En raison de
la nature clandestine de ce commerce, il est difficile
d'évaluer le nombre exact d'enfants contraints
de se prostituer. Toutefois, l'UNICEF estime qu'environ
1 million d'enfants sont poussés chaque année
dans le commerce du sexe. Et les causes sous-jacentes
à ce commerce sont multiples : pauvreté,
discrimination, guerre, cupidité, dysfonctionnement
familial, trafic de drogue, etc.
À
Bucarest, capitale de la Roumanie, le commerce du sexe
est une réalité vécue quotidiennement
par de nombreux jeunes de la rue. L'un d'entre eux, Laurentiu,
a à peine 15 ans. Il a passé la majeure
partie de sa vie à errer dans les rues de la ville.
Dès l'âge de 12 ans, afin dit-il de gagner
un peu d'argent, il a commencé à se prostituer.
« Il
m'a offert de l'argent, et j'ai accepté. Nous sommes
allés chez lui et nous avons couché ensemble. »
- Laurentiu, 15 ans
Et il est loin d'être le seul. En
Roumanie, la prostitution juvénile et le trafic
sexuel d'enfants ont pris des proportions inquiétantes.
Le
pays semble même être devenu une destination
prisée des pédophiles et des touristes sexuels,
en majorité des Occidentaux. Ainsi, Laurentiu raconte
avoir vendu son corps à un touriste allemand en
échange de quelques dollars. Ce dernier lui aurait
également promis de payer pour qu'il obtienne un
passeport, afin qu'il puisse le suivre en Allemagne. Un
périple que serait prêt à faire Laurentiu.
Pourquoi? Essentiellement pour l'argent.
« Je
partirais avec lui pour l'argent. Personne ici ne nous
en donne. »
- Laurentiu, 15
ans
Vulnérables,
sans le sou, Laurentiu et les autres jeunes qui vivent
dans les rues de Bucarest s'avèrent des proies
faciles pour les pédophiles et les trafiquants
d'enfants. La plupart survivent en mendiant, et nombre
d'entre eux ont une dépendance à l'inhalation
de solvants.
Les étrangers savent parfaitement où trouver
ces jeunes. Ils n'ont qu'à rôder la nuit,
près de la place de l'Université, pour accoster
les jeunes et les convaincre de monter en voiture. Laurentiu,
comme beaucoup d'autres, y est presque à tous les
soirs, prêt à tout pour un peu d'argent.
Les pédophiles et prédateurs sexuels obtiennent
même l'aide d'un proxénète, celle
d'un dénommé Tom Peter, un Anglais, qui
organise des rencontres avec les jeunes garçons.
Tous les jeunes prostitués le connaissent. Certains
ont même fait un site Internet pornographique avec
lui, et il a contraint la plupart d'entre eux à
avoir des relations sexuelles avec lui.
« Il
aime ceux qui paraissent jeunes et innocents. À
13 ou 14 ans, ils le rendent dingue. »
- Georges, 17 ans
Par l'intermédiaire de son site web, le proxénète
recrute des clients occidentaux en leur proposant des
« circuits sexe ». Sur le site,
il prétend que tous les modèles ont 18 ans
et plus, car c'est un crime de vendre des photos pornographiques
de mineurs. Mais en réalité, plusieurs de
ces modèles n'ont pas 18 ans.
Sous
la photo de l'un d'entre eux se trouve une offre. Les
membres du site peuvent se renseigner, par courriel, à
propos de « services spéciaux »,
et on offre la possibilité de rencontrer un des
jeunes garçons dont la photo apparaît sur
le site. Cette vitrine sur le web permet à Tom
Peter de faire la promotion de son réseau de prostitution
juvénile auprès des touristes sexuels et
des pédophiles étrangers.
Des familles obligent
leurs enfants à se prostituer
Si la prostitution menace plusieurs jeunes
des rues de Bucarest, la situation est tout aussi critique
ailleurs, notamment en Italie. Certains sont victimes
d'un trafic d'enfants aux fins d'exploitations sexuelles.
Pour les convaincre d'émigrer, les proxénètes
leur promettent de vrais emplois, mais une fois sur place,
on les oblige à se prostituer. Craignant d'être
maltraités, voire assassinés, ils se soumettent.
« Beaucoup
de filles étaient mineures : 14, 15 ou 16
ans. Si elles refusaient de se prostituer, le proxénète
les menaçait de revenir les tuer le lendemain.
