HOMÉLIE DU 8 NOVEMBRE 2009
32e dimanche du temps ordinaire B

MESSE ANIMÉE PAR LES PAROISSES
MARIE-MÉDIATRICE ET ST-CHARLES BORROMÉE
À l'église Saint-Sébastien
Ottawa (Ontario)

Président de l'assemblée :
Père Édouard Ntiyankundiye

Lecture du premier livre des Rois (1R 17, 10-16)
Psaume 145 (146)
Lecture de lettre aux Hébreux (He 9, 24-28)
Évangile de Jésus Christ selon Saint Marc (Mc 12, 38-44)

Dans un coin du temple, Jésus observe le comportement des scribes et de la veuve offrant leur don à Dieu. Les scribes donnent le superflu. Ils sont préoccupés par leur image de marque. Ils se font admirer, saluer, vénérer dans les places d'honneur. Ils prennent le bien des autres et des veuves au nom de la religion qui appelle aux dons tel que Jésus nous le dit : « Ils dévorent les biens des veuves ». Leur seule valeur c'est le moi égoïste, possessif. Ils sont centrés sur eux. Le sens de leur vie est dans la richesse et l'apparence.

À l'opposé, la veuve de l'Évangile de Marc, met discrètement deux piécettes dans le tronc, ce geste vient du fond du coeur. C'est tout ce qu'elle avait pour vivre. C'est un véritable dépouillement. Elle n'avait même pas de promesse comme la veuve de Serepta, pas de prophète pour l'encourager à tout donner. Elle est un modèle de générosité, de détachement et de gratuité sans limite.

La veuve de Serepta dont parle la première lecture est un exemple de foi en la Parole de Dieu qui lui fut adressée par Élie. Elle donna tout ce qu'elle avait : une poignée de farine et un peu d'huile. En faisant ainsi, elle donne sa vie en la confiant entre les mains du Dieu du prophète Élie qui pourtant n'est pas le dieu de la veuve. Elle adorait Baal. Le prophète lui apporte la bonne nouvelle, elle y croit et la met en pratique sans hésitation : « Elle alla, dit l'Écriture, et fit comme avait dit Élie, et ils mangèrent, elle, lui et sa maison, pendant longtemps » (1R 17,15). Toutes ces deux veuves ont offert ce qu'elles avaient pour vivre. C'est aussi toute leur vie qu'elles abandonnent à Dieu, elles hypothèquent leur vie en la Providence divine. Ce qui est plus admirable, ce n'est pas tant leur générosité sans limite, mais plus encore leur foi et leur confiance en Dieu qui ont inspiré et accompagné leurs gestes de générosité. Voilà un modèle de foi, de générosité, de détachement, d'abandon et de confiance en la providence divine.

Le don de ces deux veuves illustre par avance l'attitude du Christ, seul vrai Grand Prêtre, s'offrant totalement en sacrifice sur la Croix une fois pour toutes pour faire la Volonté du Père tel que nous le dit la seconde lecture. Jésus donne sa vie pour que nous ayons la vie éternelle. Il offre toute sa vie à Dieu par amour pour l'humanité. Lui-même invite ses disciples et nous-mêmes à emprunter ce chemin du don total de soi-même en ces termes : « Celui qui voudra sauver sa vie la perdra, mais celui qui perdra sa vie à cause de moi et de la bonne nouvelle la sauvera ». (Mc 8, 35).

Nous vivons dans un monde d'hyper consommation et d'individualisme. Tout nous pousse à la consommation, au cumul des biens, au surplus, à l'abondance ou surabondance. Ces temps-ci de la crise économique et de la récession nous poussent davantage à nous préoccuper de l'insécurité du lendemain. Cela ne doit pas nous amener davantage à thésauriser. Nous nous enfermons sur nous-mêmes et manquons de donner la chance de vivre aux plus vulnérables de notre société.

Donner le superflu n'était pas uniquement du temps de Jésus. Cela existe même aujourd'hui. Laissez-moi vous raconter un cas concret que j'ai observé plusieurs fois.

Il s'agit d'un homme qui comptait discrètement dans sa poche ou son porte-monnaie les sous ou les pièces d'un dollar à donner en aumône ou à la quête, laissant les billets qu'il avait plein les poches. Il faisait résonner les pièces dans le panier et se faisait remarquer. Cet homme était avare et prisonnier de son argent. Il était tellement égoïste qu'il se privait de vivre et ne permettait pas non plus aux autres de vivre.

De notre côté, si nous jetons un clin d'oeil dans nos portes-monnaie ou nos sacoches, combien de cartes avons-nous pour nous assurer contre ceci ou contre cela? Accrochons-nous plus ou moins à une assurance des biens qui finissent en fermant notre coeur et nos mains aux nécessiteux. Avons-nous investi dans l'essentiel? Où trouver la vraie assurance pour la vraie vie? La vraie vie, celle qui est éternelle, n'est pas celle des apparences et des richesses, mais celle d'un coeur à l'écoute de Dieu et de sa Volonté; celle d'un coeur généreux, celle d'un coeur qui vit déjà l'Éternité en se laissant habiter par Dieu dès maintenant.

De façon concrète, partager le nécessaire, c'est entrer dans le mouvement de la gratuité de la charité divine telle que nous la voyons se manifester dans la vie de Jésus. Partager notre nécessaire avec nos frères et soeurs, c'est aussi leur donner notre temps, c'est-à-dire, nous tenir à tout instant du jour dans une véritable disponibilité de coeur pour répondre à celui ou celle qui viendra solliciter notre écoute ou notre attention. Partager avec nos frères et soeurs, c'est également répondre à leur cri de coeur, leur donner sans compter, les rendre heureux comme nous aimerions l'être. C'est leur donner la vie. De plus, le partage de notre nécessaire ne concerne pas seulement ce qui touche au domaine matériel. C'est aussi partager notre richesse spirituelle.

À plusieurs occasions lorsqu'il s'agit de faire une aumône ou donner nos offrandes à l'Église, sommes-nous plus ou moins comme les scribes, les deux veuves ou cet homme qui comptait ses sous avant de faire l'aumône aux mendiants ou donner la quête? Ce qui plaît à Dieu, ce n'est pas la quantité que nous donnons, mais la manière de donner avec amour. Comme le disait Saint François de Sales, la mesure de l'amour est d'aimer sans mesure.

Durant cette célébration, ouvrons notre coeur au Christ Vivant qui, nous faisant vivre sa Vie Éternelle, aujourd'hui en ce monde nous donne son corps et son sang. Demandons-Lui de nous éclairer sur le geste de confiance, de foi et de générosité des veuves des lectures de ce dimanche.

Que le Seigneur nous éclaire pour aller au-delà des limites et vaincre nos peurs profondes qui nous habitent et nous empêchent de donner ou de nous donner. Que Celui qui se donne à nous à la table eucharistique nous fasse grandir dans la gratuité de son amour, lui qui vit et qui règne maintenant et pour les siècles des siècles.

Amen!

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