Les guerres sont
plus sauvages que jamais, même si les médias
ne nous en transmettent parfois que des images épurées,
lointaines et désincarnées. L'humanité
semble vouloir persister dans cette folie qui consiste
à se livrer bataille pour des parcelles de terre
ou de pouvoir, et rien ne laisse présager que ce
cycle infernal prenne fin un jour prochain.
Seulement
au cours de la dernière décennie, plus de deux millions
d'enfants sont morts à cause de la guerre et quelque quinze
millions ont été déplacés ou sont devenus des réfugiés
à la suite de conflits armés. La majorité des victimes
sont des civils, et trop souvent des enfants. Ils ont
été témoins des pires atrocités, ont perdu des proches,
ont été traumatisés par des images
que leurs jeunes yeux n'auraient jamais du voir. Des centaines
d'entre eux arrivent seuls à nos frontières, sans parents.
Sommes-nous prêts à les accueillir?
Enjeux a suivi trois réfugiés,
des jeunes Bosniaques, Rwandais et Angolais qui ont vécu
l'horreur. Ces jeunes partagent une gravité, une
maturité sans mesure avec leur âge. Ils ont
beaucoup à dire, et surtout, à partager.
C'est la cas par exemple de
Seana. À voir cette jeune femme de 20 ans
danser dans le décor intime du Café Sarajevo
à Montréal, un léger sourire aux
lèvres, on a du mal à concevoir qu'elle
a connu l'horreur indicible. C'est pourtant le cas. Alors
qu'elle avait onze ans, les bombardement ont commencé
sur Sarajevo. L'horreur du conflit est vite devenu réelle,
et elle a elle-même échappé de près
à la mort.
D'enfant vive et gaie, la fillette
est devenue fermée, tendue, peureuse. Réfugié
au Canada, elle tente de mener une vie normale, de panser
les blessures.
L'horreur du
passé |
Seana
« C'est
une autre façon de survivre, en chantant...
Mes années qui auraient dû être
les plus folles, c'est pas pour rien qu'on est un
enfant... non, tout cela a été coupé!
Le pire, c'est que tu perds l'espoir. À la
fin, tu en viens à crier pour que ta vie
s'arrête! »
Seana a décidé
de retourner chez elle, d'affronter le passé.
Elle ne sait pas encore si elle demeurera là
bas, avec sous les yeux les cicatrices d'un temps
tragique.
Régis
Il a vécu en
première ligne le conflit au Rwanda. S'il
a pu échapper à la mort avec sa mère
et se réfugier au Canada, il a perdu son
père et sa petite soeur. Il a aujourd'hui
du mal à parler de douleur, ce qui inquiète
sa mère...
Jésus
« Mon
père serait fier de moi aujourd'hui. » |
Selon des spécialistes, la majorité
de ces enfants s'en sortiront, mais au prix de grands
efforts. Le Dr Cécile Rousseau
est l'unique spécialiste dans le domaine des enfants
qui ont connu les affres de la guerre.
Elle explique que les cicatrices
sont profondes chez ces enfants, si profondes, finalement,
que pour beaucoup, grande est la tentation d'enfouir le
passé pour en faire totalement abstraction, au
point de ne plus pour l'évoquer.
Pour guérir, cependant,
il est essentiel de pouvoir ramener ces traumatismes à
la surface afin d'en amoindrir la portée.
Déracinés, loin de chez eux,
ces enfants passent souvent par une phase d'aliénation
aigüe. Ils ont besoin de tout le soutien de leurs
proches, s'il en reste...
Comment vivre
en regardant vers l'avenir?
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Dans l'actualité:
Génocide
rwandais: Washington savait
(août 2001)
Les
enfants réfugiés de guerre disposent de
très peu de ressources au Canada. Rares sont les
familles qui les accueillent.
À Montréal, il n'existe qu'un
foyer destiné à ces enfants, et celui-ci
n'offre que quatre places, alors que chaque année,
une centaines de jeunes auraient besoin de cette aide.