’à environ 13 h. Tout, ou presque, est fait à la main.

La Maine Yellow Eyes, une variété populaire auprès des amateurs et amatrices de fèves au lard.
La Maine Yellow Eyes, une variété populaire auprès des amateurs et amatrices de fèves au lard. | Photo : Radio-Canada / Allison Van Rassel

Devant moi, deux employées arrachent avec leurs mains des plants qu’elles déposent sur un chariot à foin où ils sécheront au soleil pendant au moins 24 heures. Une fois qu'ils sont bien secs, on fait basculer les plants dans une batteuse afin de séparer la graine (le haricot) du fruit (la gousse). C’est la seule étape mécanisée de la récolte qui n’est pas réalisée sur un appareil conçu par Serge, agronome de formation. Les haricots sont récupérés à la sortie de la batteuse, puis placés sur un treillis dans un séchoir maison où ils resteront une semaine. 

Quand c’est sec sec, on met la main dans [le bac de fèves] et ça claque comme des bonbons, dit Natacha en rigolant. C’est comme ça qu’on sait que c’est prêt. Les fèves sont ensuite criblées une première fois pour qu'on en retire la saleté et les haricots cassés, puis une deuxième fois pendant l’hiver. 

C’est souvent la famille, des amis ou même des bénévoles qui font cette dernière étape pendant l’hiver, assis devant la télévision, dit-elle d’un ton rieur. Le cribleur ne peut pas retirer ce qui est de la même grosseur que le haricot. Donc, pour éviter qu'on retrouve une roche, ça prend quelqu’un qui passe le tout à la main pour retirer les saletés.

Les plants de Maine Yellow Eyes sur un chariot à foin où ils sécheront au soleil au moins 24 heures.
Les plants de Maine Yellow Eyes sur un chariot à foin où ils sécheront au soleil au moins 24 heures. | Photo : Radio-Canada / Allison Van Rassel

Comme pour bien des agriculteurs en culture raisonnée, la méthode de récolte, le processus de nettoyage ainsi que la mise en marché des légumineuses de la ferme Le Goglu ont été développés au fil des années par Natacha et Serge.

La machinerie en agriculture est souvent pensée pour de grosses productions, alors que nous, on est une microproduction, souligne la maraîchère qui a fait ses études en sociologie. Ça fait en sorte que je ne peux pas accoter le prix de ce que l’on retrouve à l’épicerie, parce que ma culture est à échelle humaine. [...] Je me démarque avec la qualité et le type de variété que j’offre. À ma connaissance, le couple est un des seuls producteurs de légumineuses biologiques au Québec.

« Dans la production de légumineuses, c’est encore moins évident, car rien n’est adapté à l’échelle humaine. Il faut construire nos outils nous-mêmes ou aller voir des gens qui le font déjà. À date, on n’a pas beaucoup de modèles autour de nous. »

— Une citation de  Natacha Lambert, copropriétaire du Goglu
Natacha Lambert est une fière agricultrice et une des rares productrices de légumineuses biologiques au Canada.
Natacha Lambert est une fière agricultrice et une des rares productrices de légumineuses biologiques au Canada.  | Photo : Radio-Canada / Allison Van Rassel

Précieuse génétique

Le couple a développé ses propres outils pour la culture et la transformation des haricots. Il a également choisi, il y a 15 ans, cinq variétés dans le catalogue de l’entreprise Harmony Seeds au Vermont, une populaire plateforme de mise en marché pour des producteurs de semences certifiés biologiques en Amérique du Nord. Les haricots Appaloosa, Canneberge, Jacob’s Cattle, Marfax, Trompe l’Œil et Maine Yellow Eyes sont récoltés en ce moment sur la ferme.

Un moment donné, j’ai voulu renouveler la génétique de certaines de mes semences, car inévitablement il y a des maladies qui s’installent, explique l’agricultrice. C’est incroyablement difficile à trouver. Je suis heureuse d’avoir gardé ces mêmes variétés tout ce temps-là, car aujourd’hui, nos variétés n’existent plus. Ce type de gestion de la génétique au champ – ou in situ – permet aux plants de légumineuses de mieux s’adapter aux conditions de cultures locales ainsi qu’au terroir.

