HOMÉLIE DU 5 MARS 2006
Carême I

PAROISSE SAINT-MARTIN-DE-TOURS
Glen Robertson (Ontario)

Président de l'assemblée:
Éric Robichaud, prêtre

Genèse (9, 8-15)
Première lettre de saint Pierre Apôtre (3, 18-22)
Saint Marc (1, 12-15)

Il y a une nouvelle tendance depuis un certain temps chez les grands réseaux de télévision, et plus particulièrement à la Société Radio-Canada; celle d'offrir au grand public la possibilité de se procurer la collection intégrale de certaines émissions de télévision qui ont jadis été très populaires. Ainsi, nous pouvons regarder à volonté nos épisodes préférés d'émissions telles que Les belles histoires des pays d'en haut, Le temps d'une paix ou La petite vie.

Or, imaginez un seul instant si la Société Radio-Canada qui produit et réalise l'émission Le Jour du Seigneur nous offrirait aussi la collection intégrale de la vie de Jésus, comme si on y était! On pourrait même le faire en différentes compilations : les grands discours de Jésus, les grands miracles de Jésus, la Passion de Jésus (encore que Mel Gibson l'a déjà fait et nous connaissons bien sa version, n'est-ce pas?)...

Ne serait-ce pas formidable si nous pouvions voir Jésus alors qu'il marchait sur les routes de la Galilée, l'entendre alors qu'il s'adressait à des milliers de gens qui l'écoutaient avec émerveillement, nous laisser imprégner par la sagesse qui émanait de sa personne, autant que de ses paroles...

Malheureusement, la Société Radio-Canada n'avait pas d'équipe de production pour suivre Jésus sur les chemins de la Palestine. Nous n'avons aucune photo, aucune image, aucun film. De nombreux artistes ont voulu exprimer par leur talent ce qu 'a pu faire ou dire Jésus alors qu'il était parmi nous, mais cela restera toujours une représentation parmi d'autres. On peut s'émerveiller devant ces productions, mais elles demeurent toutes partielles et bien éphémères.

D'ailleurs, si nous devions nous inspirer de l'évangile selon saint Marc pour représenter la tentation de Jésus au désert, nous serions en manque de détails importants. Pour ceux d'entre vous qui êtes familiers avec les Évangiles, vous aurez remarqué qu'il n'y est fait aucune mention des trois tentations plus spécifiques qui nous sont rapportées chez les autres évangélistes. (C.f. Mt 4, 1-11; Lc 4, 1-13)

C'est donc dire que l'intention de Marc va bien au-delà de l'esprit journalistique que certains parmi nous admirent. Nous aimons les faits. Que s'est-il passé? Qui en a été témoin? Qui en sont les protagonistes? Cependant, Marc n'est pas un journaliste, il n'est pas non plus quelqu'un qui veut raconter l'histoire de Jésus. Son Évangile n'est pas une biographie. Ce n'est pas non plus un livre de fiction, ni même un roman. Mais qu'est-ce donc?

Nous avons annoncé le texte par ces mots : « Évangile de Jésus-Christ selon Saint Marc ». Le mot « Évangile » comme vous le savez veut dire « Bonne Nouvelle ». On part ici d'un point essentiel : l'annonce est une Bonne Nouvelle. Elle est aussi une Bonne Nouvelle de Jésus Christ. Notez l'alliage des mots : Jésus Christ. Le prénom « Jésus » est fréquemment utilisé en ce temps-là; quand au mot « Christ » il veut dire « Messie », « Celui qui a reçu l'onction ». Nous avons ici une profession de foi. Non seulement l'Évangile est une Bonne Nouvelle, mais il s'agit d'une Bonne Nouvelle qui concerne la vie de Jésus Christ. Pas de doute, la dimension de foi est essentielle pour comprendre les Évangiles.

