La Russie
de Boris Eltsine
L'année 1992 commence en Russie par la libéralisation des prix. Les consommateurs, confrontés à une économie de marché, font face à une inflation explosive : 200 % pour le seul mois de janvier! Elle atteindra 2600 % en 1992, et 1000 % l'année suivante. Le rouble, lui, dégringole. De 220 RBL pour 1 $ US au début de janvier, il passe à 420 RBL à la fin de l'année. Par ailleurs, l'incertitude politique retarde les investissements étrangers. La grogne populaire commence à s'installer. Les Russes reçoivent leur salaire, mais il ne suit pas le rythme de l'inflation. Pire, les pensions s'adaptent plus lentement et font des retraités les principales victimes de l'inflation.
Boris Eltsine est optimiste, mais pas son vice-président,
Alexandre Routskoï, ni le président du Parlement, Rouslan
Khasboulatov.
Boris Eltsine souhaite que la CEI se dote d'une défense
conventionnelle « unifiée ». Il essuiera un refus
sur cette question de la part de l'Ukraine, de la Moldavie et de
l'Azerbaïdjan en février. Mais ce refus ne l'arrête
pas. Le président signe deux décrets, l'un créant
un ministère de la Défense de la fédération
de Russie, et l'autre créant les forces armées russes,
une armée « multinationale ». La Russie est au
bord de l'éclatement, mais, le 31 mai, 18 des 20 républiques
autonomes de Russie signent le traité de la fédération
de Russie.
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On commence à parler ouvertement de la surconsommation d'alcool
du chef de l'État russe. Alors que son arrivée dans
l'Ouzbékistan, le 14 mai, est retransmise à la télévision,
tous peuvent constater que le président est ivre.
Le 17 juin 1992, le président des États-Unis, George Bush, et Boris
Eltsine s'entendent à Washington pour réduire leur arsenal nucléaire
des deux tiers. Ce sommet américano-russe sera suivi, en janvier
1993, de la visite du président des États-Unis à Moscou. Ce dernier
signe avec Boris Eltsine le traité Start II sur la réduction des
armes stratégiques. C'est la fin de la guerre froide.
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Les présidents
George Bush et Boris Eltsine signent le traité Start
II |
En décembre 1992, le premier ministre Egor
Gaïdardevient la première victime de Boris Eltsine,
qui le remplace par Viktor Tchernomyrdine. De plus, le président
annonce pour le mois d'avril 1993 la tenue d'un référendum
destiné à résoudre la crise qui l'oppose au
Parlement. Cette crise se prolongera jusqu'au 25 avril, date de
la consultation populaire. En mars 1993, les députés
refusent de prolonger les pouvoirs d'exception accordés au
président. Ils refusent aussi d'organiser le référendum
réclamé par le président pour asseoir son autorité.
Le 20 mars, Boris Eltsine prive le Congrès des députés
de ses pouvoirs en instaurant un système de gouvernement
par décrets valable jusqu'au référendum. Le
Parlement voudrait bien destituer Eltsine. Le 26 mars, le président
échappe à la destitution, sa popularité ayant
fait reculer les députés.
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Les démêlés
de Boris Eltsine avec le Parlement russe commencent dès
1993 |
C'est finalement 58 % des participants à la
consultation populaire qui accorderont leur confiance à Boris
Eltsine le 25 avril 1993. Fort de ce résultat, il engage
la lutte finale avec le Congrès des députés.
Le 29 avril, le président dévoile un projet de Constitution
qui renforce ses pouvoirs, projet qui sera ratifié le 12
juillet, au terme d'une conférence constitutionnelle. Boris
Eltsine doit faire face à une nouvelle crise politique, un
mois et demi plus tard, quand la Banque centrale de Russie retire
les roubles mis en circulation avant 1993. En septembre, Boris Eltsine
dissout le Parlement et convoque des élections législatives
anticipées pour se débarrasser d'un congrès
des députés trop communiste à son goût.
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Pour se débarrasser
de l'opposition communiste, Boris Eltsine dissout le Parlement
russe |
Le Parlement ne tarde pas à répliquer
en destituant Boris Eltsine et en le remplaçant par Alexandre
Routskoï. Les députés conservateurs mécontents
des réformes économiques s'enferment dans l'édifice
du Parlement, le 24 septembre, avec leurs chefs, le président
du Parlement, Rouslan Khasboulatov et Routskoï.
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Alexandre Routskoï
signe le document qui le proclame président de la Russie,
en remplacement de Boris Eltsine |
Des supporters des conjurés se rassemblent
autour de l'édifice parlementaire pour le défendre
contre les troupes d'élite envoyées par Eltsine. Le
patriarche Alexis II sert de négociateur aux deux parties.
Son action échoue et le président décrète
l'état d'urgence le 3 octobre. Le lendemain, Boris Eltsine
ordonne à deux commandos spéciaux de donner l'assaut
au parlement. Les conjurés se rendent et Routskoï et
Khasboulatov sont emprisonnés.
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Les conjurés du
coup manqué de 1993 se rendent le 4 octobre 1993 |
Le bilan officiel de cette journée s'élève
à quelque 150 morts. L'état d'urgence ne sera levé
que le 18 octobre, 3 jours après que Boris Eltsine eut annoncé
la tenue d'un référendum sur la Constitution et des
élections législatives. Les deux scrutins sont prévus
pour le 12 décembre 1993. Auparavant, le président
a suspendu les activités de la Cour constitutionnelle et
interdit les journaux d'opposition.
Le 5 novembre, le président présente un projet de
Constitution qui lui donne plus de pouvoirs.
Le 7 novembre, on ne célèbre pas l'anniversaire de
la révolution d'Octobre.
C'est une première depuis 1918.
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Vladimir Jirinovski, chef
du Parti libéral-démocrate |
Le 12 décembre 1993, les Russes adoptent la Constitution proposée par Boris Eltsine, mais seulement 53 % des personnes inscrites ont voté et le projet a été approuvé par 58,4 % des votants. Par ailleurs, le même jour ont lieu les premières élections législatives libres depuis 76 ans. Le Parti libéral-démocrate de Vladimir Jirinovski devance celui de Boris Eltsine avec presque 23 % des voix. Mais le parti de Boris Eltsine aura plus de sièges à la Douma que le parti de l'ultranationaliste Jirinovski, avec 96 sièges contre 70.
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