HOMÉLIE DU 25 JANVIER 2009
3e dimanche du temps ordinaire B

Église Saint-Jean-Baptiste-de-La-Salle
Sainte-Foy, Québec

Président de l'assemblée :
Gilles Routhier, prêtre

Jonas (3, 1-5.10)
Corinthiens (7, 29-31)
Saint Marc (1, 14-20)

Frères et soeurs,

Il y a des événements qui nous mettent au monde et qui nous construisent, qui nous révèlent à nous-mêmes et nous donne notre véritable dimension. Ainsi en va-t-il de la conversion de Paul que nous célébrons aujourd'hui, événement inaugural qui représente pour lui un commencement ou un appel qu'il ne pouvait ignorer ou repousser. Ainsi en est-il aussi de l'arrestation du Baptiste qui provoque Jésus à prendre le relais et à entrer en scène, qui enracine en lui une détermination à passer à l'action, détermination dont il n'avait pas connue la puissance jusque là. Puis la rencontre de Jésus avec Simon et André, avec Jacques et Jean, qui allait représenter un tournant dans leur vie. Sur le champ, ils allaient laisser là leurs barques et leurs filets, partir à la suite de Jésus et ainsi s'engager dans une aventure dont ils ne connaissaient pas l'issue.

Il y a aussi des événements qui changent le cours de l'histoire, qui ouvrent l'horizon et d'imaginer autrement le lendemain.  C'est le cas de la décision de Jésus de se lancer dans son ministère public. Intérieurement sollicité, il n'avait pas encore franchi le pas. Captivé par le Royaume de Dieu, voilà qu'il s'aventure à l'annoncer publiquement, c'est-à-dire à proposer une autre manière de vivre où les exclus sont invités aux noces, les lépreux, embrassés, les damnés, pardonnés, les muets, écoutés. Mieux, il s'aventure à donner de ce Règne de Dieu les premiers signes, à le réaliser sous le regard interdit de ses auditeurs étonnés de voir les possédés d'un esprit mauvais abandonner leur violence et leur destruction. Zachée le publicain partage, les boiteux dansent et les affamés font la fête. C'est le monde de Dieu sur terre! Ce qu'a dit et fait Jésus a changé le monde et jusqu'à aujourd'hui, puisque tant d'autres après Simon et André, tant d'autres après Jacques et Jean se sont mis à sa suite et ont pris au sérieux son invitation à se convertir et à croire en la Bonne Nouvelle. Parfois bien loin du Lac de Galilée, tant d'hommes, de femmes et d'enfants sont entrés dans le Royaume de Dieu : ce peut être dans le dispensaire d'un village d'Afrique, dans un refuge pour sans abris au Québec, un bidonville au Brésil ou un hôpital de campagne dans les faubourgs de Gaza, mais aussi dans le quotidien et l'ordinaire de tant d'entre vous, car faire la paix, relever celui qui est tombé au bord de la route, visiter celui qui est en prison et pardonner à celui qui nous a offensé et à notre porte, chaque jour.

L'annonce du Règne de Dieu, l'inauguration du ministère public de Jésus a changé le monde et le change encore. Pour les ninivites, la prédication de Jonas avait aussi inauguré dans cette ville quelque chose de neuf, une nouvelle manière de vivre. Là aussi, on a parlé de conversion car, désormais, les Ninivites ont pris conscience qu'ils leur fallaient vivre autrement. On croirait rêver : imaginer, ce que voudrait dire aujourd'hui la conversion des habitants de toute une ville, c'est-à-dire une ville où l'on déciderait de respecter la création; de donner à manger à tous ceux qui ont faim et un toit à chaque personne; une ville où les étrangers se sentiraient chez eux et où la violence céderait sa place au respect. L'annonce du Règne de Dieu par Jésus amplifie la prédication de Jonas et l'ampleur de la conversion est conséquente.

Aujourd'hui, plusieurs analystes parlent aussi du commencement d'une ère nouvelle avec l'entrée de Barack Obama à la Maison Blanche, car cet événement canalise tous les espoirs d'un monde plus juste et plus pacifique, d'un monde réconcilié.

Au plan ecclésial, la décision prise par Jean XXIII le 25 janvier 1959, celle de réunir un concile oecuménique, est apparue aussi comme l'aurore d'un jour nouveau (Jean XXIII parlait d'un printemps pour l'Église ou d'une nouvelle Pentecôte), décision qu'il allait ouvrir l'horizon de l'Église et lui tracer un chemin capable de l'acheminer vers le troisième millénaire. Avec les Pères conciliaires, Jean XXIII croyait que, pour que le visage du Christ brille avec plus d'éclat et de transparence sur son visage, l'Église devait se renouveler, se réformer et se convertir. En d'autres mots, elle devait se purifier de manière à ce que la Bonne Nouvelle du Règne de Dieu l'habite de plus en plus et qu'ainsi, elle puisse la proclamer avec plus de crédibilité.

Cinquante ans après cette annonce libératrice, ce travail de purification, de réforme, de conversion et de renouveau est à reprendre ou à poursuivre, car nous ne sommes jamais arrivés au but. En effet, l'Église doit sans cesse se convertir et se renouveler si elle veut que la Bonne Nouvelle de Jésus, proclamée un jour au bord du Lac de Galilée fascine et touche encore les hommes, les femmes et les enfants de notre temps comme elle a fasciné à l'époque Simon, André, Jacques et Jean. Annoncée avec tant de fraîcheur par Jésus, cette Bonne Nouvelle doit retrouver sa nouveauté et tout son attrait.

Ce renouveau de l'Église et de chacun de ses membres, c'est-à-dire notre propre conversion, nous ne pouvons pas la différer ou la repousser. A la suite de Paul, je pourrais dire, le temps est limité, si bien que nous ne pouvons pas nous permettre de continuer simplement de vivre comme avant. Il en va de l'aventure de l'Évangile dans notre pays.

Certes, on peut être tenté de résister aux appels à la conversion et freiner le renouveau de l'Église. Que l'empressement des habitants de Ninive ou la décision résolue des fils de Zébédée nous entraîne à nous convertir joyeusement, sans pensée de retour en arrière. Qu'au jour où nous célébrons la conversion de Paul, il nous soit donné, à nous aussi, de nous convertir à la Bonne Nouvelle du Règne que voulait répercuter en notre temps le concile Vatican II.

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