|
|
FOLIE ET CRÉATIVITÉ : ÉTROITEMENT LIÉES?
« La folie est
une altération plus ou moins grave de la santé psychique,
entraînant des troubles du comportement. »
- Le Petit Robert |
Jorane est saine d'esprit. Sa musique témoigne d'une
grande créativité. Il y a pourtant un mythe populaire selon
lequel il faut frôler la folie pour créer.
« C'est
une idée fausse, parce qu'en général, il y a énormément
de souffrance dans la maladie mentale. Donc, est-ce que parfois la souffrance
nous permet d'atteindre un seuil dans le processus créatif et [c'est]
ce qui nous fait créer beaucoup plus à ce moment-là?
C'est possible [...], mais on n'a pas besoin d'être complètement
souffrant et très malade pour créer »,
estime le Dr Emmanuel Stip, psychiatre au Centre de recherche Fernand-Seguin.
Le Dr Emmanuel Stip est psychiatre, mais également
artiste-photographe. Il porte donc beaucoup d'intérêt au
processus créatif chez les malades mentaux. Selon lui, un faible
pourcentage de malades mentaux sont en mesure de créer : de
10 à 15 %. Leurs carences sont trop importantes.
L'histoire
de Vincent
Voici l'uvre d'un patient du docteur Stip atteint de schizophrénie.
Son univers est peuplé de personnages macabres. La mort et la sexualité
y sont omniprésentes. La schizophrénie de Vincent Bourget
est aujourd'hui sous contrôle grâce à des médicaments
antipsychotiques. Selon le docteur Stip, la créativité de
Vincent Bourget est malgré tout handicapée. L'étape
de la préparation se limite beaucoup à ses fantasmes :
« Il est capable de nous dessiner la mort de façon
très, très précise. Là est son potentiel créateur.
Ce qui est [pour lui] plus difficile, c'est [...] d'être capable
d'organiser sa pensée de façon à ce qu'elle puisse
sortir de ses catacombes, de se mémoriser. Ce qu'il faut [...]
pour faire le geste artistique, la création ».
L'équipe du Dr Stip a examiné l'activation du cerveau
chez plusieurs schizophrènes. Chez les personnes normales,
le traitement des émotions se fait dans le lobe frontal.
Chez les schizophrènes, ce sont plutôt des régions
plus primitives, celles du système limbique, qui
s'activent.
Résultat : ils n'arrivent pas à ressentir
les émotions. Par contre, lorsqu'ils prennent des médicaments
antipsychotiques, le lobe frontal se remet à traiter les
émotions. Et c'est le lobe frontal qui est normalement
sollicité lors de la création, particulièrement
lors de la phase de l'illumination, le moment clé de la
création.
|
La
surmédication
Vincent Bourget a un bon dosage de ses médicaments.
Mais pour plusieurs malades, la surmédication atténue leur
créativité. Les antipsychotiques affectent des neurotransmetteurs
la dopamine et la sérotonine qui sont impliqués
dans les représentations et les émotions traitées
dans le lobe frontal. D'où l'importance de trouver un équilibre
dans les doses.
|