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À
travers le débat sur les centres de la petite enfance
et les places de garderie à 5 $, on oublie souvent
de parler des garderies en milieu familial, le service de
garde le plus fréquenté par les petits Québécois
d'âge préscolaire. Depuis
six ans, la plupart de ces garderies familiales à
5 $ dépendent des centres de la petite enfance
(CPE). Une intégration qui pose parfois des problèmes
sérieux.
Les centres de
la petite enfance (CPE), ou les fameuses garderies publiques
à 5 $, ont 77 mille petits clients satisfaits.
Pour d'autres enfants toutefois, rien ne remplace la chaleur
d'une maison. À leur intention, il y a la garderie
familiale subventionnée, que le centre de la petite
enfance développe et supervise.
Un gros contrat,
car ils sont plus de 80 mille enfants à entrer
chaque jour chez des femmes comme Isabelle Bertrand.
Pour 5 dollars par jour, elle offre un milieu sécuritaire
et stimulant à six enfants de Blainville. Le rêve
de bien des parents!
Pour
Cindy et Sylvain, l'aventure de la garderie familiale
s'est terminée avant même d'avoir commencé.
En février, leur fils Émile avait
pourtant sa place réservée dans un milieu
familial près de chez eux. Mais en juillet, juste
avant leur retour au travail, un message sur le répondeur
leur annonce que leur fils a perdu sa place. La raison?
Émile est un garçon...
Ce
que les parents d'Émile ne savaient pas,
c'est qu'une garderie familiale a parfaitement
le droit de choisir un enfant ou de renvoyer un
autre. Ici, contrairement à un centre de
la petite enfance, aucune liste d'attente ne doit
être respectée. Car les propriétaires
sont des travailleuses autonomes.
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Enjeux mène son enquête
Enjeux
a décidé d'enquêter sur des aspects
troublants de la garderie qui a refusé d'accepter
le petit Émile. Une visite de quelques minutes
nous a permis de relever deux violations de la loi.
Tout
d'abord, sa propriétaire n'habite pas sa garderie
familiale, ce qui dans son cas est illégal. Elle
y loue plutôt des chambres à deux étudiants.
Les
chambres étant situées à l'étage,
et la garderie, au rez-de-chaussée, rien n'empêche
le contact entre les chambreurs et les enfants. Par ailleurs,
même si elle a le droit de louer à des chambreurs,
la propriétaire n'a pas signalé leur présence
comme l'exigeait la loi. Et malgré
plusieurs inspections, le centre de la petite enfance,
qui supervise la garderie familiale, n'a rien remarqué.
Le
CPE n'a donc pas rencontré les chambreurs
comme l'exige la loi. Mais surtout, il n'a pas
réalisé les enquêtes policières
sur leurs antécédents judiciaires.
Chose qui est pourtant obligatoire pour
tous les adultes qui habitent la garderie.
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Tout en confirmant
les faits, le CPE n'a pas souhaité commenter. Quant
à la propriétaire, elle affirme n'avoir
jamais reçu de plaintes de parents. De plus, elle
ajoute
que : « Confrontés à une succession
de changements, nous avons omis l'application de l'article
30. Soit, mais de là à déduire que
dans notre milieu les facteurs à risque se conjuguent,
il y a un pas à ne pas franchir. »
Serait-il
possible qu'on exige trop de la garderie familiale?
Qu'à cause du 5 $, les parents s'attendent
au même service que dans un CPE?
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Les CPE : des surveillants aux mains liées
La
plupart des CPE n'ont pas choisi de développer
le milieu familial dans leur quartier; c'est la loi qui
les y oblige. André Marcotte par exemple,
dirige le CPE Carcajou et supervise 14 garderies familiales.
Mais avec des pouvoirs limités : le règlement
ne lui permettant que quatre visites de contrôle
par an. Parfois, M. Marcotte
n'a d'autre choix que de tolérer certaines garderies.
Une en particulier l'a beaucoup inquiété.
«On n'osait
pas agir, c'est la DPJ qui nous a obligés.
Il avait des marques dans le visage, on voyait
des traces de doigts».
Armé
du signalement à la DPJ, André Marcotte
retire finalement le permis de la responsable du service
de garde. Il fait la même chose pour une deuxième
garderie, cette fois-ci pour un cas de fraude. Dans les
deux cas, les responsables ont contesté la décision
devant le Tribunal administratif. Mais le CPE allait payer
le prix fort en frais d'avocat : « 180 000$ pour
les deux causes. Assez pour pratiquement remettre la survie
du centre de la petite enfance en jeu »,
affirme M. Marcotte.
