HOMÉLIE DU 5 OCTOBRE 2008
27e dimanche du temps ordinaire A

PAROISSE AINT-ROMUALD
Moffet, Québec

Président de l'assemblée :
Mgr Dorylas Moreau, évêque

Ben Sirac le Sage (17, 1-4.6-8a.9-11a.12-15)
Saint Matthieu (5, 13-16)

L'ouverture de la saison de la chasse en ce début d'automne est pour nous tous, hommes et femmes passionnés de grande nature, un temps excitant, un temps de fébrilité. Un chasseur me disait, ces derniers jours : « Quand le temps de la chasse revient, je me sens revivre et comme transporté au plus profond de moi-même ». J'ai trouvé cela très beau, une très belle expression, mais aussi très inspirant. La chasse peut être de fait un temps de grâce et de découverte de Dieu.

Si vous avez surpris, un jour ou l'autre, une conversation entre ces personnes passionnées de chasse et même de pêche, et s'ils sont réalistes (parce qu'il arrive que certains, par trop de fierté, « poussent » un peu au point d'exagérer les dimensions des animaux vus ou capturés!)... mais si vous écoutez bien leurs propos, vous les entendrez évoquer les valeurs qui enchantent la vie. Ils parlent du calme de la nature quand ils sont en pleine forêt où ils trouvent tranquillité et repos. Ils vivent une véritable fraternité entre eux. Ils n'hésitent pas à s'entraider quand ils ont frappé « le bon coup ». J'ai remarqué surtout qu'ils affinent leurs regards et leur écoute des beautés d'une nature si généreuse, avec ses petits bruits environnants, ses oiseaux qui piaillent au passage, ses bêtes sauvages qui, au moindre détour, se faufilent ici et là.

Tous ces gestes et ces attitudes deviennent des signes annonciateurs de l'alliance avec le Dieu créateur et tout aimant. Ben Sirac, l'auteur de sagesse, dit admirablement que Dieu « a revêtu l'être humain (homme et femme) d'une force pareille à la sienne, il les a faits à son image... Il les a même invités à commander en maître aux bêtes sauvages et aux oiseaux ». (Si 17, 3-4) Ce projet du Créateur ne se corrompt pas.

Quand je note les comportements de celles et ceux qui s'adonnent à la chasse, je réalise la beauté et la vérité de la Sagesse divine. Dieu a mis dans nos coeurs tout ce qu'il faut pour que nous nous dépassions. Chacune et chacun de nous devient capables d'admirer, de s'émerveiller, de contempler. Nous sommes ainsi appelés à expérimenter la gratuité de Dieu et à développer la « révérence » envers lui. Comme disait le chant que nous avons repris, il y a un moment : « Dieu m'a donné toute la terre et j'ai cueilli le monde avec mes mains... et je bâtis un monde plus humain ». Quelle merveille d'être ainsi associés à l'oeuvre de Dieu!

À mesure que nous est ainsi révélé le visage du Père, Jésus nous amène progressivement à une nouvelle saisie de notre mission. Par des paraboles et des images, il nous ouvre un nouveau chemin de vie. Ils utilisent des images familières : « Vous êtes le sel de la terre. Vous êtes la lumière du monde ». Qu'y a-t-il de commun entre ces parcelles minérales qui constituent le sel et l'impalpable clarté du jour? Nous savons que le sel amplifie la saveur de ce qui est déjà là. De même la lumière fait apparaître les couleurs et les formes, elle donne du relief aux êtres et aux choses.

Le sel et la lumière, peut-on dire, enchantent le monde et en accentuent la beauté qui est déjà là.

On peut donc comprendre la pressante invitation de Jésus. Osons croire que ces paroles très simples que Jésus nous adresse aujourd'hui ont pouvoir de nous transformer.

Alors que vous partirez à la chasse dans les prochaines heures, croyez que vous êtes « sel » et « lumière ». Vous devenez ainsi des rappels vivants pour que le monde retrouve sa véritable saveur et son incroyable beauté.

Être « sel » et « lumière », ça peut vouloir dire pour nous, dans le moment présent, trouver saveur dans les relations fraternelles et gratuites, à l'abri de tout regard, au creux de la forêt et de « vos caches pour mieux repérer le gibier ». Vivre ardemment la solidarité dans le partage d'un même terrain de chasse. Développer l'émerveillement devant les êtres créés. Être prudents dans vos gestes et surtout dans le port des armes. Porter vos dossards pour être bien repérés. Vous entraider quand il le faut. Évidemment respecter la nature et l'environnement. Voilà autant de voies d'enrichissement pour la joie du coeur et pour bâtir ce royaume.

Et être là, en ce moment, pour bénir Dieu de déployer sa beauté avec tant de largesses, afin que nous grandissions et que nous devenions plus heureux. C'est alors que notre eucharistie prend forme et libère en quelque sorte sa richesse et sa fécondité en nos vies. Amen.

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