HOMÉLIE DU 23 AOÛT 2009
21e dimanche du temps ordinaire B
Action de grâce – Clôture du Congrès Mondial Acadien

PAROISSE SAINT-JOSEPH ET SAINT-JEAN-BAPTISTE
Tracadie-Sheila, Nouveau-Brunswick

Président de l'assemblée :
Wesley Wade, prêtre (Diocèse de Bathurst)

Homéliste :
P. Zoël Saulnier

Lecture du livre de l'Exode (15,1-17)
Évangile de Jésus-Christ selon saint Mathieu (5,1-12)

Dans son ouvrage Béatitudes, l'honorable Herménégilde Chiasson, lieutenant-gouverneur de la province, un acadien de la péninsule a écrit et je cite :

« Ceux qui regardent à l'oeil nu la beauté étrange et aveuglante qui surgissent par miracle de l'ombre, celles qui s'accrochent aux mêmes notes de musique, les chantonnant à la journée longue, leur résistant et les ramenant, malgré elles, à leur insu, incapables qu'elles sont de les évacuer de leur mémoire... ceux-là aussi s'envoleront vers le ciel. »

Un texte qui me rejoint dans cette célébration eucharistique avec vous, à la fin de ce 4e Congrès mondial acadien. Un texte qui nous met en route grâce aux intuitions géniales d'un artiste acadien prolongeant dans l'aujourd'hui de l'histoire de notre peuple, le texte des béatitudes de saint Mathieu que nous avons accueilli. Un texte de l'Évangile qui s'accroche « aux mêmes notes de musique » pour mieux reconnaître à notre tour en ce dimanche, cette « beauté étrange et aveuglante qui surgissent par miracle de l'ombre », signe de la présence de Dieu qui est aussi maître de notre histoire.

Dans une première lecture, nous aussi comme on vient de lire dans le livre de l'Exode, comme peuple ayant vécu dans nos chairs l'Exode, comme communauté rassemblée nous voulons chanter ce Seigneur, car « il a fait un coup d'éclat », il a conduit dans la fidélité « le peuple qu'il a revendiqué, comme le sien » et cela on ne pourra jamais « l'évacuer de notre mémoire ».

Dans tous ces rassemblements que nous avons vécus pendant ce 4e Congrès mondial acadien, un lieu privilégié de nos béatitudes, combien de fois nos yeux ont vu flotter dans l'espace de nos villes et villages, le drapeau bleu blanc rouge portant la lumière de l'étoile. Combien de fois L'Ave Maris Stella a été chanté. Ces signes, ces symboles qui nous identifient, ont été comme par le passé, toujours rassembleurs. Nous sentions monter en nous un sentiment de reconnaissance à l'endroit de ceux et celles, les bienheureux de notre histoire, qui nous ont donné ces signes rassembleurs qui nous rallient encore au-delà du temps qui passe, et cela malgré les changements de mentalité, où tout autour de nous porte souvent la marque de l'impatience.

Pour ne pas éteindre le feu de notre histoire, cette célébration eucharistique s'inscrit dans la démarche de notre peuple qui selon son parcours veut se vivre dans la continuité de son histoire, non pas dans une révolution tranquille mais dans une évolution tranquille afin de maintenir ses rites et ses symboles qui disent au monde ses racines chrétiennes. J'ose affirmer à la fin de ce 4e Congrès mondial acadien, que si l'Acadie veut durer, elle doit dans un exercice de fidélité, dans une laïcité ouverte intégrer avec fierté la dimension religieuse de son histoire. Nous sommes loin d'un christianisme imposé des débuts de la colonie, du temps du goupillon et de l'eau bénite, mais nous vivons une intégration culturelle respectueuse qui nous permet comme peuple dispersé sur les cinq continents de vivre ces manières d'être qui véhiculent les valeurs chrétiennes qui sont aussi les valeurs phares de la modernité.

Dans cette quête identitaire qui est la nôtre, je souhaite que le phénomène religieux s'inscrive toujours dans la longue traversée de notre histoire comme peuple.

