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REPORTAGE
— 2004-02-10

TRAFIC SEXUEL D'ENFANTS

« Tom leur envoie des photos et leur propose tel garçon un jour, tel garçon un autre jour. Il peut leur offrir un garçon différent chaque jour. »
- Georges, 17 ans


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Le cinéaste roumain Liviu Tipurita est retourné dans son pays pour réaliser un reportage sur les enfants abandonnés, proies faciles pour les pédophiles. Il découvre dans les rues de Bucarest un réseau de prostitution de jeunes dont la clientèle est composée de riches Européens. Liviu a rencontré Laurentiu, un jeune de 15 ans qui se prostitue depuis l'âge de 12 ans. Avec ses amis, il survit en quémandant. La plupart de ces jeunes sont accros aux produits solvants. Florin a 12 ans et se prostitue. Il est le cousin de Laurentiu. Il parle des dangers auxquels sont exposés les enfants avec certains clients étrangers. Il raconte qu'un pédophile allemand l'a jeté du deuxième étage lorsque la police a frappé à la porte. Beaucoup d'enfants sont emmenés à l'étranger pour se prostituer, principalement en Italie. Liviu a découvert que plusieurs Roumains prostituent les membres de leur propre famille. Un portrait dramatique du quotidien de ces enfants.

En raison de la nature clandestine de ce commerce, il est difficile d'évaluer le nombre exact d'enfants contraints de se prostituer. Toutefois, l'UNICEF estime qu'environ 1 million d'enfants sont poussés chaque année dans le commerce du sexe. Et les causes sous-jacentes à ce commerce sont multiples : pauvreté, discrimination, guerre, cupidité, dysfonctionnement familial, trafic de drogue, etc.

À Bucarest, capitale de la Roumanie, le commerce du sexe est une réalité vécue quotidiennement par de nombreux jeunes de la rue. L'un d'entre eux, Laurentiu, a à peine 15 ans. Il a passé la majeure partie de sa vie à errer dans les rues de la ville. Dès l'âge de 12 ans, afin dit-il de gagner un peu d'argent, il a commencé à se prostituer.

 

« Il m'a offert de l'argent, et j'ai accepté. Nous sommes allés chez lui et nous avons couché ensemble. »
- Laurentiu, 15 ans

 

Et il est loin d'être le seul. En Roumanie, la prostitution juvénile et le trafic sexuel d'enfants ont pris des proportions inquiétantes.

Le pays semble même être devenu une destination prisée des pédophiles et des touristes sexuels, en majorité des Occidentaux. Ainsi, Laurentiu raconte avoir vendu son corps à un touriste allemand en échange de quelques dollars. Ce dernier lui aurait également promis de payer pour qu'il obtienne un passeport, afin qu'il puisse le suivre en Allemagne. Un périple que serait prêt à faire Laurentiu. Pourquoi? Essentiellement pour l'argent.




« Je partirais avec lui pour l'argent. Personne ici ne nous en donne. »
- Laurentiu, 15 ans

 

Vulnérables, sans le sou, Laurentiu et les autres jeunes qui vivent dans les rues de Bucarest s'avèrent des proies faciles pour les pédophiles et les trafiquants d'enfants. La plupart survivent en mendiant, et nombre d'entre eux ont une dépendance à l'inhalation de solvants.

Les étrangers savent parfaitement où trouver ces jeunes. Ils n'ont qu'à rôder la nuit, près de la place de l'Université, pour accoster les jeunes et les convaincre de monter en voiture. Laurentiu, comme beaucoup d'autres, y est presque à tous les soirs, prêt à tout pour un peu d'argent. Les pédophiles et prédateurs sexuels obtiennent même l'aide d'un proxénète, celle d'un dénommé Tom Peter, un Anglais, qui organise des rencontres avec les jeunes garçons.

Tous les jeunes prostitués le connaissent. Certains ont même fait un site Internet pornographique avec lui, et il a contraint la plupart d'entre eux à avoir des relations sexuelles avec lui.

« Il aime ceux qui paraissent jeunes et innocents. À 13 ou 14 ans, ils le rendent dingue. »
- Georges, 17 ans

Par l'intermédiaire de son site web, le proxénète recrute des clients occidentaux en leur proposant des « circuits sexe ». Sur le site, il prétend que tous les modèles ont 18 ans et plus, car c'est un crime de vendre des photos pornographiques de mineurs. Mais en réalité, plusieurs de ces modèles n'ont pas 18 ans.

Sous la photo de l'un d'entre eux se trouve une offre. Les membres du site peuvent se renseigner, par courriel, à propos de « services spéciaux », et on offre la possibilité de rencontrer un des jeunes garçons dont la photo apparaît sur le site. Cette vitrine sur le web permet à Tom Peter de faire la promotion de son réseau de prostitution juvénile auprès des touristes sexuels et des pédophiles étrangers.

