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REPORTAGE
— 2003-12-16

SOS SILENCE

« Si vous venez dans le silence avec vos “bibittes”, le silence va amplifier vos “bibittes”. » - frère Bruno-Marie, abbaye cistercienne d'Oka

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 
Parties 1 - 2

Depuis toujours, on le dit d'or. Je veux bien sûr parler du silence. L'avez-vous déjà écouté? Aujourd'hui, le silence est une denrée rare et précieuse, mais surtout méconnue de tous. Saturés d'informations, de pollution sonore, de bruits divers qui font partie du quotidien, certains le recherchent, évidemment.

Si les lieux de retraites fermées ont toujours existé, la clientèle et ses besoins ont bel et bien changé. Depuis quelques années, les jeunes sont même de plus en plus attirés par ce silence qu'ils ne connaissent pas. Mais attention, le silence doit être consommé avec une certaine prudence.


De nos jours, les occasions de se retirer dans un endroit silencieux sont rares. Nos vies sont plutôt remplies de bruits de voitures, de la télévision, de la radio, du téléphone qui sonne, des enfants qui s'amusent, etc. Mais de plus en plus de gens décident de faire une pause et de se retirer dans le silence, l'espace de quelques jours.

Le silence fait donc de nombreux adeptes. Chaque semaine, plusieurs lieux de retraites, qu'ils soient religieux ou laïcs, accueillent des gens ordinaires qui souhaitent faire silence pour un moment. Comme le souligne le frère Bruno-Marie, de l'abbaye cistercienne d'Oka : « Il n'y a presque pas de religieux ou de prêtres qui viennent. Il y en a, mais ce n'est pas la majorité. La majorité, ce sont des pères de famille et des mères de famille. Ils viennent se reposer, prendre un temps de recul. »

Chacun a ses propres raisons de vouloir faire silence. Mais peu importe, chaque retraitant se retrouvera inévitablement face à lui-même, sans faux-fuyant, sans artifice.

« Moi, je viens vraiment pour me ressourcer, refaire le plein au niveau spirituel. Ça, c'est moi, ça m'appartient. Alors ce que ça change, c'est lorsque je retourne à la maison, ma batterie est rechargée pour un autre bout de chemin. J'ai une meilleure interaction avec les gens autour de moi. »
- France Descoteaux


Un silence réparateur

Pour plusieurs, il s'agit de décrocher, de se changer les idées, d'arrêter un moment ou encore de prendre un peu de recul. Par exemple, ces quelques jours en silence permettent à Julie Mercure, mère de quatre enfants, de s'offrir un peu de repos. « Parce que j'ai quatre enfants, je suis très, très fatiguée. J'ai eu mes enfants très rapprochés. J'avais tout simplement besoin de dormir, de me reposer, de faire une coupure. Je n'ai jamais de silence chez moi. D'un repas à l'autre, j'ai peu l'occasion de me retrouver seule avec moi-même, parce qu j'ai continuellement les enfants. Donc, je viens juste me rechercher. »

Les quelques jours de silence passés à l'abbaye d'Oka lui permettent également de mieux affronter sa réalité de mère d'un garçon qui a le syndrome de Gilles de la Tourette et d'une fille aux prises avec un trouble envahissant de développement, de l'autisme, des diagnostics très difficiles à affronter.


Pour d'autres, le silence permet un moment de répit. Jean-Guy Parent est aujourd'hui président d'une entreprise. Il a découvert le silence alors qu'il était ministre péquiste et maire de Boucherville. Et ces moments de silence l'ont complètement transformé : « Je vous dirais que je ne serais pas le même, le même être humain, le même homme, le même père de famille ou le même patron aujourd'hui si je n'avais pas passé par ces étapes et si je ne pratiquais pas ce silence intérieur. »

Le silence présenterait aussi des vertus réparatrices. Il y a 15 ans, Louise Latraverse s'est tournée vers le silence. Suite à une dépression, elle a choisi de s'arrêter et de s'écouter : « Dans le silence, on se guérit. Parce que c'est dans le silence qu'on s'entend et il faut entendre ce qui se passe en nous, toute cette fébrilité, ces malaises, ces souffrances qui sont là et auxquelles on ne veut pas faire face la plupart du temps. On sait que c'est en faisant face qu'on va se débarrasser de la souffrance, ce n'est pas en la fuyant. » Néanmoins, le silence n'est pas le remède miracle à tous les problèmes et n'amène pas nécessairement la guérison. Il peut même agir comme un amplificateur.

