HOMÉLIE DU 12 MARS 2006
Carême II

PAROISSE SAINT-PIERRE CHANEL
Gatineau (Québec)

Président de l'assemblée:
Mgr Jean-Charles Dufour, P.H.

Genèse (22, 1-2.9a.10-13.15-18)
Romains (8, 31b-34)
Saint Marc (9, 2-10)

Il y avait , une fois, un petit garçon qui voulait rencontrer le bon Dieu. Il savait que le voyage serait long! Il remplit sa valise de petits gâteaux, de six bouteilles de limonade et partit.

Trois coins de rue plus loin, il vit une vieille dame, qui, assise dans le parc, regardait les pigeons. Il s'assit près d'elle, ouvrit sa valise pour prendre une limonade et, remarquant l'air affamé de la vieille dame, il lui offrit un petit gâteau qu'elle accepta avec reconnaissance, en lui souriant. Son sourire était si joli que le garçon voulut le voir encore. Il lui offrit donc une limonade. Elle lui sourit de nouveau. Il était ravi. Ils restèrent ainsi tout l'après-midi à manger et à sourire, sans dire un mot.

À la tombée du jour, le petit garçon, fatigué, se leva pour partir. Au bout de quelques pas à peine, il se retourna, courut vers la vieille dame et la serra dans ses bras. Elle lui fit alors son plus beau sourire. Lorsqu'il rentra à la maison, sa mère, étonnée de son regard joyeux, lui demanda : « Qu'as-tu fait aujourd'hui qui te rende si heureux? » Il répondit : « J'ai mangé avec le bon Dieu » Et il ajouta : « Tu sais, elle a le plus merveilleux des sourires. » La vieille dame, rayonnante de joie, retourna aussi chez elle. Son fils, frappé par l'expression paisible de son visage, lui demanda : « Maman, qu'as-tu fait aujourd'hui qui te rende si heureuse? » Elle répondit : « Je suis allée au parc, et j'ai mangé des gâteaux avec le bon Dieu » Et elle ajouta : « Tu sais, il est beaucoup plus jeune que je le croyais. »

Parfois, on pense connaître quelqu'un, même les gens les plus près de nous, et souvent, à cause d'un événement spécial, on découvre qu'ils sont bien différents de ce qu'on avait imaginé à première vue. D'une certaine manière, on pourrait dire que c'est une expérience semblable qui nous est racontée dans l'évangile d'aujourd'hui.

Au moment où Jésus gravit la montagne avec ses disciples, on ne peut pas dire qu'il est vraiment connu! J'ajouterais qu'il vit en plus dans un contexte de « défiguration ». Il est à la fin de son ministère! Il subit l'incompréhension des foules qui pourtant ont déjà été enthousiastes. L'hostilité des chefs religieux est à son comble! Ils le rejettent, ne reconnaissent pas en lui le Messie, et complotent de le faire mourir. Même les disciples ont une foi fragile! Ils ne comprennent pas les annonces de Jésus sur sa Passion et sa résurrection. Ils ont du mal à comprendre. Pierre lui-même se révolte!

C'est dans ce contexte que Jésus fait voir à ses disciples ce qu'il est vraiment. Il est transfiguré devant eux. La gloire de Dieu, cachée dans l'humanité de Jésus est soudain dévoilée. En un instant, les trois témoins voient clairement la vraie identité du « Fils bien-aimé du Père ». Jésus leur fait voir sa résurrection! Expérience tellement marquante que Pierre écrira dans une de ses lettres : «Nous l'avons vu de nos yeux dans tout son éclat». (2 P 1, 16;)

Ce qui nous est raconté dans l'évangile n'est pas bien loin de nous. J'ajouterais qu'on peut y trouver tout un projet de carême ou encore un projet de vie.

Je disais tantôt que Jésus vivait dans un contexte de « défiguration ». Nous aussi, nous vivons dans un contexte de « défiguration ». On sait comment un manque d'amour peut défaire un visage d'homme ou de femme, comment un manque d'amour peut creuser un vieillissement mortel dans les coeurs. Le péché, nos manques d'amour de Dieu et du prochain, défigure nos visages de baptisés, notre vie d'enfants de Dieu, de fils et de filles du Père. Nos manques d'amour altèrent cette beauté secrète qui est en nous, défigurent notre portrait d'éternité.

Ça vous surprend peut-être que je parle de cette beauté secrète qui est en nous! Pas si surprenant, pourtant! Déjà le récit de la création nous révélait que nous avions été fait « à l'image et à la ressemblance de Dieu ». Ce n'est pas rien! Quand le Seigneur est transfiguré sur la montagne, c'est la face cachée de notre être qu'il nous montre; c'est la lumière, l'éclat de notre vocation de fils et de filles de Dieu qu'il nous révèle; c'est encore notre avenir qu'il nous fait voir : le signe de notre propre résurrection.

Nous sommes en carême! Quarante jours qui nous sont donnés pour regarder la « face cachée » de notre être imprimé à « l'image et la ressemblance de Dieu! » Quarante jours qui nous sont donnés pour « nous refaire une beauté du coeur! » Quarante jours qui nous sont donnés pour nous aider à devenir encore plus ce que nous sommes : « des enfants de lumière ».

C'est important pour nous! Important pour les autres aussi! Nous vivons dans un monde « défiguré » par la violence, le terrorisme, la guerre, la cupidité et l'hypocrisie des hommes. Pour aider ses disciples, Jésus a dévoilé son vrai visage. Pour aider notre monde, le carême nous invite à dévoiler notre vrai visage, à dévoiler l'image du Christ qui est en nous, à vivre en « transfigurés », c'est-à-dire « en enfants de lumière », en frères et soeurs de celui qui est « la lumière du monde ».

Nous sommes réunis pour célébrer l'eucharistie, pour être avec Jésus ressuscité, ce Fils donné, ce Fils transfiguré. Il est là avec nous, pour encourager et soutenir les témoins que nous sommes. Comme Pierre, Jacques et Jean, réjouissons-nous de ce moment passé avec le Christ! Plaçons-nous sous sa lumière, acceptons de nous refaire une beauté intérieure, et partons témoigner de Celui qui nous entraîne dans sa résurrection bienheureuse.

Poursuivons notre prière!


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