HOMÉLIE DU 12 DÉCEMBRE 2010
Avent 3

ÉGLISE DE LA TRÈS-SAINTE-TRINITÉ
Rockland, Ontario

Président de l'assemblée  :
Jean-François Morin

Lectures  :
Lecture du livre d’Isaïe (Is 35, 1-6a.10)
Psaume 145
Lecture de la lettre de saint Jacques (Jc 5, 7-10)
Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 11, 2-11

Lors d’un cours à l’université, j’avais montré avec des arguments solides que Jésus est le Messie, le Fils de Dieu et le Sauveur du monde.  À la suite de mon exposé, j’ai demandé à mes étudiants, comme à l’habitude  : « Avez-vous des questions ? »  L’un s’empressa de dire  : « Si ce que vous dites est si vrai, pourquoi encore tant de violences et d’injustices ?  Le monde ne semble pas tellement meilleur depuis la venue de Jésus ».  Ce doute de ce jeune étudiant, je ne l’ai pas oublié en méditant l’évangile que nous venons d’entendre.

Après avoir reproché à Hérode sa mauvaise conduite, Jean le Baptiste se retrouve en prison.  C’est lui qui avait désigné Jésus de Nazareth comme le Messie, l’Envoyé de Dieu tant attendu.  Or voici qu’il se met à douter.  Il est déçu de Jésus lorsqu’il entend dire que ce dernier mange avec des gens de mauvaise réputation et qu’il propose le pardon de Dieu à tous, osant même déclarer que les prostituées vont nous devancer dans le Royaume.  C’est ainsi que Jésus ne semble pas être le Messie qu’il avait annoncé avec tant de conviction.  Le messie, selon lui, devait mettre de l’ordre dans le monde, punir ceux qui n’observent pas les lois comme on coupe l’arbre qui ne porte pas de bons fruits, libérer son peuple dominé par les Romains, des païens.  Or Jean est déçu et il veut en avoir le cœur net. Il envoie ses disciples demander à Jésus  : « Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? »  Cette question est claire et sans détour.  Elle est aussi la nôtre.  Osons-nous l’avouer ?  Il nous arrive parfois de penser que Dieu n’agit pas comme il le devrait, du moins il n’agit selon nos idées  : il laisse souffrir des innocents; il ne punit pas des méchants qui réussissent mieux que des gens honnêtes, il n’exauce pas toujours nos demandes.  Qui n’a pas eu de question sur Dieu un jour ou l’autre ?  C’est normal d’en avoir.  Même les saints et saintes, comme Thérèse d’Avila, mère Térésa de Calcutta, ont vécu des nuits spirituelles, des nuits de questions et de doutes.

« Devons-nous en attendre un autre ? »  À cette question de Jean, on s’attendrait à un oui ou à un non. Jésus a l’occasion de dire lui-même qui il est et quelle est sa mission.  Il ne répond pas directement à la question, comme s’il se méfiait d’une réponse toute faite.  Le Baptiste devra répondre lui-même.  « Allez lui rapporter, dit Jésus, ce que vous entendez et voyez  : les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent ».  Tout cela est beau, mais rien sur son message d’amour, rien sur les béatitudes, - le cœur de son enseignement, - pas un mot sur Dieu.  Jésus demande plutôt de regarder ce qu’il a fait pour des blessés de la vie, quand il y de l’amour, l’amour sans frontières, l’amour des gens isolés et vulnérables par un handicap.

C’est d’ailleurs dans ces termes que le prophète Isaïe, nous l’avons entendu dans la première lecture, annonçait l’intervention de Dieu.  Jean a obtenu la réponse à sa question : Jésus est bien celui qui doit venir, mais il ne sera pas le Messie tel qu’il l’avait imaginé.  Jésus n’a pas fini de surprendre et d’étonner.

Encore maintenant, il veut de nous une foi réfléchie, une foi d’adulte, personnelle, au-delà des formules répétées et apprises par cœur.  Est-ce que nous acceptons que Jésus Christ soit si proche des démunis, si rayonnant de l’amour de Dieu le Père pour tous, si libre à l’égard des lois, des traditions et des coutumes religieuses ?   Le véritable signe que Dieu est toujours en train d’établir son royaume dans l’Église et le monde, c’est être proches des autres et se réaliser dans le service gratuit.

L’Avent, c’est la saison du désir.  Concrètement qu’est-ce que nous désirons ?  La réponse à cette question, c’est le secret le plus intime que nous portons.  Lorsque nous voulons savoir l’état de santé de notre cœur, de notre vie intérieure, demandons-nous ce que nous désirons et attendons.  Plus notre attente est grande, plus nous ne serons pas déçus par Noël, la grande fête de la venue de Dieu dans notre monde, de ce Dieu généreux et heureux d’y venir, d’y demeurer et de nous partager sa joie.  Nous n’avons pas à en attendre un autre.

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