HOMÉLIE DU 12 FÉVRIER 2006
6e dimanche du temps ordinaire

CHAPELLE DE L'HÔTEL-DIEU-DU-SACRÉ-COEUR
Québec (Québec)

Président de l'assemblée :
Jacques Vézina, prêtre

Lévites (13, 1-2, 45-46)
Corinthiens (10, 31-11, 1)
Saint Marc (1, 40-45)

Dans le mot d'introduction, je vous ai parlé des intentions de prières que nous avons reçues. Alors si vous le permettez, dans le temps de réflexion que je vais vous proposer je vais utiliser, je vais partir des intentions de prières, je vais les ajouter aux lectures que nous venons d'entendre. Hier après-midi, lorsque je me préparais pour notre liturgie, j'ai pris le temps de lire certaines intentions de prières. Je vous disais qu'on en avait peut-être tout près de 2 000, on ne les a pas comptées; j'en ai certainement lue de 60 à 70 %, j'y ai mis à peu près 2 heures. Je trouve important de vous dire et de dire aux gens qui nous ont envoyé ces intentions de prières comment j'ai été profondément touché.

Sur certains papiers, il y avait uniquement un mot, des fois c'était un prénom, parfois c'était un nom. Des fois, il y avait une phrase, quelques mots, et on voyait que l'écriture était tremblotante. D'autres fois, c'était d'autres personnes qui avaient écrit les intentions de prières; il y avait aussi des fois où les gens étaient identifiés. Mais il y a deux thèmes qui sont revenus... Je ne peux pas dire que ces thèmes-là étaient nécessairement ceux qui revenaient le plus souvent, mais c'est certainement les thèmes qui sont venus me chercher. Et je trouvais qu'ils allaient bien avec les textes de la parole de Dieu, même si j'ai dû, après cette lecture, ajuster un peu ce que je voulais vous communiquer.

Le premier thème c'est celui de l'isolement. J'ai été impressionné ou touché par le nombre de fois où des personnes exprimaient à Dieu le fait qu'elles se sentaient seules, qu'elles avaient l'impression d'être isolées. Ces personnes étaient toutes proches de ce qu'on vivait, de ce qu'on entendait, dans notre première lecture. À de la maladie, surtout parce qu'on a peur de la maladie (c'est l'inconnu), les gens autour des personnes malades ne savent pas comment se situer et ils ont plutôt le réflexe de les laisser seules.

Le deuxième thème qui m'a frappé, c'est celui exprimé par les personnes qui avaient écrit « Seigneur, je ne peux plus rien faire, je me sens inutile ». Mon premier réflexe --et c'était ça dans le fond que je voulais entre autres partager avec les gens à la maison, les personnes qui sont malades-- mon premier réflexe ça été de dire «ben non, tu peux encore faire des choses, tu peux faire un sourire, tu peux dire un bonjour, tu peux faire encore des choses». Alors que j'exprimais ce sentiment-là à un de mes collègues en fin d'après-midi, il s'est permis --probablement parce qu'il m'aime assez pour ça-- de me dire « Jacques, ça se peut qu'il n'y ait plus une possibilité de faire des choses ». Ça m'a drôlement interpellé, à un point tel que je me suis arrêté et j'ai essayé de méditer et d'approfondir ce questionnement. J'ai eu l'impression à ce moment-là que j'étais un peu tombé dans le piège de notre société, où c'est si important de faire des choses que souvent on se définit par ce que l'on fait, par ce qu'on est en train de réaliser. Je faisais un effort, dans le fond, dans ma réflexion de dire « faudrait peut-être qu'eux aussi, ils puissent faire quelque chose ». Je m'éloignais de l'essentiel du message qu'on va avoir aujourd'hui dans les textes de la parole de Dieu.

