Sécurité compromise sur les chantiers

Chantier en cours au Québec
Prenez note que cet article publié en 2010 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
L'émission Enquête a obtenu copie de deux lettres signées par des ingénieurs du ministère des Transports qui disent ne plus pouvoir garantir la sécurité de nos ponts et viaducs en raison de la multiplication des grands chantiers.
L'effondrement à Laval des viaducs du Souvenir, en 2000, et de la Concorde, en 2006, a créé une onde de choc au Québec.
Le ministère des Transports a réagi en multipliant par sept les budgets alloués à la construction et à l'entretien des infrastructures routières de la province au cours des 10 dernières années.
Les sommes accordées aux firmes privées de génie-conseil ont explosé dans les mêmes proportions.
En même temps, ces travaux créaient une pénurie d'ingénieurs civils, tant au privé qu'au public. Au ministère des Transports, le nombre d'ingénieurs qui supervisent les travaux n'a crû que de 20 %, malgré des besoins croissants.
C'est dans ce contexte qu'il y a un peu plus d'un an et demi, une vingtaine d'ingénieurs de la direction des structures du ministère, qui s'occupent des ponts et des viaducs, ont signé une lettre expédiée au premier ministre. Il n'y vont pas par quatre chemins pour sonner l'alarme.

Travailleurs de la construction à l'oeuvre
Ces ingénieurs disent ne plus pouvoir « garantir un niveau de sécurité acceptable à la population et que cela menace la sécurité du public ». Ils ajoutent, dans une deuxième lettre, « qu'il y a urgence d'agir ».
Un sous-ministre des Transports a indiqué dans sa réponse que les autorités étaient au courant de la situation et que la priorité était donnée à l'augmentation des ressources. Le ministère a, entre autres, levé l'obligation imposée dans la fonction publique de remplacer seulement un employé sur deux lors des départs à la retraite.
Un ingénieur principal qui a requis l'anonymat, par crainte de représailles du ministère, n'est pas plus rassuré. Selon lui, on tournerait les coins ronds sur certains chantiers.
J'ai des confrères qui en ont vécu. Ils reçoivent des documents comme quoi tout est beau; ils décident d'aller faire un audit, puis ils se rendent compte que, finalement, les boulons qui étaient supposés être boulonnés sur la structure avant qu'on procède à l'étape du coulage de la dalle, ben, ils n'étaient pas boulonnés, les boulons. On a vu ça dans plusieurs directions territoriales. C'est inquiétant.
Les incidents relatés semblent sérieux, au point où une note, écrite en octobre 2008, a été adressée par le ministère des Transports aux plus grandes firmes de génie-conseil. Il y est écrit « que la mise en place des boulons des joints de chantier des poutres principales présentait souvent des lacunes au niveau du serrage ».
Le ministère n'a pas encore réagi publiquement à ces lettres.
Des sources ont indiqué à l'équipe d'Enquête que les préoccupations soulevées par les signataires demeurent pertinentes, un an et demi plus tard. Et que le plan d'augmentation d'effectifs du ministère d'ici 2012, avec l'ajout de 300 personnes sur 7000 employés, ouvriers, techniciens et ingénieurs, demeure nettement insuffisant, compte tenu des besoins croissants.
D'après un reportage d'Alain Gravel
À l'émission Enquête
Dans le premier volet de l'émission Enquête qui sera présentée jeudi, le journaliste Alain Gravel a rencontré le policier ayant supervisé l'enquête sur l'effondrement du viaduc du Souvenir, à Laval, en 2000. Celui-ci prétend qu'il y a eu négligence criminelle, même si personne n'a été accusé dans cette histoire.
L'émission Enquête est diffusée jeudi à 20 h, en rediffusion samedi 16 h, à la télévision de Radio-Canada. Autre rediffusion à RDI dimanche, à 18 h.