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REPORTAGE
— 23/09/03

LA QUATRIÈME PÉRIODE

« Ma grand-mère, elle prend ça à coeur. Elle chiale contre les arbitres. Si on perd 6 à 1, ce n'est pas la faute des arbitres. Elle dit que si elle gagnait à la loto, elle achèterait les arbitres. »
- Un jeune joueur

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Moins de 1 % des joueurs atteindront la Ligue junior majeure. Une petite dizaine seulement accédera à la Ligue nationale.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


« L'enjeu devient tellement grand qu'on est prêt à tout faire pour remporter la victoire au détriment de l'esprit, au détriment de l'intégrité physique, psychologique et social de l'enfant. La fin justifie les moyens. »
- Dany Bernard, entraîneur et détenteur d'un doctorat sur la psychologie du hockey

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Le hockey a toujours soulevé l'enthousiasme des foules. Mais notre sport national est de plus en plus sujet à controverse. Cette fois, il s'agit du hockey amateur et ce ne sont pas les jeunes joueurs qui sont en cause, mais plutôt leurs parents.

 Depuis quelques années, le comportement des parents amateurs de hockey laisse nettement à désirer. Enthousiasme qui déborde sur une forme de fanatisme, émotions qui découlent sur la violence verbale ou physique. Récemment, dans l'affaire Côté à Boucherville, un parent a été trouvé coupable d'avoir proféré des menaces de mort à l'endroit d'un arbitre. On doit de plus en plus souvent rappeler les parents à l'ordre, leur imposer des contrats de conduite, les expulser. Des parents avouent insulter parfois les arbitres, disent-ils, quand les décisions sont injustes... à leurs yeux. Les parents ont-ils perdu la tête?

Il semble que c'est l'été qu'on s'amuse le plus au hockey. La raison? Les parents sont absents des arénas, mais dès que l'automne se montre le bout du nez, ils reviennent et avec eux, les problèmes.


 « On enseigne à nos jeunes officiels ce qu'ils vont entendre dans les estrades. On a beau les mettre en garde [...] sur 3000 officiels, on en perd de 600 à 700 par année. »
Michel Richer, Comité des arbitres, Hockey Québec


Simon, le fils de Louise Danis, joue au hockey depuis qu'il est tout petit et se démarque maintenant dans des équipes d'élite. Il fréquente un camp de recrutement midget AAA, le niveau le plus élevé du hockey mineur avant d'atteindre le junior. Pour se consacrer à son sport, il vit à Gatineau, à deux heures de Vaudreuil, où habite sa famille.

Louise Danis affirme : « Nous, les parents, on a à se remettre en question, à se dégager et à se demander : "Est-ce vraiment le rêve de mon enfant?" Il y a beaucoup de jeunes qui débarquent du hockey parce que la pression des parents est trop forte. J'ai vu des choses qui m'ont fait pleurer, devant lesquelles on est impuissants. »

Cette mère du hockey a mis du temps à comprendre qu'elle et son conjoint confondaient leurs rêves et ceux de leur fils. Si elle ose montrer les parents du doigt, c'est qu'elle a parfois été un parent excessif. Elle s'en est même déjà prise à la mère d'un autre joueur. Elle avoue : « J'ai vraiment perdu les pédales. J'ai hurlé après cette femme de sortir de ma vue. J'étais hors de moi, mais je n'étais plus là. Pour moi, c'est le moment le plus embarrassant que j'aie jamais vécu par rapport à mes comportements dans le hockey. »


Exit la quatrième période

Vers l'âge de 15 ans, Simon a commencé à faire la sourde oreille, à être moins performant et à songer à tout laisser tomber. Ses parents ont compris. Son père s'est effacé et sa mère a cessé de lui prodiguer ses conseils. La quatrième période, c'est dorénavant le repas au restaurant après la partie. On parle hockey, mais fini les critiques.


