Accord in extremis

Cette photo rendue publique par les services de presse allemands montre les chefs d'État qui s'entendent sur un accord, vendredi le 18 décembre 2009.
Photo : AFP / Bundesregierung/Steffen Kugler
Prenez note que cet article publié en 2009 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
La conférence de l'ONU sur le climat s'est terminée sans que le projet d'accord obtenu à l'arraché vendredi soir soit officiellement adopté par les 193 pays. Le texte, non contraignant, vise notamment à limiter le réchauffement planétaire à 2 °C.
La conférence de Copenhague s'est finalement terminée, sans que l'accord obtenu à l'arraché vendredi soir soit officiellement adopté par les 193 pays. Les débats houleux se sont étirés toute la nuit entre les ministres de l'Environnement. De nombreux pays reprochaient à l'accord d'avoir été négocié à huis clos par un petit groupe de délégués.
Les participants ont finalement contourné cet obstacle en mentionnant l'accord dans leur déclaration de clôture, sans toutefois l'entériner.
La conférence des Nations unies sur le climat a donc pris acte, samedi, d'un texte de compromis non contraignant juridiquement, et après 31 heures de négociations, la conférence de Copenhague aura officiellement pris fin samedi après-midi.
« Nous avons [scellé] un accord à Copenhague », a déclaré le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon, bien « conscient » du chemin qui reste encore à faire avant d'en arriver à un traité juridiquement contraignant.
Entente in extremis
Plus tôt, le président des États-Unis, Barack Obama, avait qualifié cette entente conclue in extremis pour combattre la menace du réchauffement planétaire de « percée significative sans précédent », mais « insuffisante ».
L'entente, non contraignante, se résume en une déclaration politique visant notamment à limiter la hausse des températures à 2 °C par rapport à l'ère pré-industrielle, soit le milieu du 19e siècle. Chaque pays s'engage en outre à formuler par écrit, d'ici janvier 2010, des objectifs de baisse d'émission de gaz à effet de serre (GES) pour l'horizon 2015-2020.
Les pays industrialisés ont accepté de consacrer, à compter de 2020, une aide annuelle de 100 milliards de dollars américains aux pays en développement. Un groupe de travail sera créé au début de 2010 pour trouver des financements innovants, qui pourraient comprendre la taxation des transactions financières ou du mazout maritime.
D'ici là, un fonds de 10 milliards de dollars par an sera créé pour 2010, 2011 et 2012. Les États-Unis se sont de leur côté engagés à verser 3,6 milliards de dollars aux pays en développement d'ici 2012 afin de les aider à faire face aux effets du changement climatique.
Pas de réduction de 50 % des GES
L'ambitieuse cible d'une réduction de 50 % des émissions de GES d'ici 2050 a été évacuée du projet de déclaration, tout comme la création de l'Organisation mondiale de l'environnement, une instance internationale qui aurait été chargée de vérifier la mise en oeuvre des engagements des États. L'Union européenne (UE) a pourtant milité jusqu'au bout pour l'acceptation de ces objectifs.
Le projet d'entente a été obtenu après une rencontre multilatérale entre les présidents américain, brésilien et sud-africain ainsi que les premiers ministres chinois et indien. L'UE, qui militait pour une entente contraignante de plus grande envergure, a donné son appui, mais du bout des lèvres.
Le président Obama et son homologue français, Nicolas Sarkozy, ont annoncé la conclusion d'un accord sur le projet vendredi en début de soirée, avant même que le texte soit soumis à la plénière.
Plusieurs délégués de pays du Sud ont vivement protesté contre le projet d'accord, qu'ils jugent « irrespectueux » du processus onusien. Les protestations sont venues notamment des délégués de l'archipel de Tuvalu, dans le Pacifique, de la Bolivie, du Venezuela et de Cuba.
Les petits États insulaires, gravement menacés par le réchauffement climatique, plus particulièrement par la montée du niveau des eaux, continuaient à s'opposer à la limite des 2° C, privilégiant une limite de 1,5° C par rapport à l'ère pré-industrielle.
Jugé insatisfaisant par ses propres auteurs, l'accord devrait toutefois servir de tremplin aux négociations futures. L'Union européenne et les États-Unis souhaitent tous deux que la déclaration de Copenhague soit transformée en traité, un instrument juridique contraignant, au cours de 2010.
