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REPORTAGE
— 2004-02-03

PORTRAIT D'UNE MORT ANNONCÉE

« Là, je vis. Je pense que je ne vivais pas avant, je survivais. Là, je vis vraiment. »
-  Lisbeth Johannesen

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Partie 1 - 2

Lisbeth Johannesen a 40 ans. Elle a deux filles âgées de 14 et 20 ans.
Elle est séparée depuis 11 ans et occupe un poste d'agente d'aide sociale. Elle se dit marginale, sportive. Rien ne l'arrête. Il y a un an, elle apprend qu'elle est atteinte d'un cancer des ovaires. Après plusieurs traitements, on lui annonce que le cancer a atteint l'abdomen. Pendant six mois, on lui administre des traitements de chimiothérapie. Puis, ses médecins l'informent que les traitements ne sont pas suffisants et qu'il n'y a plus rien à faire. Il ne lui reste que six mois à vivre. Après avoir vécu beaucoup de colère, de tristesse et de découragement, elle loue une petite maison en Estrie, près de l'abbaye de Saint-Benoît-du-Lac, où elle prend tout le temps qu'il lui reste pour apprivoiser sa mort.
Une équipe d'
Enjeux l'a accompagnée jusqu'à la fin.


Pour fêter ses 40 ans, Lisbeth a invité des amis pour ce qui est peut-être son dernier anniversaire. Elle essaie de les préparer à son décès, et eux de savourer ces instants passés avec elle. Elle en profite pour leur faire part de ses dernières volontés, avant le moment fatidique, et tente de les réconforter.

 

 

« Elle sait qu'on va s'ennuyer, et qu'on a de la difficulté à [accepter] sa mort. Elle voulait être là pour nous montrer que ce n'est pas si pire. »
- Lucie Perrault, amie de Lisbeth


C'est dans une maison en Estrie, plutôt qu'à l'hôpital, que Lisbeth a décidé de finir ses jours. Le contact avec la nature lui permet de méditer. Ses amis semblent admirer son courage et essaient de prendre exemple sur elle :

 

« Je ne pense pas qu'on ait raison de s'attrister, si elle n'est pas triste. C'est sûr qu'elle a, au fond d'elle, des doutes. La peur est là, j'en suis convaincu, même si elle ne l'avoue pas. »
- Antonio Chiodini, ami de Lisbeth


Ils se demandent si c'est la dernière fois qu'ils voient leur amie. Mais l'expérience qu'elle vit leur permet de réaliser que la mort existe, que tout le monde est mortel et que personne ne peut y échapper.

Apprivoiser la mort

Aux prises avec des crampes au ventre, Lisbeth s'est rendue à l'hôpital. Croyant qu'elle avait quelque chose à l'utérus, on décide de l'opérer. C'est alors que la gynécologue s'aperçoit que Lisbeth est atteinte d'un cancer, un cancer très avancé. Cette nouvelle l'a complètement bouleversée : « J'ai pleuré. J'ai tout de suite pensé à mes filles. C'est ce qui m'a fait pleurer. Je ne m'attendais pas à ça. Je n'étais pas malade, je n'avais rien. »



Après six mois de chimiothérapie, la maladie de Lisbeth est entrée en rémission. Elle a alors décidé de s'installer à la campagne. Tous les trois mois, on lui faisait une prise de sang. Un jour, on s'est rendu compte que quelque chose n'allait pas. On lui a fait passer un examen. On constate alors que le cancer est revenu. On l'avise qu'il lui reste 12 mois ou moins à vivre, si elle fait de la chimiothérapie. Sachant ce que les traitements impliquent et les maigres résultats que l'on peut prévoir, elle décide de les refuser et de vivre avec la maladie, maladie qui va l'amener à l'opposé de ce qu'elle était.

 

« J'étais une fille autonome, qui travaillait, indépendante, qui faisait ses affaires. Là, tout d'un coup, je ne travaillais plus, j'étais à la maison, malade, dépendante. J'avais besoin d'aide. »
- Lisbeth


Paniquée, elle avait du mal à accepter ce qu'il lui arrivait et il n'était pas question pour elle de passer plusieurs mois à l'hôpital. Elle avoue même avoir pensé au suicide. Mais lorsqu'elle a appris qu'elle pouvait recevoir des soins à la maison, que le médecin pouvait lui rendre visite, tout a changé. Elle a commencé à vivre et à accepter sa mort.

 

 

« C'est une étape, comme la naissance. Disons la naissance, après ça on devient enfant, adulte, vieille. Et après ça on meurt. Après il y a autre chose. Mais la mort ne me fait pas peur. »
- Lisbeth

 

Préparer les proches

Lisbeth a également dû préparer ses filles à sa mort. En cherchant elle-même à l'accepter, elle se disait que ses filles allaient le ressentir et l'accepter aussi. Même si elles savent que leur mère va mourir, Marika et Nada ont du mal à le réaliser. Ce qui ne les empêche pas d'aborder le sujet avec leur mère, qui leur parle beaucoup de la mort et de ce qui va arriver après.

 


« Elle nous parle de sa mort, des funérailles, de ce qu'on va faire après. Elle nous parle beaucoup de ce qui va arriver après. »
- Marika, fille de Lisbeth

 

« Elle nous parle de son testament, de ce qu'elle veut à son enterrement, de ce qu'elle veut pour nous après sa mort. Moi, ils m'ont dit qu'il fallait que je retourne à l'école, sinon elle allait me hanter jusqu'à ce que j'y retourne. Mais c'est sûr qu'elle veut aussi le contrôle sur sa mort. Elle veut que tout soit fait comme elle le souhaite. »
- Nada, fille de Lisbeth


Lisbeth est consciente qu'elle n'aura pas le temps de tout faire ce qu'elle aurait voulu, mais pense tout de même qu'elle a fait beaucoup de choses, que l'essentiel est fait : « Ce que j'ai toujours recherché, ce qu'on recherche tous, c'est l'amour. Et je suis certaine que c'est ça, parce que je le ressens déjà. Comme si j'avais déjà un pied dans cette lumière, cette liberté. »

« Je ne veux pas y penser, je veux juste vivre le moment présent avec ma mère. Je ne sais pas ce qui va se passer. C'est peut-être là que je vais réaliser qu'elle n'est plus là, que c'était vrai qu'elle allait mourir. Mais là, je ne veux pas y penser. »
- Nada, fille de Lisbeth

Malgré tout, la maladie ne cessera de miner la santé de Lisbeth, et finira par avoir raison d'elle. Lisbeth est décédée le 27 mai 2003.




 



Journaliste : Nancy Desjardins
Réalisateur : Jean-Louis Boudou


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