HOMÉLIE DU 29 AOÛT 2010
22e dimanche du temps ordinaire (Année « C »)

ÉGLISE SAINTE-THÉRÈSE
Cornwall, Ontario

Président de l'assemblée :
Mgr Paul-André Durocher, évêque

Lectures :
Livre de Ben Sirac le Sage (si 3,17-18.20.28-29)
Psaume 67
Lettre aux Hébreux  (He 12, 18-19.22-24a)
Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc (11, 1-13)

Nous aimons tous les spectacles : les lumières vives, les sons vibrants, les émotions fortes, la vitesse, l'action. Je me souviens de la première fois que je suis allé à un carnaval : comme j'étais impressionné par la rapidité des manèges, le tintamarre de la musique, les cris des aboyeurs, le goût doux-amer des pommes au caramel. Je me souviens aussi de ma première visite aux chutes Niagara : la masse incroyable des eaux plongeant le long de la falaise, le bruit assourdissant de ces eaux se jetant à une vitesse vertigineuse dans ce qui semblait une bouilloire immense de vagues tourbillonnantes et de brumes impénétrables. Quel spectacle!

Nous voudrions peupler nos vies de tels spectacles. Nous voudrions que nos fêtes soient vivantes, surprenantes, pleines de couleur. Nous voudrions que nos automobiles brillent, que nos jardins éblouissent, que nos habits étonnent. Notre culture semble se nourrir du spectaculaire. Nous croyons être plus vivants lorsque nos sens sont excités et surchargés.

Et pourtant... Il me semble que les choses les plus importantes de la vie sont les plus douces, les plus discrètes, les plus humbles de toutes. Nous sommes touchés au coeur de nous-mêmes par un enfant qui dort, par une nuit étoilée, par un lac silencieux. Toute la profondeur de l'amour peut s'exprimer dans un simple toucher rempli de tendresse. Une seule rose partagée peut dire toute la sympathie qui nous envahit face au terrible deuil d'un ami. Une simple chanson murmurée autour d'un feu de camp peut nous faire goûter l'éternité.

De fait, le spectacle nous éloigne de nous-mêmes. Les bruits, les lumières, les sensations fortes viennent de l'extérieur et, dans notre intérieur, se créent un espace en refoulant ce que nous appelons le coeur : le centre de notre être. Le spectacle nous envahit, prend toute la place... et nous nous perdons dans le spectacle. Nous cessons d'exister : il ne reste que le spectacle.

Nous connaissons si peu notre coeur, nous habitons si peu notre être intérieur, que nous en venons à croire que la vie prend sa richesse et sa valeur dans ce qui nous entoure. Nous risquons d'y perdre notre âme.

Et pourtant, c'est de l'âme que s'élève l'amour, que la pensée se forme, que l'imagination prend son envolée. Et c'est dans l'âme que nous vivons la vraie rencontre : la rencontre de soi, la rencontre de l'autre, la rencontre de Dieu.

L'auteur de la lettre aux Hébreux rappelle, dans la deuxième lecture proclamée aujourd'hui, que la rencontre avec le Dieu de Jésus-Christ n'a rien de spectaculaire. Aucun volcan, aucun ouragan, aucune musique céleste ou voix éternelle s'élève pour nous faire vibrer ou trembler. Il n'y a que le silence d'une Croix dans la solitude d'une colline un vendredi après-midi. Il n'y a que le calme d'un tombeau vide un dimanche matin. Il n'y a que la brise douce d'un souffle divin qui passe dans nos vies.

Si l'on apprend à quitter notre besoin du spectaculaire, si nous acceptons le mystère profond qui habite nos âmes, nous apprenons à découvrir une réalité plus extraordinaire que nous ne pourrions jamais imaginer : des milliers d'anges en fête, la foule immense des témoins du Christ, les âmes de tous les justes. Nous découvrons alors le Dieu qui crée la vie et le Christ qui nous mène à la vie. Et ce qu'il y a peut-être de plus étonnant : nous nous découvrons nous-mêmes.

L'appel à l'humilité qui résonne dans le texte de Ben Sirac le Sage et dans les mots de Jésus de Nazareth se révèle alors plus qu'une règle de politesse ou de bienséance. L'humilité, c'est comme la forme que prend l'intériorité lorsque nous nous trouvons avec d'autres. C'est une façon d'être attentif, non pas au spectaculaire, mais au mystère qui habite la personne que nous rencontrons. L'humilité se fait écoute, tendresse, présence et compassion. L'humilité ressemble à Jésus.

Un repas se prête bien à cette humble présence mutuelle. C'est peut-être pour cela que Jésus a fait du repas un élément important de son ministère. Autour d'une table toute simple, il se plaisait à rencontrer les gens. Le banquet fastueux qui s'inquiète des rangs d'honneur et de prestige s'apparente trop au spectacle : Jésus nous avertit de ne pas nous y tromper. Le but du repas n'est pas de se donner en spectacle, mais de rencontrer l'autre. D'ailleurs, n'est-ce pas au cours d'un repas intime que Jésus a donné le sens de sa vie et de sa mort? Et n'est-ce pas sous la forme d'un repas qu'il se rend présent à nous aujourd'hui encore pour nous rencontrer sous les simples signes d'une miche de pain et d'une coupe de vin?

Rendons gloire à Dieu qui vient vers nous si humblement, nous permettant de l'accueillir dans la simplicité de notre être. Et à notre tour, allons à la rencontre de l'autre avec cette même humilité qui lui permettra aussi de nous accueillir dans sa propre simplicité. Nous toucherons alors à ce qui a de plus merveilleux : le mystère du coeur.

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