Protéger
les milieux sensibles
S’il n’en tenait qu’aux écosystèmes,
il vaudrait peut-être mieux ne rien faire et attendre, mais
à l’échelle locale, les choses ne sont pas
si simples. Il y a des milieux plus sensibles que d’autres,
à protéger, et il y a des espèces qu’on
exploite intensivement.
Éleveur de coques au Croisic, en France, Pascal
Chellet ne peut attendre sept ans après une marée
noire. Chaque jour, son entreprise extrait une tonne de coquillages
de la baie, largement découverte à marée
basse. Il cultive des coques, de petits mollusques très
appréciés, qui vivent dans les premiers cinq centimètres
de sédiments.
« Bien sûr, on est éleveur,
puisqu’on prend un animal de petite taille pour l’amener
à une grande taille. Mais on n'est pas un éleveur
terrestre, c’est-à-dire qu’on ne remplit pas
la mangeoire et on ne fait pas les écuries, c’est
la nature qui remplit la mangeoire et c’est la nature qui
fait les écuries, explique Pascal Chellet. On est donc
complètement tributaire de la nature, et, bien évidemment,
quand la nature déraille avec des marées noires,
on est complètement perturbé. »
Lors
du naufrage du pétrolier Erika, en décembre 1999,
le site a été pollué. L’entreprise
a dû fermer pendant cinq mois. Même s’il a été
dédommagé et si la situation est aujourd’hui
à peu près normale, Pascal Chellet, comme la plupart
des pêcheurs côtiers, vit dans la crainte permanente
d’une nouvelle marée noire.
Chercheur
à l’Institut français d’exploitation
de la mer, Patrick Camus s’intéresse aux impacts
sur les espèces exploitées, comme les palourdes.
Pour lui, les impacts sur les espèces du littoral qui sont
exploitées sont réels, et localement, ils peuvent
même être catastrophiques. Mais on a appris à
les gérer. « Ce qui est très
gênant dans le cas des pollutions accidentelles de type
marée noire, c'est qu'en général, elles arrivent
à des endroits très localisés et elles sont
massives. Donc, elles ont un impact immédiat très
fort, soutient le chercheur. Mais si effectivement on prend toutes
les mesures pour essayer d'évacuer le plus rapidement possible
ces pollutions, on arrive à limiter les dégâts. »
Le
plus important pour limiter les dégâts est de protéger
les milieux sensibles, ceux qui sont les plus riches en biodiversité
: les marais salants, les marais maritimes et les fonds de baie.
Si la marée noire frappe ces milieux sensibles, il faut
ramasser le plus rapidement possible le pétrole, à
la fourche ou à la machine, peu importe, mais très
rapidement. « Il faut ramasser rapidement
parce que dans ce pétrole, il y a des composés toxiques.
Il faut essayer d’en limiter au maximum l’impact.
Donc, en les ramassant rapidement, on limite la perturbation de
la faune et de la flore », poursuit-il.
Même en agissant rapidement, les oiseaux n’échapperont
pas au massacre, car il suffit de quelques gouttes de pétrole
pour endommager leur plumage et causer leur mort. Mais les poissons,
les crustacés et les mollusques ont de très bonnes
chances de s’en tirer. |