HOMÉLIE DU 8 JUIN 2008
10e dimanche du temps ordinaire A

ÉGLISE SAINTE-TRINITÉ
Eel River Crossing, Nouveau-Brunswick

Président de l'assemblée:
Régent Landry, prêtre

Osée (6, 3-6)
Romains (4, 18-25)
Saint Matthieu (9, 9-13)

Un Dieu qui bouleverse tout

« Efforçons-nous de connaître le seigneur », nous dit Osée dans la première lecture que nous venons d'entendre. Il n'y a pas de meilleure manière de connaître quelqu'un que de le fréquenter. Vous-même, vous en faites l'expérience à plusieurs occasions. Ce matin, en participant à l'eucharistie, nous fréquentons Jésus. Mais il est le Fils de Dieu. C'est quand même un peu difficile. Depuis notre tendre enfance, on nous a appris que nous ne pouvons pas nous approcher de dieu n'importe comment, car Dieu est le trois fois Saint! Au temps de Jésus, les Juifs ont mis en place des ablutions et des lavages innombrables et quotidiens et tout un système de sacrifices à n'en plus finir. Bien sûr, les Juifs savaient bien que cela ne suffit pas. La pureté du coeur est encore plus importante. Les prophètes et ceux des temps modernes n'ont eu de cesse de nous le rappeler. Il s'agit d'être pur, juste aux yeux de Dieu en obéissant aux commandements. La tentation est devenue grande alors, de distinguer deux classes dans le peuple de Dieu : d'un côté les purs, ou justes si vous préférez, comme les Pharisiens ou les docteurs de la Loi et, de l'autre côté, les impurs, les pécheurs de toutes sortes, les publicains et j'en passe. Ces derniers ne pouvaient évidemment pas s'approcher de Dieu. Or voilà que Jésus bouleverse complètement ce système. Il y a peu de passages évangéliques aussi révolutionnaires que l'évangile de ce dimanche. En recrutant comme apôtre un percepteur d'impôts, Jésus pose un geste réprouvé par tous ses compatriotes fidèles à la loi de Moïse. Le percepteur d'impôts était un personnage méprisé, non seulement parce qu'il percevait les taxes en faveur des occupants romains, mais aussi parce qu'il collaborait avec des païens impurs. Sur le plan politique, c'était un traître; sur le plan civil, on le considérait comme un voleur en raison de méthodes de perception souvent douteuses; ce que nous appellerions de nos jours, pas trop catholiques. Soyons francs, notre choix à nous ne se serait pas porté sur cet homme. Matthieu n'était pas un enfant de choeur comme on dirait de nous jours. Sur le plan religieux du temps, c'était un impur et un pécheur. Par conséquent, il était exclu de la vie civile et religieuse comme les païens, les prostituées et les pécheurs l'ont été. D'où la réaction scandalisée des Pharisiens. Comprenons bien! À l'époque, celui qui agissait ainsi devenait impur lui-même.

Jésus va très loin. C'est un tel homme que Jésus intègre à son groupe d'apôtres quand il lui dit : « Suis-moi ». Geste scandaleux, geste révolutionnaire qui redonne l'espérance à cet homme. Quel amour et quel courage de la part de Jésus pour appeler un homme aussi compromis aux yeux de la société. J'ajouterais même quel médecin révolutionnaire que ce Jésus qui a changé si rapidement la vie de Matthieu. Pour les Pharisiens, c'était le monde à l'envers. Jésus a une parole qui peut nous laisser songeurs. Il affirme qu'il est venu appeler non pas les justes, mais les pécheurs, et je cite : « Ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin du médecin, mais les malades ». Et il est sans doute normal qu'il en soit ainsi: On ne se précipite pas chez le médecin ou à l'urgence quand on ne ressent aucun malaise. Jésus ne demande pas aux pécheurs qui viennent vers lui d'aller d'abord se purifier, de changer de vie. Il les accueille tels qu'ils sont. Il dit : « Allez apprendre ce que veut dire cette parole : C'est la miséricorde que je désire, et non les sacrifices. Car je suis venu appeler non pas les justes, mais les pécheurs ». Si Jésus avait exigé des pécheurs qu'ils soient purs pour qu'il puisse les accueillir, il attendrait toujours.

