HOMÉLIE DU 22 NOVEMBRE 2009
Fête du Christ Roi de l'univers B

ÉGLISE SAINT-SÉBASTIEN
Ottawa (Ontario)

Président de l'assemblée :
Abbé Daniel Berniquez

Lecture du Livre de Daniel
Psaume 92
Lecture de l'Apocalypse de saint Jean
Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean

Le Christ, Roi de l'univers

Lorsque j'étais jeune on chantait dans ma paroisse natale à la fête du Christ-Roi « Parle, commande, règne! Nous sommes tous à toi : Jésus, étends ton règne, de l'univers sois Roi ». Avec pour couplet : « Tandis que le monde proclame, l'oublie du Dieu de majesté, dans tous nos coeurs l'amour acclame, Seigneur Jésus, ta royauté ». Ça me faisait toujours sourire parce que les images que j'avais d'un royaume terrestre : couronne, trône, richesse et pouvoir ne rentraient en aucune considération avec le royaume spirituel que nous offre Jésus.

Jésus n'est pas un roi comme les rois de la terre.

J'ai assez vite compris qu'il n'est pas si facile de bien comprendre la royauté de Jésus. Les rois dont nous connaissons la biographie n'ont pas toujours bonne réputation. Certains, dans l'histoire, ont été des dominateurs et des potentats. Il faut dire que ce n'est pas vraiment le cas des rois et des reines de mon enfance, mais nous sommes pris avec nos images de la royauté qui ne traduisent plus vraiment la réalité d'aujourd'hui.

Le Jésus dont nous acclamons la royauté en ce dimanche n'a rien à voir avec les rois de la terre. Saint Jean nous aide à le comprendre en faisant dire à Jésus que sa royauté ne vient pas de ce monde. Toutes nos conceptions de la royauté terrestre doivent être mises de côté si l'on veut se faire une juste idée du Roi qu'est Jésus et avoir une représentation correcte de ce qu'est son royaume.

Il sait bien, Jésus, au moment de son procès, que s'il était un roi élu par le peuple, des défenseurs se seraient levés pour clamer son innocence. Mais, ce ne sont pas les humains qui en ont fait leur roi. Il est l'élu de Dieu, son envoyé pour réaliser et révéler son projet de salut. C'est de Dieu que lui vient son autorité et son pouvoir.

C'est à la manière du Père qu'il exerce cette autorité et assume ce pouvoir.

La notion de royauté, appliquée à Jésus, reçoit dans l'Évangile de Jean une signification toute nouvelle qui n'a plus rien à voir avec l'idée habituelle de royauté. Le royaume de Jésus consiste à rendre témoignage à la vérité. La vérité chez Jean, c'est Dieu qui se fait connaître en Jésus et c'est Jésus lui-même. Jésus donc est Roi parce qu'en lui, on peut voir le Père.

Ma royauté ne vient pas de ce monde.

« Je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité » Jésus est donc roi parce qu'il est porteur de vérité, parce qu'il révèle la vérité, parce qu'il est lui-même la Vérité. Pilate demande à Jésus : « Qu'est-ce que la vérité? » Pas de réponse de la part de Jésus, parce que Pilate n'est pas en situation de comprendre. Il se refuse à comprendre. Mais à ceux et celles qui veulent comprendre, les évangiles sont donnés. De la première à la dernière ligne, les évangiles tracent le portrait de cette royauté qui imprègne la personne de Jésus.

« Ma royauté ne vient pas de ce monde », dit Jésus dans l'Évangile. Devant ses accusateurs, il se tient seul, sans armes, sans défense. Sur le chemin de sa passion, il révèle toute la puissance de Dieu, une puissance qui refuse la violence, qui respecte réellement notre liberté. « Premier né d'entre les morts », Jésus manifeste que la mort et la violence n'ont pas le dernier mot sur l'amour de Dieu.

La puissance qui crée le monde et le soutient dans l'existence, la puissance qui donne le salut à toute personne, est puissance de résurrection et de vie, puissance de don et de pardon, puissance de vérité, de libération et de miséricorde. L'amour de Dieu constitue l'origine et l'aboutissement de tout ce qui existe, et rien ne pourra nous en séparer. C'est tellement vrai quand on regarde nos vies, notre vécu en Église. Nous sommes plus souvent qu'autrement déçus par les personnes, par les institutions. Si nous sommes encore là c'est par amour du Christ et rien d'autre.

Jésus est Roi à la manière de Dieu.

Si nous nous ouvrons à cette puissance amoureuse de Dieu, notre manière d'être avec nous-mêmes et avec les autres se transforme. C'est un changement en profondeur, une conversion qui se poursuit toujours en nous.

