HOMÉLIE DU 15 MARS 2009
3e dimanche du Carême B

PAROISSE SAINT-IGNACE-DE-LOYOLA
Nominingue (Québec)

Président de l'assemblée :
Mgr André Chalifoux, vicaire général

Exode (20, 1-3.7-8.12-17)
Corinthiens (1, 22-25)
Saint Jean (2, 13-25)

Voilà une scène d'évangile haute en couleurs (Jn 2, 13-25). Bon nombre d'entre nous se rappellent d'avoir vu des images, des tableaux ou des scènes de films représentant Jésus qui chasse violemment les vendeurs du Temple de Jérusalem. Intéressant que Jésus pique une sainte colère! Qui sait? Nous pourrions nous sentir justifiés d'en faire autant.

Mais à nous arrêter là, nous passons à côté de l'essentiel. Après tout, les vendeurs étaient des gens ordinaires. Ils étaient là pour permettre aux nombreux pèlerins de tout le pays qui se présentaient au Temple à chaque grande fête d'accomplir les pratiques religieuses du temps.

« Quel signe peux-tu nous donner pour justifier ce que tu fais là? » (Jn 2, 18) lui demande-t-on. On dirait chez nous : « Veux-tu bien nous dire, Jésus, qu'est-ce qui te prend pour l'amour du ciel? En quel honneur est-ce que tu agis de même? »

Voyons un peu. Le temple de Jérusalem constituait un immense et magnifique complexe immobilier. On y trouvait là un sanctuaire considéré comme le lieu de la présence de Dieu, un lieu vraiment sacré, intouchable. Et voilà que Jésus dit : « C'est la maison de mon Père! » Si c'est la maison de son Père, c'est aussi la sienne! La maison familiale! Il y est chez lui! Si la réaction de Jésus est si vive, c'est que, pour lui, l'honneur de Dieu est en jeu dans ce trafic d'objets et d'animaux. Jésus est fasciné par la cause de Dieu. Il ne peut pas supporter qu'on enferme Dieu dans un lieu et que, pour le rencontrer, il faille passer par toute une série de sacrifices qui n'engagent à rien.

Par ailleurs on peut très bien comprendre la vive réaction de juifs. Imaginez! Détruire ce sanctuaire, ce lieu de la présence Dieu, ce lieu sacré! Détruire ce temple, orgueil de la nation, détruire ce haut lieu de pèlerinage, centre de toute la vie religieuse, politique et sociale de tout Israël! Un vrai blasphème!

Au centre de cet événement et de son message, nous pouvons d'abord retenir ceci: le vrai lieu de la présence de Dieu n'est pas un temple, si magnifique soit-il, ni un bâtiment, aussi sacré qu'on veuille le considérer. Le vrai temple, le vrai sanctuaire, c'est la personne même de Jésus, du Christ : « Le temple dont il parlait, c'était son corps. » (Jn 2, 21) dit l'évangile. Et en disant qu'il le rebâtirait en trois jours après l'avoir détruit, Jésus parlait déjà de sa résurrection au matin de Pâques le troisième jour après sa mort.

Nous pouvons toujours pleurer sur la fermeture ou la transformation de certaines de nos églises. Pourtant, là n'est pas le plus important. En certains pays il y a des communautés très vivantes sans église. Il faut plutôt nous questionner sur la force ou la faiblesse de nos convictions, de nos engagements, de notre vie communautaire; sur le sérieux de notre honneur de baptisés et sur la fierté de l'honneur de Dieu à respecter; sur la richesse ou la pauvreté du sacrifice et du don de notre personne à la suite de Jésus; sur notre désir de résurrection en faisant mourir nos vieilleries intérieures.

Ce que cet événement nous dit aussi, c'est que le vrai sacrifice, ce ne sont pas des objets offerts ou de l'encens parfumé ou des cierges allumés. Déjà les anciens prophètes avaient demandé avec insistance que la valeur d'un sacrifice ne soit pas attaché à la beauté du Temple où on risquait d'enfermer Dieu, ni à l'accomplissement scrupuleux des rites, mais aux sentiments de la personne qui offrait. On n'achète pas Dieu, fût-ce par des sacrifices, par lesquels on mettrait la main sur lui. La vraie offrande, le vrai sacrifice, c'est de lui de notre personne, c'est celui de notre coeur, de nos pensées et de nos actions, en communion, en alliance avec Dieu, avec Jésus le Christ. Pour Jésus, il ne s'agissait pas seulement de purifier le culte, qui en avait pourtant bien besoin, mais de le situer sous la mouvance de l'Esprit Saint demeurant en toute personne. « Vous êtes le temple de Dieu », (I Co 3, 16) dira plus tard saint Paul.

Le geste vigoureux et scandalisant de Jésus nous ramène donc au sens profond du culte, de notre relation avec Dieu, de notre vie pratique de croyants. Voyez la façon dont les commandements nous sont présentés dans la première lecture. Dans l'alliance conclue sur le mont Sinaï et que Jésus perfectionnera plus tard, avant que les commandements eux-même ne soient exprimés, Dieu est d'abord bien affirmé et cette réalité de base est solidement établie : « Écoute, Israël, je suis le Seigneur ton Dieu, qui t'ai fait sortir d'Égypte. » (Ex 20, 2). Les commandements viennent après. C'est parce que Dieu est Dieu, c'est parce qu'il est intervenu en faveur de son peuple, qu'il peut ensuite demander, commander, une façon particulière d'agir. L'objet et la pratique de la foi, de notre foi, doivent donc être très clairs : nous ne croyons pas en n'importe quoi ni en n'importe qui; et nous n'agissons pas de telle ou telle manière au nom de n'importe quoi ou de n'importe qui.

Regardez ce qui se passe dans la vie courante. C'est parce qu'il y a alliance et confiance entre eux que les époux peuvent exiger la fidélité mutuelle, que chacun des deux s'impose des façons de faire, des générosités, des sacrifices, qui soudent la communion entre eux. Autrement, il n'y a rien qui puisse tenir. C'est parce que les parents sont des parents et aiment leurs enfants qu'ils peuvent et doivent leur imposer des règles de conduite. Autrement, il n'y a pas de vie familiale possible.

Ainsi, puisqu'il s'agit d'une alliance d'amour entre Dieu et nous, tout se tient et devient personnel : « Je suis le Seigneur ton Dieu ». (Ex 20, 2) En conséquence, « tu n'auras pas d'autres dieux que moi »; en conséquence, « tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur » (Mt 22, 37); en conséquence, « tu ne commettras pas de meurtre, tu ne commettras pas d'adultère, tu ne commettras pas de vol », (Ex 20, 13-15) etc.

Le carême demeure un temps privilégié pour épurer notre culte, pour approfondir notre foi et notre relation à Dieu, pour convertir notre mentalité dans le sens où Jésus l'a vécu et nous l'a exprimé dans l'événement surprenant du Temple. Dans cette eucharistie, rendons grâce à Dieu de le connaître déjà, de croire en lui et de l'aimer, même si c'est faiblement parfois!

Rendons-lui grâce pour Jésus qui s'offre et se donne encore à nous tout entier sous le signe du pain et du vin! Rendons-lui grâce pour la merveille de sa Parole qui nous trace un chemin de vie et de vérité! Oui, merci, « Dieu, tu as les paroles de vie éternelle »! (Refrain du Ps 18)

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