Le président Sarkozy a par ailleurs indiqué que la chancelière allemande, Angela Merkel, organiserait dans six mois, à Bonn, une conférence visant à préparer la prochaine conférence internationale sur le climat, qui se tiendra dans un an, à Mexico. Le chef d'État français a en outre ajouté qu'une révision des décisions de Copenhague était prévue en 2015.
Joie, résignation et déception
Les Chinois ont été parmi les plus enthousiastes quant aux résultats obtenus à ce sommet. Un porte-parole de la délégation chinoise a affirmé que la rencontre avait eu une « issue heureuse ».
Si les autres pays ont souligné qu'il valait mieux un accord minimal que pas d'accord du tout, ils n'affichaient cependant pas autant d'optimisme.

Le président Obama, lors d'un point de presse donné à l'issue du projet d'entente obtenu.
Photo : AFP / Jewel Samad
Pour la première fois, toutes les économies majeures se sont engagées à agir contre les changements climatiques, a fait valoir le président Obama, mais il ne s'agit que d'une étape. « Il nous faut aller beaucoup plus loin », a-t-il ajouté. « Le monde doit travailler à la mise en oeuvre d'un accord juridiquement contraignant qu'il n'a pas été possible de trouver à Copenhague », a poursuivi le président américain, précisant que cela « sera très dur et prendra du temps ».
Son homologue français, Nicolas Sarkozy a de son côté parlé d'un accord « positif », mais « pas parfait ». « Pour emmener tout le monde, il faut accepter des compromis », a-t-il ajouté. « On n'est pas passé loin d'une absence d'accord », selon lui. Malgré le pragmatisme qu'il a affichait, il a tout de même reconnu sa « déception » quant à l'abandon de l'objectif visant à réduire de 50 % les émissions de GES d'ici 40 ans.
La chancelière allemande a dit donner son aval à l'accord, tout en précisant que « cette décision était difficile ». « Nous avons franchi une étape, mais nous espérions en franchir plusieurs autres », a-t-elle ajouté. Elle a spécifié que, d'ici la conclusion d'un traité contraignant, l'UE s'en tiendrait, d'ici 2020, à un objectif de réduction de 20 % des émissions de CO2.
L'issue de la rencontre a semblé satisfaire le premier ministre canadien, Stephen Harper. Le fait que l'entente implique à la fois les pays industrialisés et les pays en développement, contrairement au protocole de Kyoto, correspond aux revendications qu'il formule depuis plusieurs années. Il a en outre martelé lors d'un point de presse que les cibles de réduction des GES du Canada seraient harmonisées avec celles des États-Unis.
Consternation chez les écologistes
Pour les écologistes réunis dans la capitale danoise, la consternation était totale. Déplorant l'absence de cibles, un porte-parole de Greenpeace Royaume-Uni est allé jusqu'à qualifier la ville de Copenhague de « scène de crime » que fuyaient les dirigeants politiques, dont certains sont déjà en route vers l'aéroport.
Un dirigeant des Amis de la terre a pour sa part parlé d'un « échec abject » qui incombe aux pays industrialisés. « En tardant à agir, les pays riches condamnent des millions de personnes des pays les plus pauvres à avoir faim, à souffrir et à mourir au fur et à mesure que s'accélèrent les changements climatiques », a-t-il dit.
Ils ont dit
Le président américain Barack Obama: « Pour la première fois dans l'histoire, toutes les grandes économies en sont venues ensemble à assumer leur responsabilité d'agir pour faire face à la menace des changements climatiques. »
Le président français, Nicolas Sarkozy: « L'accord n'est pas parfait », mais c'est « le meilleur accord possible. »
La chancelière allemande Angela Merkel: « La seule solution alternative à l'accord aurait été un échec. »
Le président du petit État de Tuvalu, Ian Fry, dont le pays situé dans le Pacifique est menacé par la montée des eaux: « C'est comme si on nous offrait trente pièces d'argent pour trahir notre peuple et notre avenir. »
Le délégué du Soudan, Lumumba Stanislas Dia-ping: « Les événements d'aujourd'hui sont réellement les pires de l'histoire dans les négociations sur les changements climatiques. »
La représentante du Venezuela, Claudia Salerno Caldera: « Vous allez entériner ce coup d'État contre les Nations unies. »
Le président de l'ONG Les Amis de la Terre-International, Nnimmo Bassey:« En retardant l'action, les pays riches ont condamné des millions de personnes parmi les plus pauvres du monde à la faim, à la souffrance et à perdre leur vie avec l'accélération des changements climatiques. »
Avec les informations de Agence France-Presse, Associated Press et Reuters