HOMÉLIE DU 10 DÉCEMBRE 2006
Avent II

PAROISSE SAINT-CLÉMENT
Beauharnois (Québec)

Président de l'assemblée:
Le chanoine Georges-Henri Cartier
 
Homéliste:
Richard Wallot, prêtre

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Baruc (5, 1-9)
Philippiens (1, 4-6.8-11)
Saint Luc (3, 1-6)

«Tout homme verra le salut de Dieu...»

Bien des gens étaient convaincus que le récent voyage du Pape Benoît XVI en Turquie serait une aventure risquée, voire dangereuse: dans le contexte des tensions actuelles entre les pays musulmans et l'Occident, et à la suite des déclarations plutôt délicates du Pape sur la violence et l'Islam qui avaient suscité la colère des foules, on redoutait le pire. Un «ravin» de malentendus, des «montagnes» de rancunes, de blessures et de griefs millénaires paraissaient comme des obstacles insurmontables à la réussite du voyage.

Mais, par la grâce de Dieu, et par la bonne volonté des personnes aussi, la visite du Pape a réussi à "combler le ravin» et à «abaisser les montagnes». À travers la délicatesse des gestes, et le souci de faire les premiers pas, de part et d'autre, on a assisté à l'apaisement des tensions.

Pour paraphraser le prophète Isaïe, les hommes ont pu «voir» des lueurs de «salut», comme ces liturgies communes entre le Pape et le Patriarche orthodoxe Bartholomée 1er, à Éphèse, dans la maison de la Vierge Marie. Ou encore, ce moment de lumière à la Grande Mosquée Bleue d'Istanbul où le Pape s'est recueilli avec le chef de la mosquée, tourné vers la Mecque, au moment de la prière rituelle d'adoration.

Ce voyage a réalisé une sorte d'éclaircie dans le ciel de l'humanité. Il a pavé la voie à des gestes de dialogue. Il a posé des pas vers un avenir de compréhension entre les grandes religions.

Voyez comme la Parole de Dieu s'accomplit aujourd'hui: n'est-ce pas là un signe, parmi d'autres, que «Dieu prépare avec nous un monde nouveau», comme le suggère le thème de notre démarche de l'Avent?

Et nous aussi, là où nous vivons, nous ici à Beauharnois et vous à travers le pays, nous pouvons tous, par des gestes de dialogue, par des premiers pas, par un sourire, une carte ou une visite, «combler un ravin, abaisser des montagnes, redresser ce qui est tortueux, aplanir la route» pour favoriser avec tous des relations de paix, et que de plus en plus de gens «voient le salut de Dieu». N'est-ce pas ce que vous vivez ici à Beauharnois, dans votre dévouement auprès des jeunes en difficultés, auprès des femmes battues ou des aînés isolés, à travers vos organismes communautaires, le Carrefour du Partage ou le Centre d'action bénévole? Je pense aussi aux jeunes de Melocheville qui, dans l'ACLÉ, se préoccupent de protéger l'environnement au nom de leur foi au Dieu créateur... Ou encore à ces grands adolescents qui viennent accompagner des enfants dans leur formation chrétienne...

Oui, le salut de Dieu, c'est ce qu'apporte le Sauveur qui vient. Depuis deux mille ans, Jésus Christ vient sans cesse nous révéler l'amour infini que le Père porte à tous, sans frontières de races ou de religions. Il vient guérir le coeur humain et faire régner la justice, la paix, la joie. Il vient nous apprendre, à tous, à vivre en frères sur cette planète qu'il nous a confiée. Reconnaissons que nous avons encore beaucoup de travail à faire pour que son règne vienne!

Mais aujourd'hui, nous fêtons les pas accomplis, nous célébrons par exemple la Journée internationale de la Déclaration universelle des droits de l'homme, adoptée par les Nations Unies en 1948. L'article premier se dit ainsi: «Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.» Je vous invite tous à relire ce très beau texte de cette Déclaration d'inspiration évangélique.

Cette Déclaration fut une étape majeure dans la marche de l'humanité vers plus de justice et de paix. Elle affirme un idéal possible que tous les pays se sont engagés à réaliser, l'idéal d'une humanité où toute personne se verrait reconnue le droit à la vie, à la liberté, à la sécurité, à la dignité, quelle que soit sa race, sa couleur, son sexe, son âge, sa religion, sa culture, ses opinions. Feu le Pape Jean-Paul II nous a souvent affirmé que les droits de l'homme font vraiment partie du salut que nous annonçons au nom de Jésus.

De grands pas ont été faits: pensons, par exemple, aux droits des femmes. Mais, combien de ces droits sont encore refusés à bien des gens! Pensons simplement à la pauvreté qui frappe un enfant sur six au Canada... Pensons aux difficultés posées aux immigrants et aux réfugiés et que viennent de dénoncer nos évêques canadiens... Pensons encore à nos compagnies minières dont plusieurs s'installent en pays étrangers sans respect des populations locales: Développement et Paix vous a sans doute invités à signer la pétition dénonçant cette réalité...

Il reste donc des ravins de malentendus, des montagnes d'orgueil et de méfiance à aplanir entre riches et pauvres, entre voisins, et parfois entre membres d'une même famille! Il y a aussi tous les chemins tortueux d'une société dominée par l'argent... Jean-Baptiste aujourd'hui nous appelle à une «opération vérité» à faire dans notre pays, en commençant par notre coeur...

Oui, la voix qui crie dans le désert vient déranger notre tendance à défendre nos droits, en négligeant ceux des autres. Jean-Baptiste parle d'un «baptême de conversion pour le pardon des péchés». Nous sommes «baptisés», sommes-nous «convertis»? Se convertir, ce n'est pas changer de religion, mais changer nos façons de vivre...

Saint Paul, pour sa part, nous affirme prier pour «que votre amour vous fasse progresser de plus en plus dans la connaissance vraie et la parfaite clairvoyance qui vous feront discerner ce qui est plus important...»

Dans les jours qui viennent, vos communautés chrétiennes offriront partout des rendez-vous de prière et de réconciliation, des moments communautaires de pardon sacramentel. Accordons-nous le cadeau, le beau luxe d'un petit moment de désert où la voix de Dieu pourra retentir dans notre coeur et y redresser ce qui mérite de l'être...

Aujourd'hui, nous prenons le temps de faire l'Eucharistie, de communier à Jésus et à son projet d'un monde nouveau. Qu'il «achève en nous le travail qu'il a si bien commencé». Ainsi, nous partageons la joie qu'à travers nous, «tout homme (puisse) voir le salut de Dieu».

Prière

C'est un cri
Qui monte de la terre.
Un cri qui monte vers Dieu.
Un cri qui casse la nuit du monde.
Dieu l'a entendu,
Il a voulu savoir, il a voulu comprendre...
Sois bien attentif dans les jours à venir,
Dieu va pousser son premier cri!
Écoute bien!
Il ressemble tellement à un cri d'homme...

(d'après Carnets d'Avent 1997)

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