 

« Si vous venez dans le silence en dépression, le silence risque d'augmenter votre dépression. Le silence n'est pas réparateur pour tout. Il peut être réparateur pour le repos, pour se refaire, pour trouver des solutions à nos problèmes, mais il n'y a peut-être pas un silence formule magique à tous les problèmes. »
- frère Bruno-Marie, abbaye cistercienne d'Oka

 

Des jeunes découvrent le silence

La très grande majorité des jeunes d'aujourd'hui ne connaissent pas le silence. Mais ils sont de plus en plus nombreux à en faire l'expérience, comme à Sainte-Blandine, près de Rimouski. C'est là que se trouve le Village des Sources. Il s'agit en fait de quatre maisons au bout d'un rang, sur le bord d'un lac. Jean-Guy Gendron, autrefois enseignant, a fondé ce village. « On découvrait que beaucoup de jeunes vivaient de grandes souffrances, vivaient aussi de grands rêves, mais que parfois, dans le milieu scolaire, ce n'était pas évident de les partager, parce que le climat n'est pas là. » C'est alors qu'il a décidé, avec l'aide de sa communauté, les frères du Sacré-Cœur, de trouver un lieu pour accueillir les jeunes.

Le but : que des adolescents de la région aient l'occasion de découvrir le silence, de faire le point et, peut-être, de trouver des solutions à leurs problèmes.

C'est en 1994 que le rêve se réalise. Depuis, les frères du Sacré-Cœur et des bénévoles ont accueilli plus de 12 000 jeunes dans leur village.

 

Le silence comme activité parascolaire

La première règle que les jeunes doivent suivre lorsqu'ils arrivent au Village des Sources est celle d'arrêter le temps. Jean-Guy Gendron dit aux jeunes : « Je vous invite vraiment à dire : "Je fais le plongeon." Enlever sa montre, c'est oser faire un plongeon dans la confiance, d'abord, et se dire que le temps qui sera passé ici, il va être précieux. » Ce temps passé au village sera effectivement précieux, puisque les jeunes l'utiliseront à mieux se connaître. Et l'un des meilleurs moyens pour y arriver, c'est justement le silence. On leur présente l'exercice comme un défi.

 

« Juste le fait de me promener en nature, d'être seul, qu'il n'y a aucun bruit autour de moi, ça me fait réfléchir. Et puis j'ai trouvé beaucoup de réponses à mes questions. »

 

Le Village des Sources n'est pas unique. D'ailleurs, les écoles secondaires proposent aux jeunes la découverte du silence comme activité parascolaire. Ils sont de plus en plus nombreux à tenter l'expérience, au point où l'on a de la difficulté à répondre à la demande. Que ce soit à Sainte-Blandine ou ailleurs, le but est le même pour ces jeunes : apprendre à mieux se connaître.

 

« Tu trouves plein de réponses auxquelles tu n'avais jamais pensé en parlant avec d'autres. Tu as les réponses, mais tu ne les connais pas. Il faut que tu arrêtes de parler pour les chercher au fond. »



Journaliste : Nancy Desjardins
Réalisateur : Jean-Louis Boudou

 

 


Hyperliens

:: Village des Sources
Site officiel

:: Abbaye cistercienne d'Oka
Site officiel

:: Abbaye Saint-Benoît-du-Lac
Site officiel

:: Quelques adresses de lieux de retraite au Québec

:: Ordre des psychologues du Québec

 

   

 

 
 
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