HOMÉLIE DU 24 JUIN 2007
12e dimanche du temps ordinaire

GRAND SAINT-JEAN-BAPTISTE
Montréal, Québec

Président de l'assemblée :
M. le Cardinal Jean-Claude Turcotte, archevêque

Isaïe(49, 1-6)
Actes (13, 22-26)
Saint Luc (1, 57-66.80)

Chers amis,

Il existe plusieurs manières de fêter la Saint-Jean.

On peut le faire en allumant un grand feu de joie qui célèbre la victoire de la lumière sur les ténèbres. On peut danser, chanter, manger ensemble. On peut prendre part à un spectacle qui rassemble une grande foule, jeune et enthousiaste. On peut aussi profiter de la Saint-Jean pour s'évader de la ville ou se reposer un peu à la maison.

Nous, ce matin, nous fêtons la Saint-Jean en participant à une Eucharistie qui fait mémoire de la nativité de Jean le Baptiste. C'est une tradition qui remonte loin dans le temps et que nous tenons à conserver.

Vous le savez, la Nouvelle-France, le Québec et Montréal ont été fondés par des femmes et des hommes qui croyaient en Dieu et au Christ. Je pense à Samuel de Champlain, fondateur de la ville de Québec. Je pense à Mgr François de Montmorency-Laval, premier évêque de Québec; il structura l'Église de la Nouvelle-France. Je pense à Marie de l'Incarnation que le pape Jean-Paul II a béatifiée en 1980. Elle fut à la fois « mystique et femme d'action, mère et religieuse, femme d'affaires et éducatrice. »

Je pense évidemment aux fondateurs de Montréal qui étaient de grands croyants :  Jérôme Le Royer, Paul de Chomedey, sieur de Maisonneuve et Jeanne Mance.
Jérôme Le Royer ne traversa jamais l'Atlantique, mais il conçut la fondation de Montréal et y travailla de manière déterminante. Son intention première était d'évangéliser les indigènes de la Nouvelle France. Nous avons bon espoir qu'il sera bientôt déclaré « vénérable ».

Paul Chomedey de Maisonneuve était un militaire. Quand, en France, il entendit Jérôme Le Royer lui parler de la fondation de Montréal, « il lui offrit et sa personne et sa bourse, sans demander autre chose que de servir Dieu et le Roi dans sa profession ».

Jeanne Mance, elle, entendit parler du projet de la fondation de Montréal par un de ses cousins germains. Elle se demanda aussitôt pourquoi elle n'irait pas coopérer à l'évangélisation d'un nouveau continent. Au moment de quitter la France, elle mit « ordre à ses affaires, ne gardant pour elle que la disposition de sa personne » et n'ayant aucun revenu assuré. Fondatrice de l'Hôtel-Dieu de Montréal, elle fut la première infirmière laïque du Canada. Sa cause de béatification a été introduite à Rome en 1959.

J'ajoute aux noms de ces trois fondateurs celui de Marguerite Bourgeoys, amie de Jeanne-Mance, qui était venue à Montréal avec l'intention de fonder une congrégation enseignante non cloîtrée, idée d'avant-garde à son époque. Ses filles spirituelles – les Soeurs de la Congrégation Notre-Dame – se consacrèrent à l'éducation des enfants dans la colonie naissante.

J'évoque ces grandes figures de notre histoire – en regrettant de devoir me limiter à quelques noms – parce qu'elles ne sont pas étrangères à la célébration annuelle de la Saint-Jean.

Les premières valeurs humaines et spirituelles qui nous ont été transmises étaient chrétiennes. Avec ses hauts et ses bas, ses ombres et ses lumières, toute notre histoire a été marquée par ces valeurs. Sans elles, nous ne serions pas ce que nous sommes devenus. Ce n'est pas en disant « je ne me souviens plus », mais en proclamant « je me souviens » qu'un peuple peut continuer à grandir.

Ces valeurs que les fondateurs nous ont léguées d'où venaient-elles? Elles venaient tout droit de cet homme Jésus que Jean le Baptiste a eu mission de désigner à ses concitoyens. « Ce n'est pas moi » celui que vous attendez, leur a-t-il dit, ce n'est pas moi le messie, ce n'est pas moi le sauveur que vous espérez, mais « le voici qui vient après moi, et je ne suis pas digne de lui défaire ses sandales ».

Jean le Baptiste était un homme tout d'une pièce. Il était d'une droiture à toute épreuve et d'une sincérité jamais prise en défaut. Jésus a dit de lui qu'il était un prophète, « et bien plus qu'un prophète », puis il a ajouté que « parmi les hommes, il n'en a pas existé de plus grand que Jean Baptiste ». Jean le Baptiste a été le plus grand parmi les hommes et parmi les prophètes parce qu'il lui a été confié la tâche de désigner Jésus comme l'envoyé de Dieu et parce qu'il a accompli cette tâche d'une manière admirable. Il a parlé avec force et avec clarté, s'oubliant entièrement lui-même pour mieux accorder toute la place à celui dont il révélait la présence au monde.

Chers amis, une des très grandes richesses que les fondateurs de la Nouvelle-France nous ont léguée, c'est l'Évangile de Jésus qui est le Messie, le Sauveur, la Lumière du monde, le Fils de Dieu. Cet Évangile enseigne le respect dû à toute personne, petite ou grande, naissante ou mourante, riche ou pauvre, malade ou en bonne santé.

Cet Évangile va plus loin encore. Il accorde la priorité aux plus petits, aux plus faibles, aux plus pauvres, aux rejetés, aux méprisés de toute société. Il invite à découvrir en toute personne le visage même de Dieu. Pour construire la paix, l'Évangile de Jésus appelle au pardon et à la réconciliation, à la justice, au partage et à l'entraide.
Il fustige le mensonge et encourage la recherche de la vérité.

Cet Évangile annonce la victoire de la vie sur la mort.
Il invite à communier déjà à la vie de Dieu.
Il promet notre résurrection future.
Mais surtout, par-dessus tout, il prêche l'amour.
« Dieu est amour », a écrit saint Jean.
Et Jésus a dit : « Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres. »
Et il a énoncé cette règle que nous appelons « la règle d'or» :  « Ce que vous voulez que les autres fassent pour vous, faites-le aussi pour eux. »

En fêtant aujourd'hui Jean le Baptiste, nous rendons grâce aujourd'hui pour l'héritage qui nous a été légué, et nous affirmons notre volonté de le préserver, d'en vivre et de le transmettre. Que Dieu nous y aide.

À vous toutes, à vous tous, je souhaite une très heureuse fête de la Saint-Jean.

Amen.


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