HOMÉLIE DU 1er OCTOBRE 2006
26e dimanche du temps ordinaire

ÉGLISE LE GESÙ
Montréal (Québec)

Président de l'assemblée:
Daniel Leblond, s.j.

Nombres (11, 25-29)
Lettre de saint Jacques (5, 1-6)
Saint Marc (9, 38-41)

Chers frères, chères soeurs,

Vous savez, chaque communauté religieuse, chaque famille religieuse, a sa couleur, a son charisme, qui lui viennent de ses fondateurs. En cette année jubilaire, où nous nous souvenons de manière créative et vivante de ceux qui ont mis au monde cette Compagnie de Jésus, il est bon de se rappeler notre charisme, notre couleur. Et les textes d'aujourd'hui, particulièrement, nous amènent à retourner à ce charisme.

Vous savez, nos compagnons, tout comme Moïse dans la première lecture et Jésus dans l'Évangile, ont cru totalement à la liberté de l'Esprit. L'Esprit de Dieu est vivant, mais il est libre, il souffle où il veut et quand il veut. Tout comme Moïse découvre que cet Esprit s'exprime dans ces deux hommes qui ne font pas partie véritablement du groupe, qui ne sont pas identifiés véritablement au groupe, tout comme Jésus qui reconnaît l'Esprit de Dieu présent dans tous ces hommes qui guérissent ou font des miracles en son nom, même s'ils ne répondent pas à la définition précise du «témoin», du «disciple» de Jésus.

Oui, l'Esprit de Jésus est libre et nous, jésuites ainsi que nos collaborateurs et collaboratrices, tous ceux et celles qui se disent de la spiritualité ignatienne, nous y croyons fondamentalement. Et ceci nous amène, parce que l'Église nous le demande, à vivre aux frontières, à vivre avec des hommes et des femmes qui cherchent Dieu, qui cherchent à le rendre vivant, de toutes sortes de manières: en le nommant différemment, en le vivant différemment, mais qui cherchent la vérité, la justice, la beauté.

Nous sommes capables de reconnaître Dieu présent, agissant, vivant en nous, parce que nous sommes allés à l'école du discernement spirituel, parce que nous avons vécue cette expérience intérieure et nous essayons de la vivre encore davantage. C'est l'expérience du compagnonnage avec le Christ, un Christ vivant qui nous permet, grâce à ce discernement intérieur de sensibilité, ce regard, qui nous permet de le découvrir aujourd'hui, comme l'ont fait les compagnons, comme l'a fait Moïse, et surtout comme l'a fait Jésus en son temps – et il continue de le faire parmi nous aujourd'hui.

Travailler ensemble sans frontière, travailler au dialogue des cultures, au dialogue des grandes religions; travailler au coeur de la culture post-chrétienne qui est la nôtre, chercher avec elle avec cette conviction que l'Esprit de Dieu s'exprime véritablement encore aujourd'hui, au coeur de notre monde.

La deuxième lecture, la lettre de saint Jacques, nous amène au coeur de notre mission, nous, les ignatiens. Comment peut-on vivre heureux lorsqu'on voit toutes ces souffrances, ces injustices de par le monde? Comment peut-on accepter que des gens ne reçoivent pas le salaire dû? Comment peut-on accepter que des hommes, des femmes et des enfants souffrent du «trop» que nous avons? Vous savez, il y a maintenant plus de 30 ans, la Compagnie de Jésus a véritablement affirmé, dans ses écrits comme dans ses actes, que la foi est indissociable de la justice sociale. Comment peut-on vivre, avoir vécu une expérience de Dieu, d'un Dieu-Amour et rester insensibles à toutes les souffrances qu'on voit autour de nous? Cette expérience de compagnonnage nous invite, encore plus nous pousse à l'extérieur de nous-mêmes pour changer le monde, changer les causes de ces injustices, changer les causes qui font que notre monde crée de plus en plus de souffrance. Et nous essayons de le faire, nous essayons d'aller de l'avant, de changer les causes de cette souffrance, de cette injustice. Ici comme en Haïti, et partout dans le monde, la Compagnie se consacre aux réfugiés, à ceux qui sont les victimes des choix de notre monde.

Je pourrais vous faire l'énumération des multiples oeuvres qui sont encore présentes ici au Québec, au Canada français et qui le sont aussi en Haïti. Nous aidons dans le domaine spirituel avec le Centre Manrèse, avec l'oeuvre des retraites à Saint-Jérôme, à la Villa Saint-Martin, à Sudbury, au Centre de spiritualité de Port-au-Prince, pour permettre aux hommes et aux femmes de notre temps de découvrir l'Esprit de Dieu vivant dans notre monde.

Nous oeuvrons dans toutes sortes de domaines à la frontière: la recherche scientifique, le dialogue avec les incroyants, avec les artistes aussi ici même au Gesù. Mais ce qui est le plus important, nous sommes habités de Jésus vivant, NOTRE COMPAGNON. Nous sommes habités d'une expérience que nous ne pouvons garder pour nous-mêmes, que nous voulons partager, comme vous, vous êtes habités par ce Dieu vivant, votre compagnon et vous portez ce même désir de partager, de transformer notre monde.

Au coeur de cette eucharistie, moment privilégié pour goûter la présence de ce dieu, de ce compagnon en nous, demandons que nous repartions de cette église avec le vent dans les voiles: le chantier est ouvert! Il exige notre créativité, il exige notre coeur, il exige tout notre être, il exige que nous soyons au service réel de ce monde, que nous soyons avec lui. Amen.


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