« J'appelle ça la quatrième période ou le pré-match, explique Louise Danis. On faisait toujours une espèce de pression pour qu'il réussisse. J'appelais ça le syndrome de la Ligue nationale, le syndrome du fond de pension. Comme si c'était un investissement. »


Le mot est lancé. Au hockey, il n'y a plus uniquement la gloire qui fait rêver, il y a aussi l'argent. Les salaires faramineux des joueurs y sont pour quelque chose. Steve Penney qui, avec le Canadien, a connu le rêve à 25 ans dans les années 80, remet les choses en perspective. « On ne rêvait pas de faire carrière comme aujourd'hui. Ce que mon père me demandait, c'était de donner mon maximum, de faire mon possible. Les agents se promènent dans les arénas pour trouver les meilleurs joueurs bantam. Ce sont des jeunes de 14-15 ans, c'est jeune. Quand un agent vient te parler de ton gars, tu commences à voir les millions. »

Vingt ans plus tard, faire son possible ne suffit plus. Moins de 1 % des joueurs atteindront la Ligue junior majeure. Une petite dizaine seulement accédera à la Ligue nationale. Mais beaucoup de parents s'accrochent à ce rêve. Ils vont jusqu'à chronométrer le temps de jeu de leur enfant, payer l'entraîneur pour qu'il le favorise ou encore, s'en prendre à de jeunes joueurs. Dans le rapport de la plus récente commission parlementaire sur la violence au hockey, la troisième en 15 ans, les parents sont montrés du doigt. Leurs comportements encouragent une sous-culture de tricherie et de violence.

« Les jeunes le disent : le hockey est comme une arène. Il y a des choses qui sont permises dans l'arène, que je ne ferais jamais dans la vie de tous les jours parce que je me ferais emprisonner. »
- Dany Bernard, entraîneur et détenteur d'un doctorat sur la psychologie du hockey



Réapprendre le plaisir

Pourquoi les parents sont-ils aveuglés de la sorte? Les attentes sont très élevées, sans doute proportionnelles au montant d'argent investi par la famille dans le hockey en camps d'été, en frais d'association, en transport, en équipement et en hôtels. Les parents finissent par en vouloir pour leur argent. Pour certains, ce montant peut atteindre 7000 $ par année. Pourtant, il faut garder les pieds sur terre.

Louise Danis l'a bien compris : « Les attentes des parents doivent se limiter à l'engagement du jeune. Au-delà de ça, si ça ne fait pas notre affaire, arrêtons d'investir dans ce qui nous pèse, pour arrêter de peser sur leur petite conscience à eux. »

Pour sa part, Steve Penney aime encore le hockey. Il est entraîneur bénévole et ses deux fils jouent au hockey. Un sport qu'il voudrait moins tourné vers l'argent et plus vers l'éthique, l'effort, la persévérance. La situation actuelle provoque l'étonnement chez lui : « Tu apprends à cet âge que le hockey n'est plus juste un jeu, c'est un business. Je ne suis pas certain qu'à 14 ans, tu es capable de le comprendre. Mes propres enfants me demandent s'ils seraient capables de faire la Ligue nationale. Travaille fort, tu ne sais jamais. Amuse-toi et si jamais tu as du talent, quelqu'un va te voir puis va te remarquer. »

Les parents ne sont pas les seuls responsables de ce dérapage. Heureusement, des arbitres, des entraîneurs et des associations se remettent publiquement en question. Selon Dany Bernard, « tout est là pour développer un bon athlète, mais surtout un être humain solide qui va être une valeur ajoutée pour la société ».

Peut-on voir un signe de déclin dans le fait que le nombre de joueur a diminué de 35 000 dans les dix dernières années? De 120 000 qu'ils étaient, les jeunes hockeyeurs ne sont plus que 85 000. Ce qui fait encore beaucoup de parents derrière le banc, des supporteurs qui doivent absolument redécouvrir les qualités d'un sport d'équipe. Reste à voir si les parents feront leur mea culpa à temps...



Journaliste : Sylvie Fournier
Réalisateur : Pier Gagné

C I T A T I O N S

« Je m'oppose à la violence parce que lorsqu'elle semble produire le bien, le bien qui en résulte n'est que transitoire, tandis que le mal produit est permanent. »
- Gandhi

« Quand nous disons que l'homme est responsable de lui-même, nous ne voulons pas dire que l'homme est responsable de sa stricte individualité, mais qu'il est responsable de tous les hommes. »
- Jean-Paul Sartre


Hyperliens

:: Dossier de Radio-Canada sur la violence au hockey

:: Association canadienne de hockey
   Campagne « Relaxez, ce n'est qu'un jeu », à l'intention des parents

 :: Hockey Québec
  
Nouvelles directives pour la saison 2003-2004 et code d'éthique à l'intention des parents

 

 

 
 
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