HOMÉLIE DU 27 FéVRIER 2011
8e dimanche du temps ordinaire « A »

PAROISSE SAINTE-ROSE-DE-LIMA
Gatineau, Québec

Président de l'assemblée :
Père Allain-Gérard Essan, eudiste

 

Lecture du Livre d'Isaïe (49, 14-15)
Psaume 61 (62)
Première lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens ( 4,1-5 )
Évangile selon saint Matthieu (6,24-34)

« Nous ne pouvons servir le Dieu Amour et le dieu Argent ».

« Nul ne peut servir deux maîtres : ou il haïra l'un et aimera l'autre, ou il s'attachera à l'un et méprisera l'autre. Vous ne pouvez servir Dieu et l'Argent. »

Frères et soeurs dans le Christ,

Cette Parole est aujourd'hui d'une actualité étonnante! Elle ne l'est pas seulement au niveau personnel, elle est aussi au niveau des communautés et des peuples. Les deux sont totalement opposés. Dieu et l'argent, voilà deux maîtres entre lesquels il nous faut choisir. Choisir par amour et dans la liberté, voilà qui n'est pas bien facile par ces temps qui courent. Et pourtant, la parole de Jésus est ferme et claire, qui oblige à un choix vrai et conséquent. Envisageons d'établir sans aucune tentation d'hérésie une raisonnable comparaison entre Dieu et l'Argent, entre le sujet et l'objet, entre celui qu'on sert et celui dont on se sert. Dieu, je le sers et l'argent je m'en sers. Où se situe ici le comportement de valeur que je dois adopter?

Cette interrogation nous fait percevoir en définitive que c'est Dieu ou moi. Ce « moi », c'est mon petit confort, c'est la recherche de l'argent, le souci de la nourriture et du vêtement. C'est le « moi » qui veut être le seul maître chez lui. C'est lui que j'ai tendance à vouloir servir. Le mot « servir » a profondément ici un sens religieux. Or, la Bible nous enseigne inlassablement, dans l'ancien testament comme dans le nouveau testament, que la seule personne, le seul sujet de notre service, c'est bien Dieu. Servir Dieu, c'est l'aimer, et l'aimer, c'est le servir. Et à travers lui, servir le prochain. Nous sommes au coeur d'un monde qui nous propose chaque jour de nouvelles valeurs à vivre, un monde qui dessine chaque jour de nouveaux visages culturels. Au coeur de ce monde qui nous harcèle de propositions de tous ordres, la tentation est grande de nous faire des idoles.

Cependant, nous ne devons pas nous faire des idoles car toute idolâtrie fait de nous des esclaves. Et à bien des égards, l'argent peut devenir une idole, surtout en ce siècle où le matériel et le plaisir sont si souvent mis en relief. Quand on est obsédé par l'envie de gagner toujours plus d'argent, on en devient vite esclave. A partir de ce moment, nous n'avons plus le temps de penser à autre chose. Nos intérêts sont ailleurs. Dieu et le prochain ne sont plus pour nous des priorités. Nous devons donc rester extrêmement vigilants par rapport à nos biens, afin d'éviter d'être possédés par ce que nous possédons.

«Vous ne pouvez pas servir Dieu et l'argent», nous répète Jésus. Les personnes les plus démunies sont les victimes du culte de l'argent. Et pourtant, les ressources de la terre sont surabondantes! Ce qui constitue une des grandes pauvretés de notre humanité en ce siècle, c'est le manque de partage équitable des biens et des ressources planétaires. La culture de l'individualisme de plus en plus croissante, le réflexe de satisfaire d'abord le « moi » font reculer les frontières de la solidarité agissante. Ce nouveau type de comportement crée un profond déséquilibre dans les relations entre les peuples et même entre les individus; la recherche effrénée du gain par les nations les plus fortes et les plus puissantes introduit malheureusement toutes sortes de conflits dans les pays pauvres et les livre ainsi au pillage et à la destruction des ressources dont ils sont pourvus. Face à cette réalité, la page d'Évangile de ce dimanche se présente comme une force d'interpellation, une parole rigoureuse et vigoureuse.

