Depuis une vingtaine
d'années, les garçons ont déserté
la danse. Ils sont absents des cours de loisirs, des écoles
de formation et, forcément, des compagnies. Dans
la majorité des écoles, ils forment en moyenne
10 % de la clientèle... quand ils sont là!
Louise Lapierre, qui dirige l'école du même
nom à Montréal, a tout fait pour attirer
la clientèle masculine.
« On a
fait des expériences, on a donné 50 bourses
à des garçons. Ils ont connu l'intérieur,
ils aimaient ça. C'est tout le volet social à
défendre à l'extérieur des cours
de danse. La légitimité d'être ici.
Mais ceux qui ont à poursuivre vont le faire envers
et contre tous. »
- Louise Lapierre
Les préjugés
Charles-Simon
a 12 ans. Il en est à sa troisième
année de cours chez Louise Lapierre, toujours seul
au milieu d'une vingtaine de filles. « Il
me semble qu'on est là pour danser, je me concentre
là-dessus! »
Charles-Simon ne cache pas qu'à son
école régulière, il est perçu
comme quelqu'un de « plus féminin ».
Des remarques qui, dit-il, ne le blessent pas du tout.
À l'époque
de Louis XIV et aux siècles suivants,
la danse n'était qu'une affaire d'hommes.
Les femmes y étaient totalement absentes.
Aujourd'hui, les préjugés, particulièrement
en ce qui concerne la danse classique, ont fait
que les choses ont bien changé.
Nos jeunes danseurs aiment souvent mieux taire
leur passion.
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8 h 30
le matin. Marc, 14 ans, et Kyle, 16 ans,
commencent leur entraînement en ballet classique à
l'École supérieure de danse du Québec.
Ils répètent d'abord une danse folklorique
russe pour une tournée éventuelle. Rien de
mieux pour se mettre en forme!
Tous les deux affirment être
parfois victimes de préjugés au quotidien :
« Dans les partys, je ne
vais pas nécessairement le dire. Au Québec
et au Canada, il y a des préjugés, que ce
sont des "homos" qui en font, mais ce n'est
pas vrai, c'est un mythe », affirme Marc.
Didier Chirpaz dirige l'École
supérieure de danse du Québec. Lui-même
danseur et père d'un jeune danseur professionnel,
il comprend ce que vivent Marc et Kyle. Son école
a mis sur pied des cours qui ne s'adressent qu'aux garçons.
« Il
faut valoriser le côté physique. Pour
faire des spectacles de trois heures et porter des femmes
au bout des bras, il faut être extrêmement
puissant. (...) Ça s'apparente à des sportifs
de haut niveau par la technique et la performance. »
- Didier Chirpaz
Un problème
majeur : le recrutement
L'automne
dernier, il n'y avait aucun garçon au premier niveau
universitaire en danse à l'UQAM. Sylvie
Pinard, directrice du département, est inquiète
car les préjugés sont nombreux et la réalité
n'est pas toujours rose : « Les
valeurs associées à la danse contemporaine
et à la danse classique sont celles d'un mouvement
efféminé [
], et aussi la réalité
d'un salaire de crève-la-faim. Un garçon
qui va dire "Je veux aller en concentration danse",
les parents doivent être ouverts... »
Le manque de jeunes hommes
dans les écoles de danse a de graves conséquences
sur les compagnies de danse depuis une dizaine
d'années.
Le chorégraphe Paul-André
Fortier de la compagnie Fortier Danse création
a effectué, à l'hiver 2002, une
tournée d'auditions à travers le
Canada pour recruter des danseurs et des danseuses :
115 filles se sont présentées, et
seulement 5 garçons!
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Promouvoir la danse chez les jeunes
Une des solutions envisagées pour
changer les choses est de rapprocher la danse des gens.
Dans cette optique, Paul-André Fortier, dans le
cadre du programme Danse sur les routes du Québec,
organise des tournées dans les écoles pour
expliquer cette forme d'art aux enfants et la leur faire
expérimenter.
« Il faut aller vers les jeunes et décloisonner
la façon
dont on enseigne la danse... »
- Paul-André Fortier,
chorégraphe
La situation n'est pourtant
pas désespérée : les garçons
reviennent à la danse. Pas par les grandes écoles
ou par la scène, mais par la rue, avec les gangs :
c'est le phénomène du hip-hop, du break
dancing. Là, ils sont majoritaires!
Journaliste :
Hélène Courchesne
Réalisatrice : Nicole Tremblay