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Le sirop d'érable est un produit d'exportation majeur pour le Canada. | Photo : Radio-Canada / Martin Thibault

La réserve de sirop d’érable du Québec a fondu comme la neige sous le soleil du mois d’avril. Les raisons? Une mauvaise récolte en 2023 due aux intempéries et l’augmentation de la demande mondiale. Une autre saison comme celle qu’on vient de vivre et la réserve pourrait bien s’assécher complètement, entraînant une pénurie de sirop d’érable.

Chaque année en décembre, Statistique Canada publie les quantités de sirop d’érable récoltées durant l’année. Mais la semaine dernière, une mauvaise nouvelle a été annoncée : la production a chuté de 40 % à la grandeur du pays, une année qui se compare à 2018… alors que l’on compte aujourd’hui beaucoup plus d’entailles.

Ce n’est pas une surprise; on fait une enquête à la fin de la production chaque année, signale Joël Vaudeville, de l’association Producteurs et productrices acéricoles du Québec (PPAQ). Tout compte fait, c’est l’année 2022 qui a représenté une saison record, ce qui explique une partie de la baisse spectaculaire observée cette année.

Sauf qu’une autre variable est en baisse : le niveau de la réserve stratégique. D’immenses entrepôts permettent d’accumuler le sirop d’érable invendu durant les années fastes afin de garantir un approvisionnement constant.

Mon acheteur a été obligé d’aller en chercher dans la réserve. Ce n'est pas une pratique qu’il fait tout le temps, mais là, il le fait plus que jamais, explique Pierre-Luc Caron, un producteur acéricole du Bas-Saint-Laurent.

Or, cette réserve est désormais à un niveau très inquiétant : elle est passée de 100 millions de livres (45 millions de kilogrammes) en 2019 à 15 millions de livres (6,8 millions de kilogrammes) cette année. Une autre saison comme celle de 2023 et elle sera complètement à sec.

Il ne faudrait pas qu’on ait une petite production en 2024.

– Pierre-Luc Caron, producteur acéricole

La réserve à sec, un sirop plus cher?

De la tire sur la neige
De la tire sur la neige | Photo : iStock / ImageInnovation

Une pénurie de sirop d’érable aurait des conséquences sur le marché intérieur, bien sûr, mais surtout sur les acheteurs internationaux. Ils vont se tourner vers d’autres sources de sucre, souligne Pierre-Luc Caron. La réserve sert à ce que nos clients dans le monde aient un produit constant et standardisé. L’année dernière, les exportations de sirop d’érable du Québec ont généré plus de 600 millions de dollars de revenus.

Qu’est-ce que la mauvaise récolte de 2023 et la réserve à un niveau très bas veulent dire pour le prix du sirop d’érable? On n’a pas à s’inquiéter pour le prix, juge Joël Vaudeville. Il y a en masse de sirop dans la filière pour pallier la petite récolte de 2023.

C’est que même si l’or liquide du Québec est en moins grande quantité dans la réserve stratégique, il est emmagasiné du côté des transformateurs. Ces entreprises embouteillent, mettent en conserve ou transforment le sirop d’érable dans des produits de consommation.

Les transformateurs ont accumulé plus de 80 millions de livres (36 millions de kilogrammes) de sirop dans les dernières années dans leurs entrepôts. Ils ont préféré assumer les coûts d’entreposage et les risques, dit M. Vaudeville, et ce, afin d’acheter le sirop avant que son prix augmente en 2023.

Les érablières vendent aux transformateurs leur sirop d’érable à un prix fixé par une convention de mise en marché. Le prix est passé de 3 $ la livre en 2022 à 3,20 $ en 2023, et il passera à 3,29 $ l’année prochaine. Les érablières ont donc reçu une augmentation de 10 % sur trois ans pour leur sirop, mais le prix en épicerie est aussi décidé par les transformateurs, les distributeurs et les détaillants.

Une boîte de conserve contient environ une livre et demie (465 g) de sirop d’érable. Donc, chaque boîte de sirop donne un peu de moins de 5 $ à l’érablière où le sirop est produit. Actuellement, on trouve des boîtes de sirop d’érable de 540 ml à environ 10 $ dans les épiceries. Récemment, une boîte plus petite a aussi fait son apparition en réaction à l’augmentation des prix.

Une demande forte, mais en baisse

La demande internationale pour le sirop d’érable canadien – qui vient en très grande majorité du Québec – était forte en 2020 et en 2021, notamment pour la transformation alimentaire. Une demande qui a contribué à gruger la réserve. Mais le ralentissement de l’économie mondiale commence à se faire sentir, même pour le sirop d’érable. Les PPAQ notent une baisse de 8 % de l’appétit pour le produit en 2023.

Toutefois, l’organisation tente d’augmenter la capacité de production. Depuis deux ans, 14 millions de nouvelles entailles (sur 51 millions au total) ont été mises à la disposition des érablières québécoises. Notre objectif, c’est qu’il y ait toujours du sirop disponible, résume Joël Vaudeville.

Le sirop d'érable est un produit d'exportation majeur pour le Canada. | Photo : Radio-Canada / Martin Thibault