J'ai relu nos textes, nos trois textes de la parole de Dieu, le premier texte il va assez bien, je pense qu'on peut assez bien le comprendre : face à l'inconnu, face à la peur, l'impuissance, on peut avoir ce sentiment de rejet, ça peut être volontaire ou involontaire (on n'est pas là pour porter un jugement), mais on reconnaît que c'est vrai qu'à un moment donné face à l'inconnu, on a plutôt tendance à dire « pas dans ma cour ». La deuxième lecture, Paul va un petit peu plus loin, il parle aussi de « faire » au niveau de boire, manger ou n'importe quoi d'autre, par contre y a comme un cheminement qui se passe, Paul est en train de nous dire que quand vous faites ces choses-là, si vous les faites au nom de Dieu, y a un lien qui est tel, on est plus au niveau du « faire », on est au niveau de « l'être ». Je suis en relation avec Dieu, je suis un être de relation avec Dieu. Vous voyez, nous sommes en train de vivre notre glissement, le faire vers l'être; tranquillement, je me réconcilie davantage avec la personne qui m'exprime sa souffrance de ne plus pouvoir rien faire. Tranquillement, je pense que je peux avoir une bonne nouvelle pour ces personnes; et lorsqu'on lit l'Évangile, il y a une espèce d'éclatement au niveau de l'Évangile et cet éclatement, il faut le regarder avec le lépreux et avec Jésus-Christ.

Avec le lépreux parce que le lépreux a deux attitudes en partant qui sont importantes et qui sont au niveau de l'être. Le lépreux, il a une attitude de confiance et une attitude d'humilité. Il est capable de s'adresser à Jésus-Christ et de crier vers lui son désarroi, c'est une attitude de confiance, d'abandon, d'humilité; il reconnaît qu'il a besoin de son Dieu, de son créateur. Il ne fait pas tous ces liens-là, il les fait à partir de ce qu'il est. Jésus-Christ, faut regarder aussi son être et, là, il y a un piège... Je ne sais pas, quand Louis-André a fait la lecture tantôt, comment que ç'a résonné chez vous, mais c'était drôlement intéressant, on voyait Jésus-Christ qui guérissait, il a fait quelque chose. Là aussi, il y a un danger d'être émerveillé parce qu'il a fait quelque chose. Je m'arrête là et je me dis que mon Dieu, c'est un Dieu qui fait des miracles. Mais qu'est-ce qui se serait passé si Jésus n'avait pas guéri, est-ce que j'aurais dit que c'est pas le fils de Dieu pour autant? Il y a un piège.

Ce qui est important, c'est de voir comment Jésus entre en relation avec la personne qui est malade. Jésus dans un premier temps, il accueille, il a une attitude d'accueil, il a une attitude d'écoute. Jésus-Christ se fait proche de la personne, il libère. On pourrait arrêter là parce qu'on vient de rencontrer ce Dieu qui libère, ce Dieu qui vient se faire proche de moi à travers ma maladie, à travers ma souffrance. Dieu qui se fait proche, qui vit une proximité.

Sentiment d'inutilité... Est-ce que ça se peut que sur mon lit d'hôpital, lorsque les gens de ma famille ou mes proches ou mes amis sont autour du lit et qu'ils se laissent tranquillement envahir par ce sentiment d'impuissance, est-ce que ça se peut que moi comme malade, je sois en train de montrer à ceux qui sont en santé, que je sois en train de leur montrer à faire silence? Est-ce que ça se peut que je sois en train de leur montrer à poser des petits gestes de tendresse, mettre la main sur le bras, la main sur l'épaule? Est-ce que ça se peut que dans ma façon d'être comme malade, je permette aux gens qui m'accompagnent, qui sont autour de moi, de découvrir tout comment ils sont bons à l'intérieur d'eux-mêmes?

Je trouve important dans le cadre de cette journée de dire aux gens qui sont dans le réseau de la santé, que ce soit comme préposés aux malades, comme infirmières, comme médecins, comme gestionnaires, comme hommes ou femmes travaillant à l'entretien, comme bénévoles, c'est important d'entendre comment le Seigneur vous propose d'être collaborateurs/collaboratrices dans ce que vous faites. On appelle ça avoir la vocation. Les gens que je vais appeler senior, ceux qui sont médecins, infirmières ou qui travaillent dans le réseau depuis un certain temps, n'avez-vous pas une responsabilité de transmettre cette notion de vocation aux gens qui sont plus jeunes, qui ne savent pas trop comment ça résonne? Je pense qu'on a une responsabilité à ce niveau. Comme baptisés, on doit trouver aussi nos gestes prophétiques pour que dans notre société, on soit capable d'aider les gens à faire des choix, à montrer que ce qui est premier pour nous c'est la personne malade, la personne qui souffre.

Que notre eucharistie aujourd'hui nous permette de faire grandir encore davantage cette tendresse que l'on peut témoigner aux personnes malades, que notre célébration nous aide à découvrir des moyens de qualité adéquats pour se faire proche et respecter ces hommes et ces femmes de tous âges qui nous sont confiés.


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