HOMÉLIE DU 13 JANVIER 2008
Baptême du Seigneur

PAROISSE SAINTE-ANNE
Ste-Anne-de Kent, Nouveau-Brunswick

Président de l'assemblée :
Yvon Leblanc, prêtre

Isaïe (42, 1-4, 6-7)
Actes (10, 34-38)
Saint Matthieu (3, 13-17)

La fête du baptême de Jésus, qui inaugure son ministère public nous rejoint d'une manière particulière nous de la communauté chrétienne de Sainte-Anne, puisque nous venons d'inaugurer notre nouvelle église.

Alors que depuis quelques années on entend parler de fermeture et de démolition d'églises, ici nous nous réjouissons ayant inauguré cette nouvelle église juste avant Noël. Geste qui a été vu par la majorité des paroissiens-nes comme un précieux cadeau de Noël. Le Gloire à Dieu, les chants de Noël ont eu une résonance nouvelle... Les chants : un enfant nous est né et Nouvelle agréable ont eu une saveur spéciale.

Depuis l'éclair du 29 juin 2005 qui a frappé et incendié notre église historique, surnommée « chapelle Sixtine des Acadiens » en raison de son architecture remarquable et de ses fresques et peintures, qui l'ornaient, nous avons compris ce que veulent dire les douleurs de l'enfantement.

L'évangile de ce dimanche nous présente Jésus cet inconnu arrivant sur les bords du Jourdain, ce fleuve sur les bords duquel tout a commencé.
À Sainte-Anne aussi, sur les bords de la mer (notre communauté étant marquée par la vie de nombreux pêcheurs), la mer est tellement parlante. Elle l'est tellement qu'un grand sculpteur de chez nous, l'a sculptée tout autour de l'autel, pour nous dire que la foi des pêcheurs du lac de Galilée se vit encore chez nous.

Alors qu'on est porté à tout acheter chez le marchand, les pêcheurs seront toujours là pour nous rappeler la gratuité de Dieu. Avec notre nouvelle église nous voulons nous rappeler avec les pêcheurs que la pêche miraculeuse n'est pas finie. Il nous faut garder la persévérance des pêcheurs et réentendre les premières paroles de Jésus : « Pour le moment, laisse-moi faire, c'est de cette façon que nous devons accomplir ce qui est juste. »

Il y a dans cette phrase deux mots bibliques très importants : accomplir et justice. En terme biblique être juste, cela veut dire être ajusté à la volonté de Dieu. Accomplir est l'acte le plus parfait qu'une personne peut faire. « Je ne suis pas venu abolir, mais accomplir », dira souvent Jésus, dans l'évangile de Matthieu.

L'évangile que nous venons d'entendre nous rappelle ce qui devrait toujours nous animer comme disciple. Jésus est à la fois fidèle à la tradition de toute l'histoire de son peuple et en même temps, il la rénove, la transforme et la fait aboutir. C'est dans cet esprit que Jésus demande à Jean « le dernier des prophètes » de l'Ancien Testament de recevoir son baptême dans la file des pécheurs, avec tout le monde, comme tout le monde.

Alors Jésus le laisse faire, nous dit Saint Matthieu - Il y a une grande humilité dans ces mots si pauvres.

On ne dit pas que Jean a compris. Simplement, il le laisse faire, il s'efface, pour entrer dans le mystère de Jésus.

En inaugurant cette nouvelle église, l'attitude la plus importante pour nous est celle de Jean; laisser Jésus faire et nous effacer. L'Esprit présent au Jourdain au baptême de Jésus nous précède. Laissons-le nous habiter.

Comme Jean nous n'aurons jamais fini d'entrer dans le mystère de Jésus.

Dès que Jésus fut baptisé, il sortit de l'eau, nous dit Matthieu.
Remarquons, le baptême n'est pas dépeint. On ne décrit pas un spectacle. Le récit est d'une sobriété extrême. Il nous dit simplement que Jésus a effectué un double mouvement : il est descendu dans les eaux... Il remonte des eaux (mort et résurrection).

Voici que les cieux s'ouvrirent.
L'image de l'ouverture des cieux est fréquente dans la Bible.
Quand les cieux sont fermés, cela signifie qu'il n'y a pas de bénédiction qui descend sur la terre (Dieu se tient caché). Quand les cieux s'ouvrent cela veut dire qu'une communication s'établit entre le monde céleste et le monde terrestre, entre le monde céleste et un homme admis à vivre des secrets divins.
« Voici, dit Étienne, que je contemple les cieux ouverts et le fils de l'homme debout à la droite de Dieu. » (Actes 7, 56)

Et il vit l'Esprit Saint, descendre comme une colombe et venir sur lui.
C'est une merveilleuse image, porteuse de sens. Certains textes rabbiniques comparaient le mouvement de l'Esprit de Dieu à celui d'une colombe voletant au-dessus de sa couvée, tout près, mais sans la toucher (image de la tendresse de Dieu).
Et des cieux une voix disait :
« Celui-ci est mon Fils bien-aimé: en lui, j'ai mis tout mon amour ».

L'événement du baptême de Jésus n'est pas là d'abord pour nous rappeler notre propre baptême (ce sera le rôle de la Veillée Pascale), mais il est plutôt une Épiphanie, une manifestation de la Trinité.

Le baptême de Jésus est la première révélation de la très sainte Trinité d'amour.
Un auteur français du XIXe siècle Victor Hugo a écrit 
: « Le bonheur suprême de la vie, c'est d'être convaincus que nous sommes aimés ». Seul l'amour compte. « Si je n'ai pas l'amour, je ne suis rien », dira saint Paul.

Jusqu'au bout, Jésus a été fidèle à sa mission qui s'inaugure aujourd'hui sous le signe de l'amour qui ne se dit pas. Ce qui lui a permis de vivre cette fidélité jusqu'au bout, c'est parce qu'il se savait aimé d'un amour infini de son Père.

Un grand psychologue, Éric Fromm a écrit un petit livre intitulé : L'art d'aimer. Dans ce livre, il dit que les gens définissent l'amour de deux manières, la première en disant : « Je t'aime parce que j'ai besoin de toi » et la deuxième, « j'ai besoin de toi parce que je t'aime ». Remarquons toute la gratuité qu'il y a dans la deuxième définition en comparaison avec la première.

Celle que Jésus a entendu de son Père au jour de son baptême fut : « J'ai besoin de toi parce que je t'aime ». C'est cette relation qui fait vivre. Au jour de notre baptême, Dieu a répété sur chacun de nous la même phrase : « Tu es mon fils, tu es ma fille bien-aimé-e. En toi j'ai mis tout mon amour. » « J'ai besoin de toi parce que je t'aime. »

Devenir de plus en plus chrétien-nes, cela veut dire : apprendre à remplacer la phrase Je t'aime parce que j'ai besoin de toi par la phrase J'ai besoin de toi parce que je t'aime. Alors nous entrons dans le grand commandement de Jésus : « Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés ».

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