HOMÉLIE DU 18 MARS 2007
Carême IV

ÉGLISE SAINT-JEAN-BAPTISTE
Montréal (Québec)

Président de l'assemblée:
Alain Mongeau, prêtre

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Josué (5, 10-12)
Corinthiens (5, 17-21)
Saint Luc (15, 1-3. 11-32)

Nous entendons cet évangile alors que nous célébrons ce dimanche de carême sous le thème du «visage». Ce thème a été choisi comme «écran de fond» pour ces deuxièmes Journées d'Art Sacré sur notre Plateau Mont-Royal. C'est comme si la liturgie se mettait de la partie pour nous enseigner comment avoir un beau visage, un visage neuf. Dieu est amour et il veut que notre visage en soit illuminé de l'intérieur. Il nous rend plus beau en nous libérant de la peur du jugement et en nous découvrant que nous sommes aimés d'un amour infini, inconditionnel. Dieu aussi est un esthéticien. Un vrai. L'évangile que nous venons d'entendre nous explique comment.

Pour paraphraser le récit de ce fils perdu-retrouvé, je pense ici à l'histoire de Pinocchio. Vous connaissez tous ce personnage au nez télescopique accompagné de Gimmini, une espèce de petit criquet moralisateur. Tout juste sorti de l'atelier de son créateur, Gepetto, Pinocchio est un bon petit garçon sans histoire. Il vit heureux et fait la joie de son maître jusqu'à ce qu'il rencontre une bande de gamins qui l'influencent et lui font soudain réaliser qu'il est attaché par des fils. Il est, en fait, une marionnette. Il a dès lors l'impression qu'il n'est pas libre. Il voit ces enfants faire ce qu'ils veulent, quand et comme ils veulent. Il veut faire comme ceux qui semblent si bien comprendre sa propre soif de liberté. C'est l'appel du grand large. Pour se libérer de ses entraves, il doit prendre la fuite, partir, s'éloigner des sentiers battus de sa petite vie bien rangée.

Au début, tout va bien. Pinocchio fait un tas d'expériences nouvelles. C'est un moment d'exaltation. Puis, arrive la dure réalité. La liberté a un prix: celui de la responsabilité. C'est la catastrophe. Il fume, il fait n'importe quoi. De déchéance en déchéance, Pinocchio s'enfonce malgré les appels répétés du criquet à se réveiller et rentrer chez son père. Et là, au fond du ventre de la baleine, Pinocchio retrouve son père qui, de désespoir, était parti à sa recherche. C'est dans le noir de l'épreuve, dans le plus obscur endroit qu'il retrouve son père qui se jette à son cou. Éclairé par cette expérience, la petite marionnette décide, seule, de revenir vers son créateur Gepetto. Et là, dans la joie des retrouvailles, une jolie fée exauce son voeu de devenir un petit garçon. Il ne sera plus une marionnette que l'on manipule, mais un vrai petit garçon doté de liberté et de volonté. Ses fils disparaissent et il peut désormais conduire sa vie, car il a fait l'expérience de sa liberté. Il a découvert que seul, par ses propres moyens, sa vie ne va nulle part. Il a besoin de la communion avec son père pour exister et trouver son vrai visage.

La morale de cette histoire? La même que celle de l'évangile je pense. Seule l'expérience de la miséricorde de Dieu nous redonne notre vrai visage. Nos expériences malheureuses, nos épreuves, nos fausses conceptions de la liberté n'entraînent pas une soi-disant «punition de Dieu». Elle nous éloigne de lui. Et s'éloigner de notre créateur, c'est se couper de son amour. Lorsque l'on en prend conscience, lorsqu'on se réveille de nos illusions sur le bonheur et la liberté, on apprend à reconnaître librement où est notre vrai bien. Cela dit, nous ne sommes pas fous. Lorsqu'on a trouvé son bien, nous n'avons plus besoin de fils pour nous diriger, ni d'un petit criquet pour nous faire la morale, ni de la contrainte. Nous choisissons librement notre bien et, ainsi, nous grandissons en humanité. Notre visage, c'est-à-dire l'expression de notre être devient plus beau, plus vrai, plus paisible.

Ce fils de la parabole d'aujourd'hui est une figure de notre liberté, de l'amour indéfectible du Père et de sa miséricorde. Mais il y a aussi ce deuxième frère. Celui-là, c'est le bon gars qui a toujours fait tout ce qu'il fallait. Le père l'aime aussi, même s'il lui pique une crise de jalousie. Lui, dit-il, il est bien. Son frère, c'est un pauvre type qui a tout rejeté. Tant pis pour lui. Qu'il se débrouille. Et toi, père, tu le couvres d'honneur. On dirait que tu consacres sa médiocrité. Et moi? N'ai-je pas toujours fait ce qu'il fallait? Le père lui répond: «tu es toujours avec moi». Dieu est amour. Que peut-on désirer de plus? Heureux celui qui a toujours «l'amour avec lui». Quant à celui qui l'avait quitté momentanément, heureux est-il s'il découvre que cet amour est sans limites et sans conditions. Il comprendra peut-être mieux que l'autre frère le prix de la liberté. Frères et soeurs c'est à cet amour auquel nous sommes appelés. Cet amour-là nous redonne notre vrai visage. C'est celui qui nous rassemble et que nous célébrons ensemble dans cette Eucharistie.

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