Lisbeth
Johannesen a 40 ans. Elle a deux filles âgées
de 14 et 20 ans.
Elle est séparée depuis 11 ans et occupe un
poste d'agente d'aide sociale. Elle se dit marginale, sportive.
Rien ne l'arrête. Il y a un an, elle apprend qu'elle
est atteinte d'un cancer des ovaires. Après plusieurs
traitements, on lui annonce que le cancer a atteint l'abdomen.
Pendant six mois, on lui administre des traitements de chimiothérapie.
Puis, ses médecins l'informent que les traitements
ne sont pas suffisants et qu'il n'y a plus rien à faire.
Il ne lui reste que six mois à vivre. Après
avoir vécu beaucoup de colère, de tristesse
et de découragement, elle loue une petite maison en
Estrie, près de l'abbaye de Saint-Benoît-du-Lac,
où elle prend tout le temps qu'il lui reste pour apprivoiser
sa mort. Une équipe
d'Enjeux
l'a accompagnée jusqu'à la fin.
Pour
fêter ses 40 ans, Lisbeth a invité des amis pour
ce qui est peut-être son dernier anniversaire. Elle
essaie de les préparer à son décès,
et eux de savourer ces instants passés avec elle. Elle
en profite pour leur faire part de ses dernières volontés,
avant le moment fatidique, et tente de les réconforter.
« Elle
sait qu'on va s'ennuyer, et qu'on a de la difficulté
à [accepter] sa mort. Elle voulait être là
pour nous montrer que ce n'est pas si pire. » - Lucie Perrault, amie de
Lisbeth
C'est dans une maison en Estrie, plutôt qu'à
l'hôpital, que Lisbeth a décidé de finir
ses jours. Le contact avec la nature lui permet de méditer.
Ses amis semblent admirer son courage et essaient de prendre
exemple sur elle :
« Je
ne pense pas qu'on ait raison de s'attrister, si elle n'est
pas triste. C'est sûr qu'elle a, au fond d'elle, des
doutes. La peur est là, j'en suis convaincu, même
si elle ne l'avoue pas. » - Antonio Chiodini, ami de
Lisbeth
Ils se demandent si c'est la dernière fois qu'ils voient
leur amie. Mais l'expérience qu'elle vit leur permet
de réaliser que la mort existe, que tout le monde est
mortel et que personne ne peut y échapper.
Apprivoiser
la mort
Aux
prises avec des crampes au ventre, Lisbeth s'est rendue à
l'hôpital. Croyant qu'elle avait quelque chose à
l'utérus, on décide de l'opérer. C'est
alors que la gynécologue s'aperçoit que Lisbeth
est atteinte d'un cancer, un cancer très avancé.
Cette nouvelle l'a complètement bouleversée :
« J'ai pleuré. J'ai tout de suite pensé
à mes filles. C'est ce qui m'a fait pleurer. Je ne
m'attendais pas à ça. Je n'étais pas
malade, je n'avais rien. »
Après six mois de chimiothérapie,
la maladie de Lisbeth est entrée en rémission.
Elle a alors décidé de s'installer à
la campagne. Tous les trois mois, on lui faisait une prise
de sang. Un jour, on s'est rendu compte que quelque chose
n'allait pas. On lui a fait passer un examen. On constate
alors que le cancer est revenu. On l'avise qu'il lui reste
12 mois ou moins à vivre, si elle fait de la chimiothérapie.
Sachant ce que les traitements impliquent et les maigres résultats
que l'on peut prévoir, elle décide de les refuser
et de vivre avec la maladie, maladie qui va l'amener à
l'opposé de ce qu'elle était.
« J'étais
une fille autonome, qui travaillait, indépendante,
qui faisait ses affaires. Là, tout d'un coup, je ne
travaillais plus, j'étais à la maison, malade,
dépendante. J'avais besoin d'aide. » - Lisbeth
Paniquée,
elle avait du mal à accepter ce qu'il lui arrivait
et il n'était pas question pour elle de passer plusieurs
mois à l'hôpital. Elle avoue même avoir
pensé au suicide. Mais lorsqu'elle a appris qu'elle
pouvait recevoir des soins à la maison, que le médecin
pouvait lui rendre visite, tout a changé. Elle a commencé
à vivre et à accepter sa mort.
« C'est
une étape, comme la naissance. Disons la naissance,
après ça on devient enfant, adulte, vieille.
Et après ça on meurt. Après il y a autre
chose. Mais la mort ne me fait pas peur. » - Lisbeth
Préparer
les proches
Lisbeth
a également dû préparer ses filles à
sa mort. En cherchant elle-même à l'accepter,
elle se disait que ses filles allaient le ressentir et l'accepter
aussi. Même si elles savent que leur mère va
mourir, Marika et Nada ont du mal à le réaliser.
Ce qui ne les empêche pas d'aborder le sujet avec leur
mère, qui leur parle beaucoup de la mort et de ce qui
va arriver après.
« Elle nous
parle de sa mort, des funérailles, de ce qu'on va faire
après. Elle nous parle beaucoup de ce qui va arriver
après. » - Marika, fille de Lisbeth
« Elle
nous parle de son testament, de ce qu'elle veut à son
enterrement, de ce qu'elle veut pour nous après sa
mort. Moi, ils m'ont dit qu'il fallait que je retourne à
l'école, sinon elle allait me hanter jusqu'à
ce que j'y retourne. Mais c'est sûr qu'elle veut aussi
le contrôle sur sa mort. Elle veut que tout soit fait
comme elle le souhaite. » - Nada, fille de Lisbeth
Lisbeth
est consciente qu'elle n'aura pas le temps de tout faire ce
qu'elle aurait voulu, mais pense tout de même qu'elle
a fait beaucoup de choses, que l'essentiel est fait :
« Ce que j'ai toujours recherché, ce
qu'on recherche tous, c'est l'amour. Et je suis certaine que
c'est ça, parce que je le ressens déjà.
Comme si j'avais déjà un pied dans cette lumière,
cette liberté. »
« Je
ne veux pas y penser, je veux juste vivre le moment présent
avec ma mère. Je ne sais pas ce qui va se passer. C'est
peut-être là que je vais réaliser qu'elle
n'est plus là, que c'était vrai qu'elle allait
mourir. Mais là, je ne veux pas y penser. » - Nada, fille de Lisbeth
Malgré tout, la maladie ne cessera de
miner la santé de Lisbeth, et finira par avoir raison
d'elle. Lisbeth est décédée le 27 mai
2003.
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