HOMÉLIE DU 10 OCTOBRE 2010
28e dimanche du temps ordinaire (Année « C »)

Action de Grâce avec la Maison Lauberivière

ÉGLISE NOTRE-DAME-DE-JACQUES-CARTIER
Québec, Québec

Président de l'assemblée :
André Beauchamp

Lecture biblique Siracide (24, 1-2 13-18)
Lettre de saint Paul Apôtre aux Romains (8,18-23)
Évangile selon saint Matthieu (6,25-34)

La fête de l'Action de grâces porte bien son nom : c'est la fête du remerciement, de la reconnaissance, l'occasion de dire merci, comme on dit en anglais de rendre grâce : thanksgiving. Dire merci du fond du coeur, c'est le plus beau geste de la vie humaine, car pour dire merci, il faut apprendre à recevoir, à apprécier le geste de la personne qui donne, lui être redevable. Dire merci c'est achever le cycle du don (donner, recevoir, rendre) et garder au coeur non pas une blessure, mais une ouverture, la mémoire d'un bienfait reçu. Un jour, dans une circonstance difficile, un éducateur nous a souri, nous a compris, nous a donné une chance. Et trente ans plus tard, au hasard d'une rencontre, nous lui confions comment son geste a changé notre vie.

La fête de l'Action de grâces d'aujourd'hui est axée sur la générosité de la nature, sur la récolte des fleurs, des fruits et des légumes, sur le jeu des couleurs et la beauté de l'été déjà fini et de l'automne qui s'affirme. Dans la splendeur du soir, nous apprécions mieux les couleurs et les odeurs, l'incroyable fécondité et la générosité de la Terre-Mère et du miracle de la collaboration entre elle et nous quand, respectant son rythme et ses cycles, nous apprenons à cultiver la terre. Cultiver la Terre ce n'est pas la soumettre, la violer, la torturer, en briser les rythmes et les équilibres. C'est comme respirer avec elle et en elle pour que règne l'harmonie.

Depuis l'apparition de ce que l'on appelle la crise écologique, beaucoup de chrétiens comprennent que nous avons brisé depuis longtemps notre relation harmonieuse avec la nature.  Nos techniques sont souvent violentes et mortifères. Nous sommes actuellement dans une débauche sans fin de saccage et de consommation : saccage des forêts et du sol, gaspillage de l'eau, pollution de l'eau et de l'air, volonté acharnée de tout brûler et de tout consommer, jusqu'à la dernière baleine, la dernière morue, le dernier éléphant, ou la dernière goutte de pétrole. Faut-il évoquer les dossiers si controversés des sables bitumineux dans l'Ouest Canadien ou des gaz de schistes au Québec? Cette année, nos voisins les États-Unis, ont été atterrés par la pollution d'un seul puits de pétrole dans la mer du Mexique. Mais déjà l'on s'empresse d'oublier pour satisfaire notre boulimie de consommation d'énergie.

Et voici qu'à force de courir si fébrilement après tant de choses, nous oublions de vivre. Il est temps d'arrêter de se prendre pour Dieu ou pour le nombril du monde. Il faut se reconnaître comme de simples créatures. Nous ne sommes ni la source ni la fin du monde où nous vivons. Nous sommes des partenaires, créatures de Dieu, membres d'une communauté créationnelle, d'une même famille en solidarité avec frère soleil, soeur lune, avec les plantes des champs et l'animal des forêts. Il faut parler d'alliance plus que de domination. D'autant plus que notre violence à vouloir dominer la terre se prolonge aussi en volonté de puissance à l'égard des autres humains. Notre société se durcit, les écarts s'accentuent entre les pauvres et les riches, entre les nations du Nord et les nations du Sud. Le spectre de la guerre est partout menaçant. Nous faisons fausse route. Il faut changer de cap.

« Ne vous faites pas tant de souci pour votre vie au sujet de la nourriture, ni pour votre corps au sujet du vêtement », dit Jésus. Jésus prend les deux exemples archi simples de la nourriture et du vêtement. Il ne parle pas des bijoux, d'autos, de taux d'intérêts, du téléphone cellulaire, de l'ordinateur, de voyages dans les Îles.

Jésus n'ignore aucunement le travail que les humains doivent accomplir pour l'alimentation et le vêtement, pour cultiver le sol ou tisser la laine et le lin.

Il évoque autre chose, une confiance radicale en Dieu. Avant de faire sa vie, il faut apprendre à la recevoir. Tous les rois de la terre, toutes les stars de Cannes ou d'Hollywood ne sont pas vêtus comme les lys des champs. Rien n'est aussi beau, rien n'est aussi simple, rien n'est aussi vrai.

Vivre dans la création de Dieu, c'est d'abord et avant tout accueillir la vie de Dieu. Il faut se recevoir soi-même comme un don que Dieu nous fait. Chaque matin il faut dire merci à la vie, merci à Dieu pour l'existence même qui coule en nous. Découvrir la joie d'être. Avant tout travail, toute transformation, accepter de n'être qu'un chant, qu'un cri d'émerveillement devant la grâce que Dieu nous fait.

« Ne vous faites pas tant de souci pour demain, dit Jésus; demain se souciera de lui-même; à chaque jour suffit sa peine » (Mt 6, 33).

C'est cela l'action de grâce. Dire merci à Dieu d'être le créateur présent et amoureux. Accepter d'être une créature, se recevoir soi-même comme un cadeau, avec amour et émerveillement. Et tout naturellement dire merci. Rendre grâce pour grâce. C'est cela l'Action de grâce, c'est cela aussi l'eucharistie.

Que le chant de la terre passe par notre voix. Que la terre dise à Dieu sa reconnaissance et que notre coeur vibre aujourd'hui à la générosité de la terre et à l'amour que Dieu nous donne par Jésus son Enfant.

Amen.

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