HOMÉLIE DU 16 AOÛT 2009
20e dimanche du temps ordinaire B

ÉGLISE SAINT-MICHEL
Inkerman, Nouveau-Brunswick

Président de l'assemblée :
Mgr Valéry Vienneau

Lecture de l'Apocalypse de saint Jean (11, 19a; 12, 1-6a, 10ab)
Psaume 44 (45)
Lecture de la seconde lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens (15, 20-27a)
Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc (1, 39-56)

Mes frères, mes soeurs,

Pour nous, les Acadiens et les Acadiennes, le 15 août, fête de Notre-Dame de l'Assomption est un jour tout à fait spécial et mémorable. 128 ans passés, le peuple acadien tenait sa première convention nationale. C'était un événement clé et mobilisateur de notre histoire. Voici qu'un peuple disséminé, dispersé, se rassemble pour crier haut et fort qu'il est revenu, qu'il se souvient de son passé, de ses origines et qu'il entend bien prendre sa place parmi les nations. Les participants à cette première convention étaient conscients de l'importance de se doter de symboles qui leur soient propres, bien à eux, identitaires et unificateurs qui leur aideraient à s'affirmer comme peuple.

À cette première convention de 1881, les Acadiens de choisirent une fête nationale, le 15 août, avec Notre-Dame de l'Assomption comme patronne. À une deuxième convention nationale, en 1884, ils complétèrent le choix de symboles en adoptant le tricolore étoilé comme drapeau, l'hymne national, une devise et un insigne. Ces symboles, en particulier, la fête nationale, l'hymne national et le drapeau continuent de servir à proclamer et à afficher notre nationalisme et patriotisme partout où nous sommes.

Notre-Dame de l'Assomption que nous fêtons aujourd'hui en Église donc est donc de façon officielle la patronne des Acadiens depuis 1881. Jusqu'au Concile Vatican II, au début des années 1960, la dévotion à la Vierge Marie insistait particulièrement sur les privilèges extraordinaires qui lui ont été accordés par Dieu: son Immaculée Conception, c'est-à-dire, le fait qu'elle a été préservée de tout péché; le privilège d'avoir été la Mère du Fils de Dieu; et le privilège que nous célébrons aujourd'hui, son Assomption.

Mes frères, mes soeurs, il ne faut pas chercher à établir le fondement de ce dernier privilège dans les textes bibliques. De fait, on ne trouve que quelques allusions dans la Bible au livre de l'Apocalypse, particulièrement dans le texte que nous avons proclamé au cours de la première lecture.

Pour établir le fondement du dogme de l'Assomption, il faut plutôt regarder du côté de la vie de Jésus et de Marie, contempler les liens qui les unissaient. Plusieurs d'entre vous ont peut-être vu le film sur la Passion du Christ, dirigé par Mel Gibson. Sans vouloir me prononcer sur la valeur du film, il reste que j'ai été singulièrement frappé par la connivence que le film laissait percevoir entre Marie et Jésus. Sans que les scènes soient basées sur des textes bibliques, les souvenirs d'enfance qui habitaient Jésus au moment de sa passion étaient vraiment touchants. On pouvait ressentir l'amour, la complicité et le grand respect qui existaient entre Marie et Jésus.

En regardant de près les quelques textes où les Évangiles nous parlent de Marie, on peut conclure que Marie ne s'est jamais détachée de son Fils. Par exemple elle a fui en Égypte avec Joseph et l'Enfant Jésus pour éviter la férule d'Hérode; c'est elle qui avec Joseph a conduit Jésus, jeune adolescent, jusqu'au temple de Jérusalem et qui l'a recherché pendant trois jours; c'est elle qui l'a contemplé chaque jour pendant qu'il vivait à la maison et qui conservait tout cela dans son coeur; c'est elle qui l'a accompagné dans certains événements de son ministère; c'est elle, Marie, qui l'a suivi jusqu'au pied de la croix. Aujourd'hui, dans cette fête de l'Assomption, c'est elle que nous voyons « vêtue de soleil, avec la lune sous les pieds et une couronne de douze étoiles sur la tête » (Ap 12,1) avec son Fils Jésus, dans le ciel nouveau.

