ACCUEIL
REPORTAGES RÉCENTS
CLAVARDAGES
COORDONNÉES
ÉQUIPE

REPORTAGE
— 2004-04-20

LA PERFORMANCE PAR LE PLAISIR

«Le plaisir engendre la passion, la passion crée l'émulation, la créativité et le dépassement professionnel.»
-  Jean-Luc Tremblay, directeur-général, CHRN

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le Centre hospitalier Rouyn-Noranda, jusqu'à tout récemment un des pires hôpitaux au Québec, tant du point de vue financier qu'en ce qui a trait au roulement du personnel de direction, s'est stabilisé depuis deux ans grâce à une toute nouvelle philosophie de gestion: la performance par le plaisir ou, si vous préférez, la transposition de la philosophie de Patch Adams à l'administration d'un centre hospitalier.

Comment est-ce mis en pratique? Les employés et les patients reçoivent maintenant la visite d'humoristes, les employés ont un local de l'humour, il y a des blagues dans les toilettes et on diffuse des gags de Juste pour rire dans la salle d'attente de l'urgence. Les patients rigolent.

Et ça fonctionne, selon le directeur général de l'hôpital. Constamment déficitaire par le passé, le CHRN atteint l'équilibre budgétaire depuis deux ans. Il a même récupéré de la «performance» de ses employés, pour une valeur de 1,5 million de dollars.

Dans une région où il manque 84 médecins, la performance par le plaisir pourrait devenir un élément d'attraction.

Jean-Luc Tremblay est le nouveau directeur du CHRN depuis deux ans. Il tente d'implanter la nouvelle philosophie de gestion à l'hôpital: la performance par le plaisir. «Le plaisir engendre la passion, la passion crée l'émulation, la créativité et le dépassement professionnel. […] La philosophie qu'on essaie d'implanter ici, c'est de reconstituer, dans un mode de fonctionnement opérationnel, les éléments qui constituent le plaisir.»

Le nouveau directeur semble être apprécié. Il se déplace, rencontre ses employés ainsi que les patients de l'hôpital. Cette nouvelle approche n'a pas fait que des heureux. Des employés ont remis en doute ce choix de philosophie.

 

Chantal Harvey, infirmière en chirurgie, est de ceux-là. «Je n'y crois pas, chacun y va selon son intensité, et quand tu travailles et que tu es dans le jus par-dessus la tête, le plaisir, là…»

Anne Dupuis, infirmière de l'équipe volante, voit les choses autrement. «Je n'y croyais pas, au début, pour être honnête. L'atmosphère n'était pas très bonne, mais là, oui, plus ça va, plus on voit l'atmosphère s'améliorer.»

 

Améliorer le climat de travail était justement la première étape du plan d'action de Jean-Luc Tremblay. Pour y arriver, il a, entre autres, réanimé le défunt club social. Chaque fête est soulignée, et un comité spécial est créé pour réaliser l'activité. Après le club social, la direction a créé un comité de l'humour. Le comité de l'humour n'a pas tardé à concrétiser la philosophie de la direction. Un salon de l'humour pour le personnel a ouvert ses portes.
Un concours mensuel des meilleures blagues, avec des prix à gagner, a également été organisé. Des affiches humoristiques se retrouvent sur les murs, et le gag de la semaine est affiché dans les toilettes.

Même les humoristes sont invités à participer à cette nouvelle forme de gestion. Il y a quelques semaines, Louis-José Houde était en tournée dans la région. Une belle occasion pour le comité de l'humour de faire servir les repas par la vedette.

Louis-José Houde: «On dit toujours que l'humour est la meilleure médecine, la meilleure cure. Dans un hôpital, c'est la grosse logique, c'est tellement beau de voir tout le monde. […] Quelle idée simple, mais tellement efficace.»

 

Anne Dupuis, infirmière de l'équipe volante: «Au début, c'était fatigant, parce qu'on se demandait ce que les autres centres allaient penser de nous. On est une vraie joke pour les autres. Mais non, ce n'est pas ça. Oui, tu vas à la toilette, tu regardes ça et tu ris, tu sors avec un sourire, et ça passe comme ça. Aujourd'hui on voit une différence, parce qu'on commence à avoir une atmosphère de travail meilleure, on commence à y croire.»

Gilles Thérieault, infirmier: «C'est un plus, c'est un plus aussi pour les patients, je pense que quand le personnel travaille dans une certaine atmosphère, les patients aussi en bénéficient. On est plus heureux, c'est plus le fun pour eux.»

 

Régine Blackburn est omnipraticienne depuis 30 ans à l'hôpital de Rouyn. Des employés déçus et fatigués, elle en a traité plusieurs. Le taux d'absentéisme et de maladies psychologiques était très élevé, ici, à une certaine époque.

Régine Blackburn: «Depuis que cette philosophie a été mise en place, ce que je remarque, c'est qu'il y a beaucoup moins d'absences à moyen et long terme pour des diagnostics de dépression ou de burnout.»

Les patients de l'hôpital trouvent également qu'ils passent moins de temps en salle d'attente, que le personnel est souriant et qu'ils sont mieux renseignés.

La direction va même jusqu'à diffuser des gags de Juste pour rire à l'urgence.

Le plaisir peut-il être au service de la performance budgétaire? Selon l'Association des hôpitaux du Québec, le CHRN a réussi, en 2003, à récupérer 1 million de dollars en performance, c'est-à-dire qu'il s'est donné plus de soins, avec moins d'argent. Et la direction a aussi épongé le déficit de 3 millions de dollars.

À l'hôpital, on ne cache pas que la sélection du personnel a changé. On recherche maintenant des gens dynamiques, qui répondent au profil qu'exige la nouvelle philosophie. Dans les offres d'emploi, c'est même devenu un élément important pour attirer les nouveaux candidats dans cette région éloignée.

Jean-Luc Tremblay: «Prenons un étudiant qui sort de l'université. Pour quelle raison irait-il travailler dans un établissement inodore, incolore et sans saveur, alors [qu'il peut] venir ici, à Rouyn-Noranda, où il se passe des choses fort dynamiques, dynamisantes […]. Je pense que ça peut être une attraction significative pour amener des médecins, des professionnels, des infirmières et des cadres dans une région comme la nôtre.»

L'hôpital de Rouyn-Noranda serait-il en train de jouer le jeu de La grande séduction? Pour Jean-Luc Tremblay, c'est peut-être ce qui se passe à Rouyn-Noranda.


Journaliste: Francis L'Abbé
Réalisatrice: Lucie Payeur

   

 

 
 
© RADIO-CANADA.CA  2003