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LA MANIACODÉPRESSION
L'équipe
de Découverte a rencontré d'autres artistes :
les Impatients, un regroupement montréalais d'environ 150 personnes
souffrant de diverses maladies mentales. Selon le docteur Stip, les personnes
souffrant de maniacodépression ont souvent des carences dans les
quatre étapes de la création. Pour certaines, comme Louise
Gingras, la première étape, la préparation, semble
incomplète. Celle-ci dit s'inspirer à peine du monde extérieur.
Pour elle, la création permet d'exprimer « des
choses qu'habituellement on n'est pas capable de dire ».
L'incubation des ses idées et la création qui en résulte
se limite également à son monde intérieur. Regardez
ce pot de fleur qu'elle a peint : les tiges et les racines repliées
sur elles-mêmes reflètent son état d'âme. « J'ai
la tête prise comme dans un pot, et j'essaie de m'en sortir un peu.
Je me sens un peu prise avec mes idées, j'ai besoin de créer »,
affirme-t-elle.
Souvent,
la dernière étape de la création, la confirmation
de la découverte artistique, est également absente. C'est
le cas de Gaétane Lupien, qui souffre aussi de dépression
chronique. Elle dit ne pas accorder d'importance à ce que l'on
voit ou non ses uvres : « Moi, mon but, c'est
de m'exprimer. Du moment que je l'ai fait, je passe à autre chose.
Je ne pense plus à la dernière [toile] que j'ai faite. Je
passe toujours à une nouvelle, puis à une nouvelle ».
- Gaétane.
On constate aussi que plusieurs artistes atteints de maladie mentale ont
tendance à répéter de façon obsessive la même
uvre. Par exemple, Gaétane a une fixation sur la célèbre
peintre mexicaine Frida Kahlo. Elle dit elle-même ne pas comprendre
pourquoi elle répète toujours ses uvres :
« Je ne le sais vraiment pas. À un moment donné,
quand je serai tannée, je vais arrêter d'en faire et je passerai
à autre chose ».
Les grands
créateurs
Mais
que dire des grands créateurs qui ont souffert de maladie
mentale? Prenons des musiciens comme Shumann et Tchaïkovski,
ou encore des écrivains comme Tolstoï et Hemingway.
Et des grands peintres comme Michel-Ange et Van Gogh.
De
façon surprenante, la dépression et la schizophrénie
peuvent, pour certaines personnes très talentueuses, devenir
une source de créativité. Dans la maniacodépression,
par exemple, les quatre étapes de la création peuvent
parfois être présentes, mais de façon exagérée.
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« La maniacodépression, dans
l'absence de limites, permet d'avoir accès à un monde qui
génère de la création. En même temps, quand
nous sommes très mélancoliques, nous allons dans des choses
épouvantables, qui sont très mortifères et très
souffrantes, mais c'est un accès à ce monde-là. Dans
le dépassement des limites, la maniacodépression est un
bon modèle. » - Dr Emmanuel Stip, psychiatre,
Centre de recherche Fernand-Seguin
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