Les démarches
d'André Marcotte n'auront d'ailleurs pas servi
à grand-chose . Après avoir imposé
des suspensions, le tribunal ordonne au CPE de réintégrer
les deux garderies.
« Est-ce que le tribunal remplit son rôle
de protection de l'enfant? Ma réponse, c'est non.
Le tribunal administratif n'est pas là pour protéger
l'enfant, il est là pour juger une situation entre
adultes. »
Devant
plusieurs décisions troublantes du Tribunal
administratif , on peut en effet se poser des
questions. Par exemple, dans un document obtenu
grâce à la Loi d'accès
à l'information, le tribunal ordonne
la remise du permis à une responsable dont
le fils de 14 ans avait commis des attouchements
sexuels à deux reprises. Une décision
qualifiée d'aberrante, par une avocate
au dossier.
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Devenir une responsable de service de garde
Comment choisit-on
les 12 mille femmes qui exercent le métier de responsable
de service de garde? Enjeux a assisté à
une partie du processus. D'abord, les représentant(e)s
du CPE effectuent une longue entrevue sur les compétences,
la vision et les motivations de la candidate. Après
l'entrevue, c'est la visite de l'appartement. Le CPE inspecte,
vérifie le respect des normes et demande des changements.
*
Si la candidate est choisie, elle ne doit pas s'attendre
à faire une fortune : 15 mille dollars net
en moyenne, pour six enfants. Et son service de garde
doit être ouvert 10 heures par jour.
* Pour obtenir son
permis, elle doit s'engager à suivre 45 heures
de cours et un cours de secourisme. Mais étrangement,
elle a le droit d'ouvrir son service avant d'avoir commencé
ses cours. En comparaison, une éducatrice dans
un centre de la petite enfance doit compléter un
Diplôme d'Études Collégiales (DEC)
de trois ans.
Le développement des CPE :
une histoire de gros sous?
Aujourd'hui
au Québec, l'heure est aux garderies familiales
: pas de nouveau projet de CPE en vue.
Pourquoi? Le ministère,
lui, se défend de fonder ses décisions sur
le coût des places. Reste que la différence
est importante : une place en milieu familial coûte 26,83$
par jour au gouvernement, alors qu'une place en CPE, plus
de 42$.
Des garderies familiales,
il y en a toujours eu au Québec et il y en aura
toujours. Mais le système actuel crée un
malaise. Les propriétaires de garderies familiales
se sentent souvent harcelées et exploitées
: « Si elles coûtent moins cher, qu'on
leur laisse les droits. Elles paient de leurs poches tous
les frais fixes, tous les frais de développement,
toute leur formation bref, tout ce que le gouvernement
ou un CPE n'assume pas, elles le paient de leurs poches.
Mais ont-elles des droits en retour? », souligne
Nathalie D'Amours, directrice générale,
Association des éducatrices familiales.
Mais chez
les parents et dans les CPE, on exige plus de pouvoirs,
plus de surveillance, plus de contrôle. Pour éviter,
dit-on, l'irréparable.
« Est-ce qu'un jour, on va se retrouver en
première page du journal, et qu'à un moment
donné, le volet familial va battre de l'aile? Est-ce
que c'est ça qu'on veut? Ça pourrait donner
ça. C'est ça qui me fait peur.»
- André
Marcotte, directeur, CPE Carcajou
Journaliste : Pascale Turbide
Réalisateur : Yves Bernard
Hyperliens
:: Association
des éducatrices et éducateurs en milieu familial
du Québec
Pour
consulter le rôle et les buts de l'association
:: Association
québécoise des centres de la petite enfance
Mission,
politique familiale, comment devenir éducateur-éducatrice
ou responsable de services de garde en milieu familial,
politiques et procédures de règlement des
plaintes, processus d'évaluation de la qualité,
etc.
:: Pour
trouver un service de garde près de chez vous
Ministère
de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille
:: Pour
consulter les aides du ministère dans le choix d'un
service de garde
Ministère
de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille.
:: Éducatrices
et éducateurs en milieu familial : leurs revendications
Communiqué,
8 septembre 2003. Association
des éducatrices et éducateurs en milieu familial
du Québec.
:: Éducatrices
et éducateurs en milieu familial
: pour
connaître où en est leur syndicalisation
Communiqué,
8 septembre 2003. Site
de la Confédération des syndicats nationaux
(CSN).
:: Pour
connaître les barèmes de financement des services
de garde en milieu familial
Centrale
des syndicats du Québec (CSQ)
:: Pour
consulter la politique familiale du gouvernement
Pour
participer ou consulter le forum des éducatrices
et responsables de service de garde en milieu familial
:: Les
politiques familiales
Dossier,
Enjeux, avril 2003.
:: Petit
Monde : le portail de la famille et de l'enfance