Opération SharQc : 31 accusés libérés en raison de délais déraisonnables

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Prenez note que cet article publié en 2011 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Trente et un des 155 membres présumés des Hells Angels arrêtés dans le cadre de l'opération SharQc, en avril 2009, ont reçu un laissez-passer pour la liberté.
Le juge James Brunton, de la Cour supérieure, a décrété, mardi, un arrêt des procédures sur tous les chefs d'accusation de trafic de stupéfiants et de gangstérisme, et ordonné la libération des accusés visés par ces accusations, estimant que le système judiciaire n'a pas la capacité de prendre en charge tous les dossiers découlant des 155 arrestations.
La force de la preuve n'est pas mise en cause. Évoquant le manque de juges et de salles, le magistrat a plutôt jugé que les délais déraisonnables priveraient d'un procès juste et équitable les accusés qui seraient jugés les derniers.
La décision du magistrat fait suite au dépôt d'une requête de la défense, qui réclamait l'arrêt des procédures judiciaires intentées contre l'ensemble des accusés. Les avocats de la défense faisaient valoir que dans le meilleur des scénarios, les derniers accusés ne pourraient subir leur procès avant 10 ans.
La preuve de la poursuite reposait sur plus de 4 millions de fichiers informatiques. Une fois imprimée, elle aurait formé une montagne de papier de 145 kilomètres de haut.
La requête de la défense étant soumise à une ordonnance de non-publication, il est impossible de révéler le contenu et la nature des débats dont elle a été l'objet. Des médias contestent cette mesure et demandent à la cour de lever cette ordonnance de non-publication.
Écorché, Québec interjette appel
Le juge Brunton a écorché au passage le ministère de la Justice ainsi que le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP), estimant qu'ils avaient mal évalué la capacité du système judiciaiire à traiter des dossiers aussi lourds et complexes.
Il faut selon lui s'attendre à d'autres décisions semblables à la sienne dans les cas de mégaprocès.
Dans les heures ayant suivi la décision, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) du Québec a déclaré qu'il entendait porter la décision en appel.
Dans un communiqué, le DPCP explique sa décision, notamment, par les « obligations que le juge impute au poursuivant quant à l'impact et à la gestion d'un acte d'accusation direct sur l'administration de la justice ».
La porte-parole du Parti québécois en matière de justice, Véronique Hivon, a pour sa part été cinglante à l'endroit du gouvernement.
Il y a eu faillite totale, improvisation totale et manque de gestion total dans le dépôt des accusations
dans le mégaprocès SharQc.
« C'est clairement l'échec total du système de justice criminel qui se déploie aujourd'hui sous nos yeux et cet échec, c'est très clair, le juge l'attribue directement à la poursuite, au DPCP et au ministère de la Justice », a-t-elle affirmé lors d'un point de presse donné en après-midi à l'Assemblée nationale.
Au cabinet du ministre de la Justice, Jean-Marc Fournier, on a dit vouloir « analyser le jugement avant de réagir » et « s'enquérir de la situation auprès du directeur des poursuites criminelles et pénales, Me Louis Dionne », avant de commenter le dossier.
L'attaché de presse de M. Fournier a refusé de préciser si la décision avait surpris le ministre.
Le juge maintient le procès de 124 accusés
Les causes des 124 accusés qui seront jugés ont été divisées en cinq procès. Les deux premiers s'ouvriront le 10 juin. Les accusés font face à des accusations diverses de gangstérisme, meurtre, complot pour meurtre, trafic de stupéfiants, et complot en vue de faire le trafic de stupéfiants.
En raison du nombre élevé d'accusés impliqués dans le procès qui ayant découlé de l'opération, les audiences ont lieu au Centre de service judiciaire Gouin, situé près du Centre de détention de Montréal.
L'opération SharQc
Le 15 avril 2009, une vaste opération baptisée SharQc avait été menée au Québec conjointement par la Sûreté du Québec, la Gendarmerie royale du Canada et des escouades policières régionales mixtes contre les groupes de motards criminels.
En tout, 156 mandats d'arrestation avaient été lancés contre des membres et des sympathisants présumés de groupes de motards criminels. L'opération avait permis d'en arrêter 155.
Plus de trois années d'enquête ont été nécessaires pour mener cette opération policière d'envergure. Celle-ci avait permis de porter un dur coup aux réseaux de motards criminels, principalement celui des Hells Angels, actifs au Québec depuis de nombreuses années.
Avec les informations de La Presse canadienne