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REPORTAGE
— 2002-12-03

CELLES QUI ONT TUÉ


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

De Kingston
à Joliette

Le système carcéral fédéral a connu une véritable révolution. Avant l'ouverture du pénitencier de Joliette, en 1997, la plupart des Canadiennes purgeaient leurs longues sentences à Kingston en Ontario, le plus souvent loin de leurs familles. Huit commissions d'enquête avaient pourtant qualifié le pénitencier de sordide et d'insalubre. Mais c'est finalement le scandale des fouilles à nu par des gardiens qui, en 1994, force les autorités fédérales à changer radicalement leur philosophie carcérale.

C'est ce qui a permis au pénitencier de Joliette de voir le jour. Les détenues y ont un maximum de liberté à l'intérieur d'un périmètre barbelé. On les encourage à se créer une vie personnelle dans un contexte le plus normal possible.

Pour en savoir plus...

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« Maintenant qu'il n'est plus là, il n'y a plus personne qui peut m'abuser. Ça fait sept ans et demi que je suis en prison, et il n'y a pas personne qui m'a abusée, il n'y a pas personne qui m'a contrôlée, il n'y a plus personne qui soit jaloux, ou s'il y en a, [cette personne] ne le démontre pas d'une façon violente. »

 

Theresa Saint-Denis, 63 ans, purge une sentence de prison à vie pour avoir assassiné son mari, le père de ses quatre enfants. Continuellement battue par son mari, elle n'avait voulu que lui faire peur en pointant une carabine vers lui. Jamais, dit-elle, n'avoir souhaité la mort de celui-ci.

Son histoire ressemble à celle de la plupart des 60 détenues du pénitencier de Joliette. Bien connue pour ses tendances plutôt libérales, l'institution carcérale est souvent critiquée. On l'a même baptisée « Club fed », en référence aux centres de villégiature. Mais les détenues en ont-elles la même opinion? Une équipe d'Enjeux leur a donné la parole.

 

 

D'après une ancienne détenue, « les femmes qui ont des longues sentences n'ont pas nécessairement besoin d'être réhabilitées. Elles ont vécu des choses qui ont fait en sorte qu'elles en sont arrivées à un moment émotif où elles ont explosé », mais cela ne l'est rend pas pour autant de dangereuses criminelles qu'il faut isoler. Aujourd'hui, alors qu'elle a obtenue sa liberté conditionnelle, Ayla (nom fictif) confirme que les institutions comme celle de Joliette favorisent davantage la réinsertion, parce que les conditions de vie sont le plus proche possible d'une vie « normale ».


Cet environnement est aussi nettement important pour les enfants et petits-enfants des détenues. « L'imagination [des enfants] est souvent pire que la réalité parce que ce qu'on connaît des prisons ce sont des barreaux, un lieu austère, lugubre, où il y a des méchants. C'est ça que les enfants ont en tête. Ils ont besoin de voir dans quel environnement vit leur mère. Ça les sécurise », explique Marie-Andrée Nantel, responsable du programme mères-enfants du pénitencier.


Le contact entre les détenues et leurs proches, et particulièrement leurs enfants, est très important pour la santé mentale des détenues. Face à la réalité d'une incarcération de près de 20 ans, plusieurs femmes souffrent de dépression et même de pensées suicidaires. Les femmes sont souvent hantées par la culpabilité du crime dont elles sont accusées, non pas tant envers la victime, que pour les enfants qu'elles ont laissés orphelins.

Malheureusement, malgré les installations accueillantes, à Joliette, comme dans tous les pénitenciers de femmes au pays, les parloirs sont presque toujours vides, contrairement à ceux des hommes. Même si les femmes qui ont commis un crime passionnel ne sont généralement pas des criminelles d'habitude et qu'elles ne récidivent pas, statistiques à l'appui, elles sont souvent traitées en parias par leur famille.


« Elles sont enfermées, elles ne peuvent pas voir les gens qu'elles aiment comme elles le veulent, elles sont limitées dans leurs mouvements... elles sont punies. »
- Ayla

 

Stivia Clermont, 36 ans, mère de deux enfants, purge une sentence de 25 ans ferme pour meurtre et complot de meurtre. Au pénitencier de Joliette, elle est présidente du comité des détenues et s'active pour supporter l'absence de ses garçons. Elle avoue que plusieurs demandes qu'elle dépose au profit des détenues sont acceptées, mais elle est loin de se considérer dans un centre de villégiature.

 

Les mesures de sécurité sont là pour lui rappeler son état. Les gardiennes, qu'on appelle I.P.L. pour Intervenantes de première ligne, procèdent à des dénombrements trois fois par jour, et bien sûr à des fouilles périodiquement. « Si on doit quitter pour aller à la cour et qu'on revient, c'est des fouilles sommaires. Les fouilles à nu ne se font que si on a des soupçons que la détenue a de la drogue sur elle, ou une arme. Là, on l'amène à l'écart des autres détenues et on fait des fouilles à nu », précise Stivia.

 

« C'est loin d'être un Club Fed, les gens de la communauté doivent réaliser que nous, malgré tout ce qu'on a ici, on a perdu notre liberté », tient à faire remarquer Stivia. Selon elle, le fait de devoir prendre soin du quartier d'habitation, de faire l'épicerie et la cuisine, ainsi que d'autres tâches ménagères, contrairement à la vie dans les prisons de Kingston ou de Tanguay, améliore la réinsertion sociale. « Nous, comme on a cette chance-là maintenant, 10 ans plus tard, je n'aurai pas oublié les tâches ménagères, comment cuisiner, etc. »

 

Même si les conditions de vie au pénitencier de Joliette sont moins restrictives qu'ailleurs, il n'en reste pas moins qu'une sentence à vie reste une sentence à vie, comme le rappelle Ayla : « Quand je [vais mourir], c'est là que la sentence sera finie et ma famille va être obligée de fournir un certificat de décès pour fermer le dossier. »

 

 

Journaliste : Solveig Miller
Réalisateur : Nicole Messier

Hyperliens

:: Service correctionnel du Canada
Site du gouvernement fédéral

:: Association des services de réhabilitation sociale du Québec
Association faisant la promotion de l'action communautaire en justice pénale

:: Commission nationale des libérations conditionnelles
Organismes relevant du Solliciteur général du Canada

:: Association canadienne des Sociétés Elizabeth Fry
Groupe qui vient en aide aux femmes ayant des démêlés avec la justice

 
 

 

 
 
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