Les filles avaient peur, alors elles restaient. »
- Cristina
D'autres encore sont obligés de se prostituer
par des membres de leur propre famille. Des pères
de famille vendent le corps de leur propre fils en échange
de quelques euros.
À Milan, dans le nord de l'Italie, des organismes
locaux confirment qu'il y a beaucoup de prostitution juvénile
dans la ville. La prostitution de jeunes hommes s'y fait
en retrait, caché, près d'un cimetière.
Un campement de Roumains est situé à proximité.
Tous les hommes y affirment que la prostitution juvénile
n'existe pas dans leur communauté, mais la nuit
tombée, la réalité est tout autre.
En
effet, on force des enfants de 12, 13, 14 ans à
se prostituer. Dans le parc de stationnement situé
à côté du cimetière, des prostitués
adultes négocient avec les automobilistes. Au milieu,
des jeunes garçons se promènent à
vélo. Ici, ce sont les pères qui font le
commerce sexuel de leurs enfants. Pour subvenir à
leur besoin, les familles obligent les enfants à
mendier le jour et se prostituer le soir.
Quant à la police, elle semble plus préoccupée
à faire la chasse aux immigrants clandestins qu'aux
proxénètes. Et les organismes qui viennent
en aide aux prostitués juvéniles ne peuvent
aider que ceux qui le demandent. Or, aucun jeune ne veut
quitter sa famille.
« Les
quelques enfants qui parviennent à s'évader
du commerce sexuel sont souvent couverts d'ignominie
et rejetés par leur famille. Ils ont
honte et peur des représailles, et les
possibilités de gagner leur vie sont
gravement compromises. »
(UNICEF,
« À qui profite le crime?
Enquête sur l'exploitation sexuelle de
nos enfants », New York, 2001)
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Le réseau
de Tom Peter, pédophile et proxénète
Tom
Peter fait le commerce sexuel d'enfant via Internet. Il
rencontre ses clients à Bucarest, où il
leur propose les services sexuels de jeunes mineurs. Venu
en Roumanie comme bénévole afin de travailler
dans un orphelinat, il fait maintenant le commerce sexuel
d'enfants, notamment en vendant des photos pornographiques
de garçons mineurs sur Internet ou en organisant
des rencontres entre ces jeunes garçons et les
pédophiles étrangers. Il met en garde ses
clients à propos du caractère illégal
de la prostitution juvénile, et leur propose diverses
astuces pour éviter de se faire prendre.
« Mais
je dois être prudent : selon la loi, vous ne
devez pas les payer, sinon c'est de la prostitution. Alors
ce sont vos amis, et vous leur offrez des cadeaux. Si
on vous arrête, vous feignez l'ignorance. »
- Tom Peter, proxénète
Il leur montre des photos de jeunes garçons
de qui ils peuvent obtenir les services sexuels. Tom n'est
pas seulement proxénète, il est également
un pédophile qui oblige les jeunes garçons
à coucher avec lui.
« Je vais
vous montrer de beaux spécimens. Tous ces beaux
garçons. regardez-moi ça, 16 ans et tout
tatoué. [...] Quand je l'ai rencontré, j'en
bavais. »
- Tom Peter, proxénète
Tom
fait également le trafic d'enfants. Il envoie à
l'étranger de jeunes garçons à de
riches Occidentaux. Les enfants roumains ne peuvent quitter
le pays sans la permission de leurs parents. Mais le proxénète
et ses clients étrangers réussissent à
acheter ces derniers, qui acceptent de vendre leurs propres
enfants et de signer les papiers pour qu'ils soient autorisés
à quitter le pays sans eux.
Tom
Peter finira par quitter la Roumanie pour retourner en
Angleterre. Liviu Tipurita remettra alors à la
police toutes les informations et preuves dont il dispose
à propos du proxénète. Mais place
de l'Université, à Bucarest, rien n'aura
changé. L'été, les touristes sexuels
et pédophiles afflueront toujours, et la prostitution
continura d'être le lot de nombreux jeunes de la
rue.
Enfants
et femmes victimes d'exploitation sexuelle :
100 000 aux Philippines
400 000 en Inde
100 000 à Taiwan
200 000 en Thaïlande
Entre 244 000 et 325 000 aux États-Unis
100 000 au Brésil
35 000 en Afrique de l'Ouest
175 000 en Europe de l'Est et en Europe occidentale
(source : Unicef)
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