 


Des familles obligent leurs enfants à se prostituer

Si la prostitution menace plusieurs jeunes des rues de Bucarest, la situation est tout aussi critique ailleurs, notamment en Italie. Certains sont victimes d'un trafic d'enfants aux fins d'exploitations sexuelles. Pour les convaincre d'émigrer, les proxénètes leur promettent de vrais emplois, mais une fois sur place, on les oblige à se prostituer. Craignant d'être maltraités, voire assassinés, ils se soumettent.



« Beaucoup de filles étaient mineures : 14, 15 ou 16 ans. Si elles refusaient de se prostituer, le proxénète les menaçait de revenir les tuer le lendemain. Les filles avaient peur, alors elles restaient. »
- Cristina

D'autres encore sont obligés de se prostituer par des membres de leur propre famille. Des pères de famille vendent le corps de leur propre fils en échange de quelques euros.

À Milan, dans le nord de l'Italie, des organismes locaux confirment qu'il y a beaucoup de prostitution juvénile dans la ville. La prostitution de jeunes hommes s'y fait en retrait, caché, près d'un cimetière. Un campement de Roumains est situé à proximité. Tous les hommes y affirment que la prostitution juvénile n'existe pas dans leur communauté, mais la nuit tombée, la réalité est tout autre.

En effet, on force des enfants de 12, 13, 14 ans à se prostituer. Dans le parc de stationnement situé à côté du cimetière, des prostitués adultes négocient avec les automobilistes. Au milieu, des jeunes garçons se promènent à vélo. Ici, ce sont les pères qui font le commerce sexuel de leurs enfants. Pour subvenir à leur besoin, les familles obligent les enfants à mendier le jour et se prostituer le soir.

Quant à la police, elle semble plus préoccupée à faire la chasse aux immigrants clandestins qu'aux proxénètes. Et les organismes qui viennent en aide aux prostitués juvéniles ne peuvent aider que ceux qui le demandent. Or, aucun jeune ne veut quitter sa famille.


« Les quelques enfants qui parviennent à s'évader du commerce sexuel sont souvent couverts d'ignominie et rejetés par leur famille. Ils ont honte et peur des représailles, et les possibilités de gagner leur vie sont gravement compromises. »

(UNICEF, « À qui profite le crime? Enquête sur l'exploitation sexuelle de nos enfants », New York, 2001)

 

 

Le réseau de Tom Peter, pédophile et proxénète


Tom Peter fait le commerce sexuel d'enfant via Internet. Il rencontre ses clients à Bucarest, où il leur propose les services sexuels de jeunes mineurs. Venu en Roumanie comme bénévole afin de travailler dans un orphelinat, il fait maintenant le commerce sexuel d'enfants, notamment en vendant des photos pornographiques de garçons mineurs sur Internet ou en organisant des rencontres entre ces jeunes garçons et les pédophiles étrangers. Il met en garde ses clients à propos du caractère illégal de la prostitution juvénile, et leur propose diverses astuces pour éviter de se faire prendre.

 

« Mais je dois être prudent : selon la loi, vous ne devez pas les payer, sinon c'est de la prostitution. Alors ce sont vos amis, et vous leur offrez des cadeaux. Si on vous arrête, vous feignez l'ignorance. »
- Tom Peter, proxénète

 

Il leur montre des photos de jeunes garçons de qui ils peuvent obtenir les services sexuels. Tom n'est pas seulement proxénète, il est également un pédophile qui oblige les jeunes garçons à coucher avec lui.



« Je vais vous montrer de beaux spécimens. Tous ces beaux garçons. regardez-moi ça, 16 ans et tout tatoué. [...] Quand je l'ai rencontré, j'en bavais. »
- Tom Peter, proxénète

Tom fait également le trafic d'enfants. Il envoie à l'étranger de jeunes garçons à de riches Occidentaux. Les enfants roumains ne peuvent quitter le pays sans la permission de leurs parents. Mais le proxénète et ses clients étrangers réussissent à acheter ces derniers, qui acceptent de vendre leurs propres enfants et de signer les papiers pour qu'ils soient autorisés à quitter le pays sans eux.

Tom Peter finira par quitter la Roumanie pour retourner en Angleterre. Liviu Tipurita remettra alors à la police toutes les informations et preuves dont il dispose à propos du proxénète. Mais place de l'Université, à Bucarest, rien n'aura changé. L'été, les touristes sexuels et pédophiles afflueront toujours, et la prostitution continura d'être le lot de nombreux jeunes de la rue.


Enfants et femmes victimes d'exploitation sexuelle :
100 000 aux Philippines
400 000 en Inde
100 000 à Taiwan
200 000 en Thaïlande
Entre 244 000 et 325 000 aux États-Unis
100 000 au Brésil
35 000 en Afrique de l'Ouest
175 000 en Europe de l'Est et en Europe occidentale
(source : Unicef)



Réalisation : Liviu Tipurita
Adaptation : Benoît Roy


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