HOMÉLIE DU 19 FÉVRIER 2006
7e dimanche du temps ordinaire

CHAPELLE HISTORIQUE BON-PASTEUR
Québec (Québec)

Président de l'assemblée :
Gérard Blais, prêtre

 

Job (7, 1-4.6-7)
Corinthiens (9, 16-19.22-23)
Saint Marc (1, 29-39)

Mes chers amis,

À la lecture du texte de l'évangile de ce dimanche, une séquence de film m'est revenue en mémoire. Il s'agit de Jésus Christ Superstar, un film qui date des années 70. Une des scènes de cet opéra rock présente une bande de lépreux, de malades et d'estropiés qui sortent d'une caverne et s'accrochent désespérément à Jésus pour qu'il les guérisse. Tous ces malheureux sont vêtus de vieilles guenilles, comme notre défunt ami Sol (Marc Favreau). La scène est lourde, accablante, dérangeante. Et Jésus est comme apeuré avec tous des « Tamalous » d'Israël . « Et toi, t'as mal où? »

Jésus et les malades

« Le soir venu, on lui amenait tous les malades ». Les évangiles ne disent pas que Jésus soit allé se cacher ou qu'il ait verrouillé sa porte. On ne dit pas non plus qu'il courait après les malades. À ce que je sache il n'y a aucune morbidité dans l'attitude de Jésus. Il ne cherche pas non plus à capitaliser sur les malheurs des autres. Vous savez, après certaines catastrophes, des chefs d'état aiment se faire photographier au chevet d'un blessé. Par compassion ou pour la promotion? À vous de choisir.

Jésus ne court pas après les malades, c'est plutôt le contraire. Et alors, quand il se retrouve devant un malade, il fait ce qu'il peut, avec les moyens du bord. Est-ce que Jésus n'était pas parfois dépassé par les événements, comme le suggère très nettement le film Jésus Christ superstar? En tous les cas, on peut supposer que Jésus ait connu des journées bien remplies si l'on en juge par Matthieu 8,20 où on lit : « Il n'avait pas où reposer la tête ».

Jésus, un homme libre

On pourrait prolonger ce genre de réflexion, mais il y a plus intéressant que de faire la psychologie de Jésus. J'aimerais examiner avec vous un autre aspect : « Comment a-t-il été capable d'aller vers les pauvres et les malades »? Je crois qu'on doit rechercher la réponse au niveau de la liberté de Jésus. Jésus était un homme libre. Un être tourmenté ne peut que tourmenter. Seul un être libre peut libérer. Or, Jésus était un homme étonnamment libre.

On ne le dit jamais, mais Jésus était libre vis-à-vis toutes sortes de dépendances assez fréquentes de nos jours : l'alcool, la drogue, le sexe, l'appétit de consommation ou la course effrénée aux honneurs. Toutefois, sa plus grande liberté me semble résider dans son attitude vis-à-vis la loi. Dans la société très fermée dans laquelle Jésus vivait, dans cette société aux règles religieuses très strictes, Jésus étonnait par sa liberté : liberté de parole, liberté d'action, je dirais même, liberté religieuse. C'est avec cette liberté que Jésus s'est fait proche des gens.

Je m'explique. Il y a quelques années, lors d'une émission à Passion-Raison, Denise Bombardier avait interviewé le Dr Ayoub à l'occasion du décès du premier ministre Robert Bourassa. Le Dr Ayoub disait qu'un malade n'a pas seulement besoin d'une assistance technique mais aussi d'une présence humaine.

Jésus n'avait guère de moyens techniques. Tout ce qu'il a pu faire à ce chapitre, ce fut de mettre de la salive dans les yeux d'un aveugle. Cette guérison est certainement moins liée à la qualité de sa salive qu'à son approche libératrice. Il faut savoir une chose: la personne atteinte d'une maladie physique, psychologique ou morale, elle est prisonnière. Elle est enfermée, enchaînée, emmurée. Guérir c'est faire émerger à une nouvelle liberté.

Liberté et amour

Jésus libère parce qu'il est libre. Et il est libre parce qu'il aime. Il n'y a pas de liberté sans amour. On connaît le slogan jadis utilisé en matière d'éducation sexuelle : L'amour, ça se protège. Moi je dis plutôt : L'amour, ça protège. Quand on aime, on est protégé de bien des erreurs, de bien des déviations. Dès son baptême au Jourdain, Jésus a su qu'il était protégé par l'amour de Dieu. « Tu es mon fils bien-aimé ». Dès lors, Jésus a pu voir les pauvres non plus seulement à travers des grilles et des standards, mais avec un oeil de compassion. L'amour manifesté par Jésus redonnait espoir et dignité. Voilà l'essentiel de sa Bonne Nouvelle.

Les chrétiens et les pauvres

En terminant, j'aimerais poser une question : qu'est-ce que je fais avec les pauvres, les malades, les estropiés de la vie? Au nom de ma foi chrétienne, devrais-je vendre tous les biens et les distribuer aux pauvres? Devrais-je faire partie de tous les comités de bienfaisance? Comment puis-je sortir d'ici et entrer dans un restaurant de la Grande Allée, en étant conscient que des millions d'enfants n'auront rien à manger ce midi?

À l'âge de 20 ans, j'étais plutôt tout mêlé sur cette question. Quand je suis rentré en communauté, on ne badinait pas avec le voeu de pauvreté. J'avais l'impression que tout ce que j'aimais, je devrais m'en passer. J'aimais le ski... Non, un bon religieux ne fera pas de ski. J'aimais faire de la pêche dans mon petit ruisseau de la Rivière Bois-Clair... Non, je devrai m'en passer. J'aimais voyager... Tu prendras un Atlas et tu regarderas les photos! Il ne me restait plus qu'à pelleter la patinoire!

Je consultai un prêtre qui me répondit de façon admirable. « Tu aimes le ski? Ne t'en prive pas! Tu aimes la pêche? C'est un sport qui est sain! Tu aimes voyager : voyage! Cependant, si au moment où tu veux faire du ski, quelqu'un frappe à ta porte parce qu'il a besoin de toi, tu laisseras ton ski, et tu lui rendras service. » La réponse était simple et plein de bon sens.

Remarquez que je ne suis pas plus chanceux avec mes journées de ski, mais, du moins, j'ai la conscience moins troublée...

L'évangile est une Bonne Nouvelle de libération annoncée aux pauvres et aux malades. Le souci des pauvres passe plus par l'ouverture de son coeur que de son porte-monnaie. Jésus n'avait guère de moyens mais une grande qualité de présence. Prenons modèle sur lui.

« Le Seigneur guérit les coeurs brisés et soigne leurs blessures » (Ps 147,3)

Amen


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