On utilise bien des images pour illustrer le lien qui existe entre nous qui sommes le Peuple de Dieu, Dieu le Père et le Christ. Parmi toutes celles qu'il serait possible de développer j'aimerais m'attarder sur celle que nous offre les lectures de ce jour: l'Alliance. Dieu a fait Alliance avec son Peuple. C'est là ce que nous avons entendu dans la première lecture tirée du livre de la Genèse. On nous y raconte comment l'arc-en-ciel est signe de l'Alliance que Dieu a scellée avec son Peuple et donc avec nous. Notez cependant que le texte ne dit pas: « Quand vous verrez l'arc-en-ciel au milieu des nuages, rappelez-vous l'alliance que nous avons faites », mais bien plutôt « Lorsque... l'arc-en-ciel paraîtra au milieu des nuages, je me souviendrai de mon alliance avec vous... ». L'auteur du livre de la Genèse par là veut nous montrer que le signe de l'Alliance vient de lui, pas de nous. Quand bien même nous briserions l'Alliance avec lui, l'arc-en-ciel sera toujours là pour lui rappeler que lui a fait Alliance avec nous. Bref, nous pourrons toujours briser l'Alliance entre Dieu et nous, mais lui ne le pourra jamais. (C.f. A.R. Rosser, Workbook for Lectors and Gospel Readers, Canadian Edition, CCCB & LTP, Year B, 2003, p. 70)

Cette Alliance s'est exprimée d'une manière définitive dans l'incarnation du Fils de Dieu, le Christ Jésus, venu parmi nous pour nous intégrer nous aussi dans cette Alliance définitive qu'il a faite dans son sang. En lui, nous sommes définitivement réconciliés avec Dieu. (C.f. 2 Cor. 5, 14-19; Catéchisme de l'Église catholique, C.E.C. no 1443) Nous sommes régénérés d'une vie nouvelle, celle du Christ, vainqueur du mal et de la mort. (C.f. C.E.C. nos 309, 385, 538-539)

Nous lisons dans la lettre aux Hébreux (4, 15) que le Christ n'a pas voulu se soustraire à notre réalité humaine. Il a voulu l'assumer en tout. Il a même voulu se soumettre à l'épreuve de la tentation, comme nous l'avons entendu dans l'Évangile, « mais il n'a pas péché ». Il a été identifié à nos propres péchés, afin que, grâce à lui, nous soyons identifiés à la justice de Dieu. Dieu a donc rendu le Christ solidaire de l'humanité pécheresse afin de nous rendre solidaires de son obéissance et de sa justice. (C.f. Bible de Jérusalem, note f pour 2 Cor. 5, 21) Comment ne pas rendre grâce à Dieu pour tant de bonté à notre égard?

Il nous faut nous engager à répondre à cet amour que Dieu nous offre en devenant nous-mêmes des forgeurs d'Alliance autour de nous. Dieu a fait Alliance avec nous en son Fils, pour que nous aussi nous faisions Alliance avec les autres. En effet, la relation qui nous lie avec le Christ n'est pas individuelle et indépendante, c'est une Alliance collective, vécue en Église, vécue en famille parce que le Peuple de Dieu est un Peuple en marche. (C.f. Concile Vatican II, décret Ad Gentes, no 2)

Il serait si dommage pour nous de nous laisser affaiblir par le péché. Pensons-y : par le Baptême nous sommes vainqueurs du mal avec la grâce de Dieu, par le Baptême nous marchons à la suite de Jésus qui le premier nous a montré comment vaincre le mal.

Il nous faut seulement accueillir le message qu'il a annoncé dès le début de sa vie publique : « Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle ».

Prendrons-nous ce message au sérieux au cours de ce Carême? Accepterons-nous de devoir subir l'épreuve de la tentation? Serons-nous des faiseurs d'Alliance dans notre entourage? Voudrons-nous partager le trésor de notre foi, un trésor d'amour, avec nos frères et soeurs croyants et non-croyants? Allons-nous semer l'amour autour de nous au cours de ce Carême et au cours de notre projet pastoral diocésain « Paroisse Vivante »? Il n'en tient qu'à nous.

Nos vies sont comme des scénarios de film dont le dénouement est laissé à chacun d'entre nous. Le film de nos vies peut devenir un « citron » ou être considéré comme un chef-d'oeuvre, une image certes incomplète ou partielle, mais un vrai reflet tout de même de ce que Jésus nous a annoncé durant sa vie publique. Soyons audacieux, et allons-y pour un Oscar! Amen.


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