C'est que le geste de Jésus exprime concrètement son désir. Jésus reçoit tous les pécheurs sans rien leur demander d'abord, parce qu'il sait que c'est seulement quand ils découvriront qu'ils sont aimés gratuitement, pour eux-mêmes, qu'ils pourront apprendre à aimer en vérité et commencer à se convertir en vérité. Jésus lance ainsi une invitation : « Soyez miséricordieux les uns envers les autres. Ayez sur l'autre le regard de Dieu, ce regard que j'ai sur vous ». Là est la logique de Dieu. Elle est toujours valable pour nous aujourd'hui.

Pour nous baptiser en Jésus, que peut bien représenter le « Suis-moi » de l'Évangile? Toujours d'actualité, je vous propose cette méditation à partir des phrases clés pour en saisir tout le sens de l'amour de Jésus pour nous.

1. Jésus, sortant de Capharnaüm, vit un homme du nom de Matthieu...
Seigneur, tu habitais à Capharnaüm depuis le début de ton ministère. Tu avais sans doute remarqué cet homme à son bureau de douane. De son côté, il avait dû entendre parler de toi et peut-être t'avait-il aperçu à l'un de tes passages. Mais il était resté à l'écart, conscient de sa situation de publicain. Comme Zachée, son collègue de Jéricho, il se savait méprisé et rejeté par les soi-disant fidèles observateurs de la Loi de Moïse.

2. Jésus lui dit : « Suis-moi! »
Il te manque quelqu'un, Seigneur, pour compléter le groupe de tes disciples. Tu l'appelles... sans enquête préalable sur sa vie, ses capacités, sa moralité. Ce même appel, tu veux l'adresser à tous, sans distinction. Tu veux dire l'amour de Dieu à tous, à commencer par ceux et celles qui en ont le plus de besoin: les rejetés de ce monde.

3. L'homme se leva et le suivit...
Matthieu a compris ton appel, ton amour. Sans hésitation, il se lève, laisse tout et se met à ta suite. Mieux encore, il organise un festin pour fêter sa nouvelle vie. Un festin comme ceux que tu aimes, Seigneur, où tout le monde est invité : souviens-toi que beaucoup de publicains et de pécheurs vinrent prendre place... Te voilà en bonne compagnie Jésus Sauveur.

4. Pourquoi votre maître mange-t-il avec les pécheurs?
Les Pharisiens sont choqués, mais ils n'osent rien te dire directement. Ils s'en prennent à tes disciples, c'est plus facile... plus lâche aussi! Tu vas prendre leur défense, tout en expliquant ta mission.

5. C'est la miséricorde que je désire, non les sacrifices.
Tu es venu guérir, sauver, mettre de l'amour dans les coeurs... c'est cela l'essentiel. Sans cela, les sacrifices n'ont plus de sens...  C'est à cela que tu nous convies dans ton repas de l'Eucharistie.

Ce qui s'est passé au temps de Jésus continue à se passer. Aujourd'hui encore, Jésus appelle les pécheurs au salut. Aujourd'hui encore, des pécheurs sont invités à devenir des disciples et à travailler à l'avènement du Royaume. Le groupe des douze disciples ne formait pas une communauté de purs. C'est pourtant avec ce groupe que Jésus a fondé l'Église et annoncé la Bonne Nouvelle. Et tout se passe encore ainsi aujourd'hui.

Frères et soeurs, nous avons reçu le sacrement du baptême. Une mission nous a été confiée celle d'annoncer une bonne nouvelle à ceux et celles qui nous entourent. Peu importe où nous sommes, qui nous sommes. Nous avons ce beau mandat de reconnaître les signes de la présence agissante de Dieu en notre monde et de les refléter à notre tour à nos frères et soeurs. Nous avons également la responsabilité de vivre en fidélité avec l'espérance qui a été déposée en nous au moment de notre baptême. Jésus ressuscité a choisi d'avoir besoin de chacun, chacune de nous, comme il l'a fait pour Matthieu, pour traduire en gestes et en paroles : sa tendresse, son amour, sa justice, sa sollicitude, pour les hommes et les femmes de notre temps.

Frères et soeurs bien-aimés de Dieu, que sa vie qui nous est donnée par cette eucharistie nous donne le courage et le dynamisme nécessaires pour être à la hauteur de la mission qui nous est confiée. Amen!

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