Aussi loin que l'on puisse remonter dans la liste des découvreurs du Nouveau-Monde, de 1604 à nos jours, tout a été marqué par des signes religieux que nous retrouvons encore dans nos lieux de culte, dans nos croix de chemins, dans nos rassemblements parce que les valeurs chrétiennes ont accouché de l'Acadie.

Cette péninsule acadienne, région hôtesse du 4e Congrès mondial acadien, tout en demeurant ouverte sur le monde a sauvegardé cette tradition judéo-chrétienne non pas comme une obéissance servile et soumise mais comme un art de vivre au bénéfice aussi bien de la vie personnelle, collective et culturelle.

Encore aujourd'hui, même un peu détachés de la pratique religieuse habituelle, dans ce besoin de spiritualité qui est au coeur de l'existence humaine, les acadiens et acadiennes vivent et partagent les valeurs chrétiennes héritées de notre histoire.

Dans l'Acadie de la modernité, dans un nouveau projet de société, malgré la rupture qui se produit entre la société traditionnelle religieuse et notre société d'aujourd'hui imprégnée de l'esprit laïc, l'aspect religieux de notre histoire revêt toujours un caractère dynamique et n'enlève rien à cet élan de liberté qui est le nôtre, une liberté qui nous invite à faire à notre tour l'histoire au lieu de la répéter.

Le peuple acadien fait partie des communautés égalitaires dans notre province du moins; mais il doit être toujours en éveil dans sa résilience, dans ses rebondissements. Tous les « oui » de l'histoire de notre peuple, depuis 1604 à aujourd'hui sont accrochés à ce « oui » de notre patronne Notre-Dame de l'Assomption, femme de vie, femme de lumière, femme de la promesse, femme d'une grande fidélité au projet de Dieu. C'est accroché à cette lumière de l'étoile que l'Acadie veut continuer de vivre une identité qui nous ressemble et qui nous rassemble.

Cet aspect rassembleur du 4e Congrès mondial acadien à partir de son slogan « L'Acadie rassemble » a jeté des ponts entre nous au coeur de nos différences accueillies, a jeté des ponts entre différentes régions où se vit une saine émulation, a jeté des ponts entre les acadiennes et acadiens de la diaspora. Ce 4e Congrès mondial nous lance dans des chemins engageants afin que l'Acadie soit plus qu'un souvenir plus qu'une émotion.

Cette célébration qui nous rassemble ici dans cette belle église, legs de nos ancêtres à nous tous et toutes nous ramène autour de ces tables de la parole et du pain de vie afin de toujours revendiquer comme acadiennes et acadiens cette dimension religieuse comme un droit historique sans avoir recours à des accommodements raisonnables qui trahiraient nos origines.

Rassemblés ici dans l'action de grâce, au coeur de ce patrimoine qui est le nôtre, un patrimoine qui nous a été transmis non seulement pour être regardé, mais surtout à gérer. Un patrimoine qui peut nous aider à vivre au quotidien ce que nous sommes et nous faire avancer dans cette quête identitaire plus loin que ceux et celles qui nous ont précédés.

Nous sommes rassemblés dans cette célébration de clôture du 4e Congrès mondial acadien qui a été une pose pour retrouver la signification de l'aventure humaine qui est la nôtre. Ensemble pendant ce 4e congrès, tous les acadiennes et acadiens du monde ont procédé sereinement à l'inventaire de leurs ressources collectives. Nous sommes ici comme peuple, véritable miracle de l'histoire et comme on l'a chanté maintes fois dans le chant thème de ce 4e Congrès : « Enfin retrouvés par la force de l'amour. Encore debout sur le quai ensoleillé. Depuis la grande marée, nous attendions ce jour. Que sonnent plus fort les carillons d'Acadie ».

C'est toute notre histoire autour de cette table eucharistique, table des retrouvailles et dans l'action de grâce que nous déposons dans nos faits et gestes notre vérité comme peuple, comme « nation » et nous marchons dans la force précieuse de la foi comme nos ancêtres qui ont donné la pleine mesure de ce qu'ils étaient pour mieux vivre au coeur de notre peuple, nos béatitudes à notre tour.

Amen.

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