Comprenons bien; ce n'est pas l'usage de l'argent que Jésus condamne. Il est et demeure certainement un bien très utile pour nous procurer ce dont nous avons besoin. Mais il sera toujours un mauvais maître. On ne peut pas se le procurer à n'importe quel prix, surtout pas au prix de la violence. Plusieurs personnes pensent qu'avec beaucoup d'argent, elles s'ouvrent les portes du bonheur. Notre société ne se gêne pas pour attiser ce désir, jusqu'à la frénésie. Certains problèmes matériels seront peut-être résolus, mais l'argent ne peut à lui seul nous assurer l'avenir, ni le vrai bonheur. Les biens de consommation que nous accumulons nous laissent toujours insatisfaits. D'autre part, un jour viendra où il nous faudra tout laisser. C'est bien sûr l'allusion faite à notre mort, à la mort de chacun et de chacune d'entre nous. Jésus veut simplement nous faire comprendre qu'à un moment donné, l'argent ne nous sera plus d'aucune utilité.

En ce 8e dimanche du temps ordinaire, le Christ vient nous rappeler que notre avenir est dans les mains de Dieu. Il est notre Père, un Père qui aime chacun de ses enfants et qui veut leur bonheur; il tient à nous comme à son bien le plus précieux. Il prend soin de toutes les créatures qu'il a faites. Il nourrit les oiseaux du ciel. Il habille les fleurs des champs, mieux que ne le fût Salomon dans toute sa gloire. Pour lui, nous valons bien plus que tous les oiseaux du ciel et l'herbe des champs. Il nous invite à en tirer toutes les conséquences : c'est pour nous un appel à nous en remettre à lui dans une confiance totale. Ce dimanche nous offre encore une fois la belle occasion d'expérimenter la noble démarche qu'est la foi de l'abandon.

Concrètement, nous dit Jésus, cessez de vous prosterner devant votre coffre-fort et de regarder vos billets de banque comme des images pieuses. Ne vous faites pas tant de souci. Votre Père du ciel sait mieux que vous de quoi vous avez besoin. Ce n'est pas une invitation à l'indolence ou à l'insouciance. Nous ne sommes ni des oiseaux ni des fleurs. Nous avons un cerveau et des bras pour dominer la terre et l'organiser en vue de notre bien et celui du monde. Mais la grande priorité c'est notre vocation d'être à l'image de Dieu. Jésus nous invite constamment à lui accorder la première place dans notre vie, la place du Maître, sans nous occuper de nous. Lui s'en occupera bien mieux que nous.

Cet appel du Christ, il nous faut sans cesse le réentendre et nous en imprégner. Le danger nous guette de perdre de vue l'essentiel, de nous détourner du vrai chemin pour emprunter les sentiers qui ne mènent pas à la vraie vie mais vers des impasses. Il y a des visions chatoyantes qui ne sont que des mirages. L'important c'est de chercher d'abord le Royaume de Dieu et sa justice; c'est de tout faire pour que Dieu règne en moi et qu'il ait vraiment la direction de ma vie. Il ne cesse de nous appeler à nous ajuster à lui sans nous préoccuper de nous. Nous ne devons pas hésiter à nous en remettre à lui pour tout ce qui nous concerne.

Le Christ nous conseille toujours la confiance en Dieu. Il est pour nous plein d'espérance, Lui qui connait l'avenir des peuples. Alors, animés d'une foi qui va de l'avant, nous croyons non seulement en Dieu mais nous croyons aussi à son action sur l'humanité grâce à notre coopération à son oeuvre d'amour pour nous tous et pour chacun. Nous savons aussi que pour réaliser le bonheur de tous ses enfants, il compte sur nous et sur les valeurs qu'il a inscrites au plus profond de nos coeurs.

En ce jour, nous nous tournons vers toi, Seigneur. Quand les soucis nous accablent, donne-nous de mettre en toi toute notre confiance. Apprends-nous à nous libérer de tous nos esclavages et à être des porteurs de ton amour auprès de tous nos frères et soeurs. Nous demeurons ainsi dans l'action de grâce.

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