HOMÉLIE DU 6 JANVIER 2008
Épiphanie

PAROISSE SAINT-JEAN-L'ÉVANGÉLISTE
Thurso, Québec

Homéliste :
Gérald Croteau, prêtre

Isaïe (60, 1-6)
Éphésiens (3, 2-3a.5-6)
Saint-Matthieu (2, 1-12)

La liturgie vient tout juste de nous faire revivre le plus grand mystère de foi, celui où Dieu se fait l'un de nous. Il prend chair de la Vierge Marie, se rend vulnérable tout comme nous et partage notre condition. Vous avez remarqué qu'à ce moment-là, personne n'a peur de Dieu, personne ne se sent exclu. Si Jésus était né au Hilton ou dans un château, bien, les plus démunis, les plus exclus de nos sociétés n'auraient pu le voir, ni le rencontrer. C'est ça le mystère de Dieu Amour. Il se veut pour tous, il s'offre à tous.

Aujourd'hui, notre liturgie nous raconte aussi une autre manifestation de Dieu. Nous tous, nous désirons consciemment ou inconsciemment que Dieu nous approuve, nous aime et nous justifie. Israël, comme le démontre le texte du 3e Isaïe, de retour de la déportation, rêve au passé. Il désire la gloire du temps de Salomon et que du signe de la présence de Dieu dans son Temple, tous viennent reconnaître que seul Israël adore le vrai Dieu. Dans le fond de leurs désirs, ils voudraient que les étrangers leur soient soumis. Mais Dieu a d'autres désirs.

C'est ce dont Paul nous parle avec sa lettre aux Éphésiens. Il réaffirme sa conviction que tous, surtout les gentils, sont appelés à devenir disciples de Jésus-Christ et que le Royaume n'est pas strictement réservé à Israël... Cela va en décevoir beaucoup, car en gardant l'exclusivité, on gardait aussi le pouvoir et la gloire. Dieu n'est pas comme cela.

Dans l'Évangile de ce jour, Matthieu est le seul à nous parler de la visitation des mages.

Les auteurs nous disent qu'il s'adresse à des Juifs et que c'était difficile pour eux d'accueillir les « gentils » parmi eux. Mais il faut regarder un peu plus loin et voir ce que Dieu nous dit aujourd'hui par cette Bonne Nouvelle.

Nous savons qu'en naissant dans une étable, que ce lieu n'est pas habituellement le lieu où naissent les humains. Donc, Jésus s'est vraiment abaissé au plus bas niveau afin que personne ne se sente inférieur et rejeté de par sa condition. Ses premiers visiteurs selon Luc furent aussi les êtres les plus bas de l'échelle sociale juive.

Un berger était une personne honnie de la société, considéré comme le dernier des humains. Du fait de son travail, il n'allait presque jamais au Temple et ne pouvait non plus s'acquitter de ses devoirs religieux. Il était un pauvre d'Israël, un anawim. Même certains les jugeaient comme étant des êtres vicieux de la pire espèce. Pourtant, ils furent les premiers invités par la cour céleste et Jésus n'a cessé de se comparer à un Berger. Le Roi qui doit venir, tout comme David, se décrie comme étant un « berger ». Mais voilà que des sages dont nous avons pris coutume de dire qu'ils étaient rois cherchent par les astres Celui qui doit naître comme le Roi d'Israël. Certes, ils étaient des chercheurs, des gens certainement riches et qui, par les écritures et la lecture du ciel, prévoyèrent la venue du roi. L'étonnement chez les croyants est que ce sont des « païens » qui viennent rencontrer le Messie annoncé et non des Juifs qui savent déjà que celui dont l'écriture parle en Michée 5,1-13 doit nous dire son « Je t'aime et je naître à Bethléem. » De plus, en Nombres 24,17 on annonçait pour le Messie à venir une étoile aussi se lèverait. C'est probablement ce texte scruté par les mages et aussi l'étoile qui se forme dans le firmament qui les propulsent vers cette quête du nouveau roi. On peut facilement comprendre l'inquiétude d'Hérode, lui qui n'a pas hésité à tuer ses deux fils qui menaçaient sa royauté...

Les mages remis sur la piste avec l'aide de l'Écriture (Michée 5,1-13) retrouve la lumière émise par l'alignement des trois planètes, semble-t-il. Ils se dirigent vers Bethléem, à la maison où se trouve l'Enfant-Dieu. Là, ils offrent leurs présents, qui symbolisent sa Royauté, son Sacerdoce et aussi son Sacrifice. Enfin ils ont trouvé et retournent chez eux par un autre chemin afin d'éviter Hérode. Et on n'entend plus parler d'eux.

Aujourd'hui, en relisant ces textes, nous revivons cette Bonne Nouvelle. Quelle est-elle? Certains penseront aux cadeaux! Il est vrai que dans ma jeunesse, les cadeaux se donnaient à l'Épiphanie. Non, il s'agit de quelque chose de bien plus important. D'abord, c'est une manifestation, une épiphanie, c'est-à-dire que Dieu se révèle. Et il se révèle de la manière la plus humble. Le Père Varillon a raison de dire que Dieu est humble. Les sages, les mages le réalisent et certainement que leur coeur a été touché au plus profond. Comment un roi si grand, si puissant, se fait-il si petit, si frêle et dépendant de deux pauvres êtres? Ils ont aussi réalisé que l'être qu'ils visitaient était beaucoup plus que la réalité vue. Les cadeaux qu'ils ont offerts en sont la preuve. Comment savaient-ils qu'il était Roi, Prêtre et surtout qu'il allait s'offrir comme victime? Ce n'est pas pour rien que Jean le Baptiste a dit de lui : « Voici l'Agneau de Dieu... ». Alors ces trois rois mages voient la merveille de Dieu dans un spectacle simple que leur quête de vérité et l'Écriture leur a fait découvrir. Ils ont certainement parlé de ce grand voyage et de ce que leur coeur a vécu.

En second lieu, en ce temps où des forces veulent que nous gardions notre foi dans le bastion familial comme un quelque chose de bien personnel, de privé, il nous faut sortir de notre torpeur et devenir « manifestation » au monde qui nous entoure. Notre société démontre une crainte devant l'affirmation de la foi de ceux et celles qui se joignent à notre communauté. Nous leur manifestons que nous ne voulons pas de signes ostentatoires de leur foi et parfois nous cachons les nôtres. Comme l'ont dit certains, cela va nous propulser dans le fanatisme.

Nos évêques insistent : « Dévaloriser l'appartenance religieuse, en restreindre la manifestation publique, serait un manque d'ouverture, d'accueil à leur endroit comme cela le serait aussi pour beaucoup de Québécois d'origine. » Parfois, je me demande si le problème n'est pas un problème de timidité de notre part. Nous n'osons pas manifester notre foi publiquement de peur de signifier une différence, de peur de devenir ou passer pour fanatique. Je pense que quelqu'un qui vit vraiment l'Évangile ne devient jamais fanatique, sinon de l'amour tel que Dieu nous le manifeste aujourd'hui. Et plus encore, autant il s'est manifesté aux Rois Mages, autant il se manifeste à nous en nous donnant sa Lumière par la Parole, autant et surtout par ce mystère que nous vivrons dans quelques instants en recevant Jésus le Christ, Prêtre et Roi dans son mystère de Mort et Résurrection. Il vient dans la paume de notre main, Lui le Tout-Puissant d'Amour t'invite à l'Amour.

Amen.

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