HOMÉLIE DU 13 DÉCEMBRE 2009
3e dimanche de l'Avent C

ÉGLISE SAINT-FRANÇOIS D'ASSISE
Montréal, Québec

Président de l'assemblée :
François Baril

Livre de Sophonie (3, 14-18a)
Lettre de saint Paul aux Phillippiens (4, 4-7)
Évangile selon saint Luc ( 3, 10-18)

Pour un deuxième dimanche consécutif, Luc nous met en présence de Jean-Baptiste, un prophète impressionnant, de haute stature, dont Jésus a dit de lui : « Aucun n'est plus grand que Jean. »

Un écrivain italien, Giovanni Panini, a décrit Jean-Baptiste de la façon suivante :

« Enveloppé dans une peau de chameau, avec à la taille un ceinturon de cuir; grand, austère, osseux, brûlé par l'astre du midi, le poil sur la poitrine, les cheveux longs jusqu'aux épaules, la barbe lui cachant presque le visage, il laissait voir les sourcils broussailleux, deux pupilles comme des éclairs avec quelque chose de sauvage quand de sa bouche dissimulée, il laissait échapper des paroles de réprobation. »

« Jean, le corps consumé par le soleil du désert et l'âme à vif par le désir du règne, est l'annonciateur, le feu. Dans la personne du Messie qui doit venir, il voit le Maître de la flamme. »

Disons que ça fait un peu différent du petit Jean-Baptiste mignon et bouclé qu'on nous a présenté jusque dans les années '60...!

J'imagine Jean-Baptiste venir témoigner dans une éventuelle enquête publique dans la construction au Québec : ça ferait du feu!

Jean-Baptiste était un homme d'une seule pièce : quand on parle de lui, on le décrit comme étant un passionné pour la justice, un homme d'une droiture sans faille!

Il offre donc généralement un profil d'homme radical, mais l'extrait de l'Évangile de ce dimanche nous le montre moins cassant. À la question «Que devons-nous faire », posée par les foules, les publicains et les soldats qui se présentaient pour recevoir le baptême, il répondait simplement en invitant au partage, à la justice et au respect : « Celui qui a deux vêtements, qu'il partage avec celui qui n'en a pas » – « N'exigez rien de plus que ce qui vous est fixé » – « Ne faites ni violence ni tort à personne. »

Le droit et la justice peuvent donc se pratiquer au coeur des simples gestes du quotidien. Il s'agit de s'entraîner dans ce sens, comme plusieurs s'entraînent pour garder leur bonne forme physique. L'engagement d'une quarantaine d'organismes de notre quartier, réunis mardi dernier au sous-sol de l'église, témoigne de cette volonté de nous entraîner ensemble à servir les personnes d'abord, les familles, les jeunes, les chômeurs et tant d'autres qui interpellent notre solidarité. C'est une question de justice sociale!

Jean-Baptiste invite à une conversion aux vraies valeurs qui construisent une humanité meilleure. En baptisant dans le Jourdain, il souhaitait que les gens plongent dans l'Esprit Saint et le feu, cette Pentecôte qui a le pouvoir de tout transformer. Jean-Baptiste utilise une image forte : la pelle à vanner, symbole d'un grand ménage à faire dans nos vies, dans notre société.

À la différence des gens de l'époque de Jean-Baptiste, nous savons que la venue du Christ a changé le cours de l'histoire. Mais nous souffrons de ne pas voir encore la complète réalisation du Règne de Dieu. Ce malaise rend parfois l'espérance difficile. On retrouve cet état d'âme, me semble-t-il, dans la chanson bien connue de Raymond Lévesque : Quand les hommes vivront d'amour. Ce texte porte l'expression d'un espoir déçu que l'on ne puisse connaître de notre vivant un monde vraiment transformé :

« Quand les hommes vivront d'amour
Il n'y aura plus de misère
Et commenceront les beaux jours
Mais nous nous serons morts, mon frère. »

Pourtant, nos désirs les plus fous sont à la hauteur du possible. Par sa vie donnée, le Christ nous a ouvert l'avenir. C'est l'amour qui sauve de la déception, de la désespérance. On comprend alors pourquoi Jean-Baptiste, qui a annoncé le Messie, a été vu comme messager de Bonne Nouvelle.

Fidèle à sa mission, Jean-Baptiste, le costaud, a décidé de « brasser son monde » pour les réveiller de leur médiocrité et de leur morosité. Il a voulu les faire vibrer à l'intensité de la vraie joie. Laissons-nous brasser nous-autres aussi!

Chers amis, ce troisième dimanche de l'Avent est appelé « dimanche de la joie ». « Le Seigneur te renouvellera par son amour »... nous dit le prophète Sophonie. « Soyez toujours dans la joie du Seigneur »... nous dit saint Paul.

Puisque nous sommes baptisés, nous avons le souffle et le feu de l'Esprit Saint. Retrouvons aujourd'hui la joie de croire en Celui qui nous pousse à l'engagement pour la vie, dans la droiture et la justice. Comme Jean-Baptiste, nous deviendrons Bonne Nouvelle d'une espérance toujours possible.

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