L'Esprit de Dieu qui nous habite nous rend capables de tenir bon dans les difficultés de nos vies.

C'est certainement ce que nous avons vécu depuis plus d'un an avec l'Étude des sept paroisses et ce que nous vivons présentement avec les changements à venir dans l'organisation de nos communautés paroissiales. C'est aussi vrai dans l'ensemble de nos vies. Notre foi dans le Christ, nous le savons que trop bien, n'est pas une assurance vie.

Mais il est bon de nous rappeler, au coeur de nos vies, que notre Roi a le visage de Dieu. Il est le Dieu le plus humain qui soit et l'homme le plus divin qui soit. Avec lui, à sa suite, il nous est demandé d'annoncer, par l'ensemble de notre vie, le règne de Dieu qui est sous le signe de la justice, de la paix et de la vérité.

Jésus règne par la foi que nous Lui donnons. Honorer ce Roi c'est écouter sa voix, c'est conformer notre vie personnelle, familiale, professionnelle, sociale, à la vérité à la manière même de Jésus qui n'est pas venu pour « se » servir lui-même, mais qui disait n'être que l'humble « témoin » d'un Autre, témoin de la vérité de Dieu.

L'aimer, c'est choisir des activités qui construisent son royaume au point de l'établir ici dans nos communautés et de l'étendre jusqu'aux confins du monde parce que celui-ci est source de paix, de fraternité et de joie.

Chaque fois qu'on aime, chaque fois qu'on pardonne, qu'on rend service aux autres, qu'on tend la main à quelqu'un qui a besoin d'aide, chaque fois qu'on apporte un peu de soleil dans la vie de quelqu'un... on accomplit quelque chose de valable, de beau et de bon... de chrétien, et ainsi on rend hommage au Christ, notre Roi.

N'ayons pas peur de le servir dans nos frères et soeurs particulièrement ceux et celles qui vivent la souffrance et l'épreuve. Qui de nous n'a pas souffert dans son corps, dans son âme ou dans son coeur? Lorsque nous affrontons nos limites physiques, psychologiques, économiques ou intellectuelles, nous prenons conscience que nous ne sommes pas autosuffisants.

Chacun et chacune d'entre nous a besoin des autres, mais tous ensemble, nous avons besoin de Dieu. Nous avons besoin de sa force, non pas pour nous servir de compensation ou pour combler magiquement tous nos manques, mais pour nous amener au-delà de nous-mêmes, pour nous laisser transformer par l'action de son Esprit Saint. N'est-ce pas là notre expérience en Église des dernières années, et particulièrement la nôtre dans les derniers mois?

La situation de nos communautés chrétiennes est souvent précaire, mais « Que la grâce et la paix nous soient données de la part de Jésus Christ le témoin fidèle ». Quand l'Église rêve d'influence, de pouvoir, quand elle se laisse prendre aux jeux d'une ambition humaine, d'un désir d'influence, elle s'éloigne du « témoin fidèle ». C'est en vivant au plus près de l'Évangile que nous célébrons en esprit et vérité le Christ, Roi de l'univers, parce qu'il demeure toujours le Serviteur.

Célébrons notre roi.

Jésus a droit à nos louanges, à nos actions de grâces. C'est bien ce que nous faisons, en Église, en venant ce matin, proclamer la souveraineté du Christ notre Roi. Profitons de cette célébration pour renouveler notre désir de répondre à cet amour et de stimuler notre volonté de lui appartenir pour toujours. Et soyons heureux de cette appartenance qui nous privilégie en tant que chrétiens et chrétiennes. Nous lui appartenons, alors n'ayons pas peur de tout lui demander, car il peut tout.

En ce jour de fête demandons au Seigneur d'illuminer notre joie afin que nous sachions tenir bon dans les jours d'épreuves. Qu'il nous fasse goûter à la joie imprenable qui peut résister à la mort et au malheur. Que le Christ, Roi de l'univers, en ce moment de rassemblement et de célébration, ouvre nos coeurs pour que notre amour transcende les frontières du temps et de l'espace, dans l'Esprit qui fait de nous son Église.

Le chant de mon enfance n'est peut-être pas le meilleur choix pour exprimer la royauté du Christ mais il me revient à chaque année en la fête du Christ roi.

Oui, « Parle, commande, règne! Nous sommes tous à toi; Jésus, étends ton règne, de l'univers sois Roi ». Et accompagne-nous toujours sur la voie de la conversion et de la construction de ton royaume jusqu'au jour où nous partagerons pleinement ta vie dans le Royaume pour toujours.

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