La Vierge Marie a été la première à prendre l'Enfant Jésus dans ses bras et maintenant, elle est la première que Jésus a prise dans ses bras pour l'admettre au ciel. C'est là le sens de l'Assomption, ce grand mystère que nous célébrons. C'est le mystère de Marie, mais c'est aussi le mystère de nous tous et toutes car sur ce chemin de l'Assomption marchent aussi tous ceux et celles qui, à l'exemple de Marie, unissent leur vie à Jésus.

Depuis les premiers siècles dans l'Église, on a compris qu'il convenait que Marie soit la première à partager la gloire de son Fils ressuscité. Et ainsi, le dogme de l'Assomption proclamé par le Pape Pie XII en 1950 n'a fait que confirmer officiellement ce que les catholiques ont cru depuis si longtemps.

Notre patronne, la Vierge Marie est un modèle pour nous. Sa vie peut nous inspirer sur un plan individuel et aussi sur un plan collectif comme peuple. C'est chaque jour que Marie a eu à renouveler son « oui » initial qu'elle avait donné comme réponse au moment où Dieu lui a demandé par l'intermédiaire de l'ange Gabriel de devenir la mère de Jésus. Après ce « oui » accordé à Dieu, les difficultés ne tarderont pas à arriver, à partir du moment où elle sera enceinte jusqu'au pied de la croix. Malgré de grandes épreuves, Marie elle est restée fidèle à elle-même et à son Dieu.

Comme chrétien et chrétienne, la foi de Marie nous invite à ne pas lâcher, à entrer et à persévérer dans notre combat « contre le dragon » dont il est question dans le texte de l'Apocalypse. Ce combat, c'est de garder l'espérance et de lutter sans cesse pour faire reculer les forces du mal et avancer le bien dans notre vie personnelle et autour de nous. Ce combat, c'est participer à inaugurer le monde nouveau annoncé par Jésus afin que tous et toutes puissent vivre pleinement dans la dignité des enfants de Dieu. Il faut travailler à créer un monde de justice et d'égalité pour tous. Il faut redonner l'espérance au monde en annonçant le message d'amour de Jésus-Christ.

La foi de notre patronne, Notre-Dame de l'Assomption, nous inspire aussi comme peuple à ne pas lâcher et à continuer à lutter pour assurer notre existence. Comme Marie, quand c'est difficile il faut savoir vivre de l'espérance, ne pas laisser le doute ou le découragement nous envahir. L'itinéraire de Marie est exemplaire pour nous. Comme peuple, nous avons fait beaucoup de chemin pour nous faire reconnaître et prendre la place qui nous revient, mais il reste encore beaucoup de chemin à parcourir. À l'exemple de nos ancêtres, n'hésitons pas de demander à Marie de nous accompagner.

Chaque époque connaît ses difficultés et ses défis. Pour résoudre nos difficultés et faire face à nos défis, il faut nous inspirer des qualités et des vertus de nos ancêtres à qui nous rendons hommage. Il faut que l'amour de Marie, la foi et les convictions de nos ancêtres dans leurs luttes nous inspirent dans les nôtres aujourd'hui. Nos réalités politiques, économiques et culturelles ont évolué, mais elles requièrent tout autant d'attention et de vigilance pour nos ancêtres si nous voulons continuer comme un peuple fort, conscient de ses racines et fier de son identité.

Que le Congrès mondial acadien soit un moment fort d'unité, de prise de conscience et de fierté des richesses de notre peuple acadien et sous la bienveillance de Notre-Dame de l'Assomption, qu'il nous donne l'élan nécessaire pour assurer notre avenir. Que notre patronne, Notre-Dame de l'Assomption, continue de veiller sur chacun et chacune d'entre nous et sur notre peuple acadien.

Amen

<<  | index des homélies |  >>