TEXTES DE RÉFLEXION - 19 SEPTEMBRE 2010
25e dimanche du temps ordinaire (Année « C »)

Célébration inter-religieuse
CHAPELLE DES DOMINICAINS
Montréal, Québec

Commentaires et réflexions de :
Sharon Gubbay-Helfer, Sylvie Latreille et Samia Amor

 
Commentaires et réflexions de Sharon Gubbay-Helfer

Judaïsme (Deutéronome 30 :11-14)

11 Car ce commandement que je te prescris aujourd'hui n'est pas trop haut pour toi, et il n'en est point éloigné. 12 Il n'est pas aux cieux pour dire : Qui est-ce qui montera pour nous aux cieux et nous l'apportera, afin de nous le faire entendre et que nous le fassions? 13 Il n'est point aussi au-delà de la mer pour dire : Qui est-ce qui passera au-delà de la mer pour nous et nous l'apportera, afin de nous le faire entendre et que nous le fassions? 14 Car cette parole est fort près de toi, dans ta bouche et dans ton coeur pour la faire.

Ce passage arrive vers la fin du livre du Deutéronome, où, à la fin de sa vie, Moïse livre la parole de Dieu au peuple d'Israël et récapitule le message qu'il désire lui transmettre avant sa mort. Le passage dont ces versets sont extraits n'est pas facile. Il parle de bénédictions et de malédictions, le choix auquel nous faisons face nous, les êtres humains, de choisir la voie de la lumière ou de ne pas la choisir. Si nous optons pour la lumière, nous serons comblés de bénédictions. Si nous ne tranchons pas de cette manière, notre sort sera triste, abominable, apeurant... et décrit en détail dans les versets qui précèdent et qui suivent ceux-ci.

À la fin de l'extrait il y a une invitation, à examiner les options qui nous sont offertes, la voie de la lumière ou la voie sans lumière. La directive que nous recevons est de choisir la vie, afin que nous et nos enfants puissions vivre et prospérer.

C'est très bien. Nous nous aimerions bien choisir la vie et cheminer vers la lumière. Mais comment? Comment dans la vie quotidienne pouvons-nous accomplir cela?

Pour moi, et c'est pour cette raison que j'ai choisi cet extrait, la réponse se trouve au plein milieu du passage, dans les versets que je viens de citer : C'est Dieu qui donne la réponse, par l'intermédiaire de Moïse... et la réponse est que nous possédons déjà la réponse, qu'elle se trouve dans notre bouche et dans notre coeur...

Il y a une très belle histoire qui nous provient de la tradition mystique juive, la cabala, qui parle de la lumière. Ce récit veut que, en créant l'univers, Dieu a dû se contracter pour créer l'espace dans lequel l'univers puisse exister et se déployer. Ainsi, l'essence divine s'est contractée et s'est réfugiée à l'intérieur de vaisseaux, mais pas tout-à-fait. Des étincelles du divin se sont évadées et se sont implantées dans la création matérielle et dans nous. Selon ce récit, notre but est de libérer ces étincelles du divin de leurs contenants matériels pour qu'elles se réunissent avec la grande lumière du divin.

Mais, encore une fois, je me pose la question : comment cela peut se faire? Il est certain que je crois nourrir à l'intérieur de moi-même une étincelle du divin, comme vous, et vous, et comme nous tous. Mais comment faire ma part? Comment puis-je libérer cette étincelle qu'il m'est donné d'abriter?

Cet extrait me dit que la réponse reste à l'intérieur de moi-même. Elle n'est pas loin. La parole divine est logée dans mon coeur et dans ma bouche pour l'accomplir. Je rends grâce à Dieu pour le privilège de me trouver ici, avec ces collègues, devenues amies. Cette occasion nous a fourni un espace à l'intérieur duquel nous avons pu nous mettre à l'écoute, chacune de son côté et toutes les trois ensemble, à cet esprit dans nos coeurs et dans nos bouches, comme dit la Bible, pour entendre et pour accomplir ensemble cette cérémonie de lumière, d'amour et de paix.

 
Commentaires et réflexions de Sylvie Latreille

Christianisme (Jean 1, 1-5; 14)

1 Au commencement était le Verbe, et le Verbe était tourné vers Dieu, et le Verbe était Dieu. 2 Il était au commencement tourné vers Dieu. 3 Tout fut par lui, et rien de ce qui fut, ne fut sans lui. 4 En lui était la vie et la vie était la lumière des hommes, 5 et la lumière brille dans les ténèbres et les ténèbres ne l'ont point comprise. 14 Et le Verbe s'est  fait chair et il a habité parmi nous et nous avons vu sa gloire, cette gloire que, Fils unique plein de grâce et de vérité, il tient du Père.

Cet extrait que je viens de lire se retrouve au début de l'Évangile selon Saint-Jean. Ces quelques versets font partie du Prologue, issus de la tradition johannique. Des quatre évangélistes, Jean est le seul qui introduit son évangile par un Prologue. Ce texte est proclamé à la messe du jour, de la fête de la Nativité du Seigneur.

L'évangéliste utilise un langage poétique dans ces versets qui sont difficiles à comprendre. Il exprime en peu de mots les origines de la singularité de la foi chrétienne. Dans son Prologue, Jean annonce cette Bonne Nouvelle de la manifestation de Dieu en Jésus Christ, dès le commencement absolu. « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était tourné vers Dieu, et le Verbe était Dieu. » Ces derniers mots sont inscrits en grec, au-dessus des versets inscrits en français, sur le papyrus derrière moi.