« Quand les gens achètent nos haricots et qu’ils me disent qu’ils les aiment, je les encourage à les planter dans leur jardin. Il faut multiplier la culture de ces variétés, notamment dans le but de conserver leur patrimoine génétique. »

— Une citation de  Natacha Lambert, copropriétaire du Goglu

Parmi les haricots les plus populaires au fil des années : le Trompe l’Œil. Acheté d’une productrice de la Beauce voilà plus d’une décennie lors d’une fête de semences à la défunte coop La Mauve, ce haricot sec de couleur crème et de forme identique à celle d’un pois porte bien son nom. 

Quand je l’ai acheté, on m’a dit que c’était un pois à soupe, rapporte-t-elle. J’étais vraiment heureuse d’avoir mis la main là-dessus, car j’adore la soupe aux pois. J’ai fait une première culture et j’ai demandé à ma belle-mère Madeleine de me préparer une soupe aux pois, car j’aime sa recette. Et là, elle me dit : "C’est de la soupe aux haricots, ce n’est pas de la soupe aux pois!" On l’a donc nommé Trompe l’Œil pour ça.

La variété Maine Yellow Eyes, une fève toute blanche avec une jolie tache jaune moutarde, est particulièrement appréciée par la cheffe Noémie Gautreau-Régnier, propriétaire du restaurant Le Bistreau d’érable, à Sainte-Lucie-de-Beauregard. La cheffe prépare avec l’aliment un plat de bines avec du lard salé. 

Cette saison, c'est sur une superficie totale de 0,4 hectare (4000 mètres carrés) que seront ramassés à la main les haricots secs. C’est malgré tout une culture peu exigeante qui aide à fixer l’azote dans le sol, précise Natacha, qui cultive aussi du maïs ainsi qu’une douzaine de variétés de légumes. Pour une production de certification biologique qui exige une rotation, c’est parfait pour les légumes plus exigeants des années suivantes.

Les plants produisent leur propre azote à partir de l'atmosphère. Ça réduit ainsi le besoin d’appliquer à la terre de l’engrais azoté. Les légumineuses laissent des résidus riches en azote dans le sol après la récolte.

Des haricots dans un séchoir qui seront bientôt criblés.
Des haricots dans un séchoir qui seront bientôt criblés.  | Photo : Radio-Canada / Allison Van Rassel

Dans une ferme de production traditionnelle où tout est automatisé, c’est une fauche qui réalise des andains, un alignement de plants séchés, dans le but de faciliter la récolte. Cette méthode a été envisagée par le couple, mais les haricots éclatent plus facilement, selon l’agricultrice. C’est une perte alimentaire qui, selon elle, est considérable.

Dans l’agriculture bio, on devient de fins observateurs. On a très, très peu de ressources, alors ça demande beaucoup d’observation. J’ai récolté et transformé environ 200 kilos de haricots l’année dernière. Il ne faut pas que l’on perde de vue qu'on est à échelle humaine, mais que c’est dans la diversité des aliments offerts qu’on fait une différence sur le marché.

Le saviez-vous?

Bien que les légumineuses séchées soient une excellente source de protéines peu coûteuse, il est faux de croire que le temps qu'elles passent sur une tablette d’épicerie n’affecte pas la qualité de l’aliment. Voici quelques informations pour vous aider à obtenir un aliment frais, digeste et excellent au goût. 

  • L'achat en circuit court garantit la traçabilité de votre aliment et de sa date de récolte. 
  • Une fève luisante est signe de fraîcheur. Elle est donc plus goûteuse et plus digeste.
  • Un haricot frais demande moins de temps de cuisson. Adaptez vos recettes! 
  • Plus vous incorporez du sucre lors de la cuisson de vos légumineuses, plus vous favorisez les ballonnements et les flatulences. Aucune étude n'a encore démontré qu'une méthode particulière de trempage ou de cuisson des haricots prévient ces effets indésirables. 
  • Bien qu’une légumineuse soit une excellente source de protéine, il est préférable de la consommer accompagnée d’une noix ou d'une céréale afin qu’elle soit complète : tofu, riz, pain, maïs ou arachides. 

Ferme Le Goglu
570, Rang Nord, Saint-Pierre-de-la-Rivière-du-Sud
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Depuis plus de 15 ans, les propriétaires de la ferme Le Goglu s'affairent à la production de 6 variétés de haricots, dont certaines qui étaient disparues du paysage agricole nord-américain. | Photo : Radio-Canada / Allison Van Rassel