HOMÉLIE DU 3 OCTOBRE 2010
27e dimanche du temps ordinaire (Année « C »)

ÉGLISE NOTRE-DAMES-DE-LOURDES
Ottawa, Ontario

Président de l'assemblée :
Père Gaétan Ouimet s.m.m.

Homéliste :
Louis-Paul St-Laurent

Lecture du Livre d’Habacuc (Ha 1,2-3;2,2-4)
Psaume 94
Seconde lettre de saint Paul Apôtre à Timothée (2Tm 1,6-8.13-14)
Évangile selon saint Luc (17,5-10)

Bien des gens me disent: «Ça fait longtemps que je prie pour ça.  Je voudrais tellement que mes proches et moi-même soyons libérés de cette souffrance, et il n’y a rien qui change».  Qui d’entre nous devant une situation qui le dépasse complètement ne s’est pas pris à souhaiter que Dieu l’exauce immédiatement ?  C’est ce qu’à vécu Habacuc dans la première lecture.  Son peuple était déporté dans un autre pays, l’Irak actuel.  Les siens subissaient la violence et les humiliations.  Habacuc a prié Dieu pour que tout cela cesse sans plus tarder.  Peut-être le cri d’Habacuc est-il encore le nôtre aujourd’hui: «Combien de temps Seigneur, vais-je t’appeler au secours, et tu n’entends pas, crier contre la violence, et tu ne délivres pas!  Pourquoi restes-tu à regarder notre misère ?»  Habacuc a eu assez de foi pour croire que le Seigneur lui répondrait.  Le Seigneur ne lui a pas donné d’explication, mais il lui a promis que son aide viendrait au temps fixé, à son heure et il lui a dit de l’attendre.  Dans ma propre expérience de croyant, il m’est arrivé de penser que Dieu était bien lent à tenir ses promesses.   Je pensais que c’était moi qui attendais après Dieu.  Puis, je découvrais à un certain moment que c’est plutôt le Seigneur qui attendait après moi.  Peut-être m’aurait-il exaucé plus tôt, mais pour ma part je n’étais pas encore prêt, insuffisamment préparé à tirer parti de ce qu’il voulait me donner.

D’autres croyants avant moi se sont rappelés facilement ce qui revient à Dieu, oubliant qu’eux aussi avaient un rôle actif à jouer dans l’aventure de la foi.  Quand le peuple d’Israël a traversé le désert, à chaque inconfort, à chaque détresse, Israël mettait en doute que Yahvé lui donne prochainement les moyens de s’en sortir.  Le psaume 94 nous rappelle cet épisode au désert.  Bien des fois, les Israélites avaient été secourus par l’intervention du Dieu unique.  Pourtant, à chaque nouvelle difficulté, ces croyants demeuraient tout aussi inquiets, comme s’ils n’avaient jamais vu les actions du Seigneur pour eux.  Le psaume 94  est une invitation à s’appuyer sur le Seigneur comme sur un rocher qui ne bronche pas.  «Venez, acclamons notre Rocher, notre salut ! Allons jusqu’à lui en rendant grâce».  Le peuple était aussi appelé à célébrer son Dieu, à faire mémoire de tous ses coups de pouce pour garder en lui l’assurance que Yahvé ne l’abandonnerait pas.  La part qui revient aux croyants d’hier et d’aujourd’hui c’est d’écouter le Seigneur.  «Aujourd’hui, écouterez-vous sa parole ?»  Écouter c’est bien plus qu’entendre.  Écouter veut dire obéir.  En latin, le mot obéir vient du mot « audire » qui signifie écouter.  Dans la Bible, écouter et obéir sont des mots de la même racine.

Ce que nous choisissons d’écouter, nous finissons par y obéir.  C’est pour cela que Paul invite Timothée à ne pas écouter ses peurs, pour ne pas être paralysé par elles. Paul  prend le temps de rappeler à Timothée: «…ce n’est pas un esprit de peur que Dieu nous a donné, mais un esprit  de force, d’amour et de raison».   Paul lui dit même : «…Tu dois réveiller en toi le don de Dieu que tu as reçu quand je t’ai imposé les mains».  Pour être obligé de réveiller le don de la foi et de l’amour, faut croire que cela dormait chez Timothée.  Un jour, un de mes formateurs à Rome m’avait dit à peu près la même chose: «Tu sais, l’appel que nous avons reçu du Seigneur, ça peut dormir en nous comme au fond d’un tiroir».  Sur le coup, j’ai été froissé qu’il me dise cela puis m’étant aperçu que c’était vrai, j’ai ensuite décidé de me ressaisir.  Les catéchètes qui préparent les parents au baptême de leur enfant leur rappelle également une vérité dérangeante.  Ces catéchètes disent aux parents: «La foi c’est comme un cadeau, si on ne le déballe pas et qu’on l’oublie dans un coin du sous-sol, ça ne sert à rien» ou encore : «La foi c’est comme une plante, si on arrête de l’arroser, elle meurt».   À notre baptême, Dieu nous a fait cadeau de la foi.  La foi vient donc pour une part de Dieu, elle est un don.  La foi demande aussi de notre part à être entretenue, à être cultivée.  Cette présence de Jésus-Christ en nous par l’action de l’Esprit-Saint, est-ce que nous la gardons et est-ce que nous la partageons suffisamment ?

Les apôtres dans l’évangile d’aujourd’hui croient qu’en ce qui concerne leur foi c’est au Seigneur d’en faire plus.  Ils disent à Jésus : «Augmente en nous la foi !» Jésus réponds à ses apôtres que la foi, il s’agit d’en avoir un tout petit peu quand on s’en sert pour réaliser ce que personne n’aurait cru possible.  Jésus leur dit que la foi produit effectivement des choses impensables, aussi surprenantes que de déplacer avec toutes ses racines un sycomore, un arbre considéré indéracinable.  Pour aider ses apôtres à comprendre qu’il ne faut pas s’attendre à ce que Dieu intervienne tout le temps dans nos vies sans que nous-mêmes fassions notre part, Jésus leur raconte une parabole.  Un serviteur qui a les deux pieds sur terre peut-il s’attendre à manger avant son maître, avant de lui avoir préparé à dîner, de l’avoir servi et de lui avoir laissé le temps de manger et boire ?  Pourquoi donc dans notre vie spirituelle demanderions-nous au Seigneur de se mettre à notre service sans nous acquitter nous aussi de notre service envers lui ?  Nous sommes dans le temps de la foi.  Même si nous ne recevons pas de marque d’appréciation spéciale du Seigneur dans l’immédiat, nous pouvons agir en ayant à cœur d’accomplir nos tâches, parce que c’est lui qui nous les a confiées et c’est pour lui que nous les faisons.  C’est en obéissant à ce qu’il nous a demandé que grandit en même temps notre attachement à lui, notre confiance en lui et donc notre foi.  Pour le Seigneur, nous sommes loin d’être inutiles.  À la façon dont nous rendons service aux autres et par l’amour que nous manifestons, nous pouvons contribuer à ce que bien des gens s’ouvrent à Dieu et le découvrent.  Dieu nous aime déjà gratuitement, ne craignons pas qu’il oublie ce que nous faisons pour lui dans la foi.

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