Le langage peut nous sembler étrange. Il s'agit comme d'un prélude aux chapitres qui vont suivre. Ce Prologue précède le début du ministère de Jésus, annoncé par Jean le baptiste et inauguré par le baptême de Jésus. L'auteur du quatrième évangile s'adresse à une communauté de croyants et de croyantes après les événements de la mort et de la résurrection de Jésus Christ. À la relecture des événements de Pâques et de Pentecôte, la communauté johannique retrace l'avènement de Jésus Christ. « En lui était la vie et la vie était la lumière des hommes. »

La lumière dans le christianisme a une portée symbolique de grande importance. Dans un autre passage de l'Évangile, au chapitre 12, Jésus proclame : « Moi, la Lumière, je suis venu dans le monde, afin que quiconque croit en moi ne demeure pas dans les ténèbres. » Dans le Credo de Nicée-Constantinople nous proclamons notre foi à l'aide de ces mots : « Je crois en un seul Seigneur, Jésus-Christ, le Fils unique de Dieu, engendré du Père avant tous les siècles, Lumière née de la Lumière (...) » La Lumière vient de Dieu, elle est en Dieu et le Verbe est la lumière, qui, en venant dans le monde, nous éclaire sur notre filiation comme enfant de Dieu. Lors de notre baptême, la présence du cierge pascal symbolise cette présence de Jésus Christ.  Aujourd'hui, j'ai choisi des versets du Prologue de Saint-Jean qui rappellent le coeur du christianisme. Comme croyante, à mon tour, à l'exemple de Jean le baptiste, je suis invitée à rendre témoignage à cette Lumière, dans le respect des différences et l'ouverture aux autres

 
Commentaires et réflexions de Samia Amor

Islam (Sourate Nour 24 :35)

« Dieu est la Lumière des cieux et de la terre. Sa lumière est semblable à une niche où se trouve une lampe. La lampe est dans un (récipient de) cristal et celui-ci ressemble à un astre de grand éclat; son combustible vient d'un arbre béni : un olivier ni oriental ni occidental dont l'huile semble éclairer sans même que le feu la touche. Lumière sur lumière. Dieu guide vers Sa lumière qui Il veut. Dieu propose aux hommes des paraboles et Dieu est Omniscient. »

Ce verset est un extrait d'une sourate qui aborde plusieurs thèmes en lien avec la situation sociale et morale de l'époque.

Ce passage particulier débute par un attribut de Dieu : Dieu est Lumière. Il se poursuit par une métaphore qui est interprétée par de nombreux exégètes musulmans comme une référence au lieu de prédilection de cette lumière, à savoir le coeur du croyant. Un coeur qui dispose des mêmes caractéristiques que le cristal, c'est-à-dire la limpidité (le coeur dispose d'une vue non brouillée [il n'a pas besoin de lunettes]), la finesse (le coeur abrite amour et compassion) et la solidité (le coeur surmonte les épreuves (sauf celles reliées aux problèmes cardiovasculaires).

Cet extrait m'attire sur deux plans : l'esthétique du phrasé et la métaphore qu'il renferme. L'esthétique s'exprime par la beauté des mots utilisés qui sont à la fois familiers, souples et maternants (Lumière, niche, cristal, olivier), mais qui comportent un poids (Lumière sur lumière) et une musicalité qui se révèle lors de sa récitation (une alternance de pauses et de répétitions); la métaphore réunit la niche et le cristal pour créer une image à la fois de cocon, d'ancrage et de sécurité, mais aussi de pureté et de transparence.

Ma lecture personnelle de ce verset me laisse voir que la parabole du coeur retenue par les exégètes musulmans met en évidence les deux faces de cet organe de sens considéré comme l'espace de la foi : sa fragilité et sa solidité. Deux caractéristiques qui peuvent également être le reflet du lien qui unit l'être humain (créature) à son Créateur. Nous sommes dans une relation avec la déité qui oscille entre les pôles de la foi et du doute, alors que notre quête est celle de la stabilité du coeur et de la tranquillité de l'âme. Comment y parvenir?

Ce que je comprends de ce verset est que l'accès à la quiétude commence par une reconnaissance de la lumière divine qui habite le coeur de chaque être humain. Elle lui confère une valeur sacrée et l'aide à se regarder comme être humain et à voir l'autre également comme un être humain, un semblable, un égal à soi qui postule respect.

L'acceptation de cette lumière divine dans notre intériorité est donc une invitation à la rechercher chez l'autre, qui porte également la présence de Dieu en lui. Cette rencontre à trois nécessite le passage du dialogue qui commence avec soi pour se poursuivre dans une conversation avec l'autre. Un dialogue qui a pour règle d'or l'ihsan, c'est-à-dire un comportement bienveillant. Il ne peut se produire que sous la guidance de la lumière divine qui nous éclaire, l'un et l'autre, l'un avec l'autre.

En fait, ce que je comprends de ce verset c'est qu'il nous incite, à partir de la Lumière de Dieu intériorisée dans notre coeur, à renouer avec la fraternité humaine, quelle que soit la couleur de la peau, l'ethnie ou la tradition religieuse. À cette condition seulement la paix s'installe en nous et avec l'autre, cet être humain, ma soeur et mon frère, qui appartenons à la même famille, celle de Dieu.

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