Le premier tour

Bulletin de vote aux élections haïtiennes
Photo : AFP / ONU/MINUSTAH
Prenez note que cet article publié en 2011 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Dix mois et demi après le tremblement de terre meurtrier de janvier, les Haïtiens sont appelés aux urnes, alors que la situation humanitaire dans le pays demeure alarmante.
Le 28 novembre, les 4,7 millions d'électeurs haïtiens doivent ainsi choisir leur président, ainsi que 11 sénateurs (le tiers de la Chambre haute) et 99 députés. Une soixantaine de formations politiques participent aux législatives, et 18 candidats briguent la présidence, un des candidats s'étant désisté à une semaine du premier tour. La Constitution haïtienne de 1987 interdit au président sortant, René Préval, de briguer un nouveau mandat.
Nombreux sont ceux qui se questionnent sur l'opportunité du scrutin, alors que la population tarde à voir les effets des efforts de reconstruction et doit de surcroît affronter une épidémie de choléra. Le processus électoral a d'ailleurs été jalonné de difficultés, sur le plan logistique notamment, et a été marqué par des menaces d'intimidation et des actes de violence. Certaines organisations issues de la société civile haïtienne ainsi que des partis d'opposition ont même attaqué la crédibilité du processus.
Mais la communauté internationale, elle, a mis de la pression pour que les échéances électorales annoncées soient respectées.
La communauté internationale fournit 30 millions de dollars pour assurer le bon déroulement du scrutin. Les deux tiers de cette somme proviennent des États-Unis, du Canada,
de l'Union européenne et du Brésil.
Les sondages laissent présager qu'aucun des candidats à la présidentielle haïtienne n'obtiendra dès le premier tour plus de 50 % des voix, forçant ainsi la tenue d'un second tour. Il ne reste qu'à déterminer l'identité des deux candidats qui franchiront le fil d'arrivée.
Le scrutin est cependant entaché d'irrégularités et marqué par des scènes de violence.
Ainsi, plusieurs citoyens affirment ne pas avoir pu voter à cause de listes incomplètes, d'intimidation aux bureaux de vote et de tirs sporadiques. D'autres ont découvert qu'ils n'étaient pas inscrits ou que quelqu'un d'autre déjà avait voté à leur place. En outre, dans plusieurs bureaux de vote, des centaines de fausses cartes électorales ont circulé.
À l'issue du scrutin, 12 des 18 candidats, dont deux favoris, Mirlande Manigat et Michel Martelly, réclament l'annulation du scrutin, alléguant des fraudes massives.
Parlant d'une journée électorale « bouclée et réussie », le Conseil électoral provisoire (CEP) valide toutefois le premier tour. Il n'annule les résultats que dans seulement 3,5 % des bureaux de vote.
Au lendemain du vote, les deux principaux candidats à contester le déroulement du scrutin se rallient au processus, expliquant que les fraudes rapportées semblent moins graves que ce que laissaient présager les indications de la veille.
Malgré des « irrégularités », la mission d'observation conjointe de l'Organisation des États américains (OEA) et des pays du Marché commun de la Caraïbe (Caricom) juge de son côté les élections valides.
D'autres observateurs internationaux sont plus critiques, notamment ceux du Center for Economic and Policy Research (CEPR), qui qualifient ces élections de « farce évidente ». Ils appellent la communauté internationale à rejeter les résultats.
Une crise électorale
L'annonce des résultats préliminaires tombe le 7 décembre. En soirée, avant la divulgation des résultats, les habitants se hâtent de rentrer chez eux, par crainte de violences. Des policiers sont déployés devant le Centre de presse.
Devant une salle remplie de journalistes haïtiens et étrangers, le CEP tient son point de presse avec plus de deux heures et demie de retard, commençant par la divulgation des candidats au Sénat et à la Chambre basse.
Puis viennent les résultats les plus controversés, ceux de l'élection présidentielle. Selon les chiffres officiels, l'ancienne première dame, candidate du Rassemblement des démocrates nationaux progressistes (RDNP), a remporté 31,37 % des voix, contre 22,48 %, pour le candidat d'Inité, Jude Célestin.
Seules 6845 voix séparent ce dernier de son plus proche rival, le chanteur Michel Martelly, qui le talonne avec 21,84 % des voix.
Le notaire Jean-Henry Céant (avec 8,18 % des voix), l'ex-premier ministre Jacques-Edouard Alexis (3,07 %) et l'homme d'affaires Charles-Henri Baker (2,38 %) se classent derrière le trio de tête.
Un taux de participation anémique
Le taux de participation atteint seulement 22,87 %. Le chef de l'ONU en Haïti, Edmond Mulet, avait déclaré qu'il serait satisfait si la participation s'élevait à 40 %.

Des supporters de Michel Martelly manifestent leur frustration après l'annonce des résultats.
Photo : AFP / Thony Belizaire
Peu après la lecture des résultats, des manifestations éclatent dans plusieurs villes du pays pour dénoncer des fraudes au profit de Jude Célestin, prélude à une crise politique qui durera plusieurs semaines.
Des tirs sont même entendus à Pétionville, la banlieue chic de Port-au-Prince. Dans les rues de la capitale haïtienne, l'atmosphère est tendue. Dans certains quartiers, des barricades de pneus sont par ailleurs érigées sur certaines rues.
La Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH), qui compte plus de 12 000 militaires et policiers sur place, appelle les candidats et leurs partisans à garder le calme, à respecter la loi et à éviter les violences.
Les manifestations post-électorales poussent le CEP à annoncer qu'il va « enclencher une procédure d'urgence et exceptionnelle de vérification » des résultats des trois candidats ayant terminé en tête.
Critiquant le manque de clarté des procédures, Mirlande Manigat et Michel Martelly s'opposent au recomptage. Les 10 autres candidats qui réclamaient l'annulation de ces élections réitèrent leur appel en ce sens.
En janvier, après plusieurs semaines de tensions, un rapport de l'OEA recommande d'exclure Jude Célestin du deuxième tour de l'élection. Le parti Inité finit par annoncer le retrait de son candidat à la présidence.
Le 3 février, cédant à la pression, le Conseil provisoire électoral annonce officiellement les résultats définitifs qui ouvrent la porte au duel Manigat-Martelly. Jude Célestin déplore alors une « victoire volée ».
Calendrier électoral initial
28 novembre 2010 : premier tour des élections présidentielles et législatives
7 décembre : résultats préliminaires
8-10 décembre : période de contestation des résultats
11-15 décembre : traitement des contestations
20 décembre : résultats finaux du premier tour
16 janvier 2011 : deuxième tour des élections présidentielles et législatives
26 janvier : résultats préliminaires
5 février : résultats finaux