HOMÉLIE DU 26 MARS 2006
Carême IV

ÉGLISE NOTRE-DAME-DE-GRÂCE
Moncton (Nouveau-Brunswick)

Président de l'assemblée:
Mgr André Richard, c.s.c.

Chroniques II (36, 14-16.19-23)
Éphésiens (2, 4-10)
Saint-Jean (3, 14-21)

Frères, soeurs dans le Christ,

Nous avons cette croix devant l'assemblée, depuis le début du carême. Elle nous rappelle la parole de saint Jean: «... ainsi faut-il que le Fils de l'Homme soit élevé, afin que toute personne qui croit, obtienne par lui la vie éternelle.»

Elle est, cette croix, un signe qui nous invite à croire ce que nous ne voyons pas, Celui que nous ne voyons pas. C'est le Christ, qui a été cloué sur elle, élevé sur elle, comme le dit saint Jean. Car Dieu a tant aimé le monde qu'il a envoyé son Fils unique; ainsi toute personne qui croit en lui ne périra pas, mais obtiendra la vie éternelle.

Voilà ce qui est au centre de notre foi chrétienne. C'est une affaire d'amour, Dieu a ainsi amé. À maintes reprises, il a sauvé les siens du péril, de la mort, de la captivité. Nous en avons entendu un exemple, dans la première lecture.

Le peuple hébreu est exilé loin de son pays, en terre étrangère. Il y est depuis longtemps; il a perdu le goût de chanter, il se lamente, comme le dit le psaume 136: «Comment chanterions-nous un chant du Seigneur sur une terre étrangère?» Voilà que Dieu fait intervenir Cyrus, un étranger, pour ramener son peuple.

Les lamentations, cela nous connaît, nous aussi. Nous les appelons même des jérémiades, d'après le prophète Jérémie. Notre temps n'est pas étranger à l'exil, aux malheurs, à l'insécurité, aux menaces de violence et à toutes sortes de crises. Beaucoup de gens crient encore leur misère et leur détresse. Il y a encore, dans le monde actuel, un besoin pressant d'espérance et de salut.

Devant nos yeux, la croix est un signe. Elle nous invite à croire en Celui qui a été attaché, pour nous sauver, par amour. Nous ne serons pas sauvés par la force des armes, ni l'argent, ni même par notre savoir ou notre pouvoir, encore que ce soit des choses utiles et précieuses.

Au temps de l'exil à Babylone, alors que tout espoir de retour paraissait perdu, un homme a surgi à la tête du pays.

C'était Cyrus, comme nous l'entendions dans la première lecture. Il a ouvert le chemin du retour aux exilés hébreux pour qu'ils revoient leur terre et rebâtissent le temple du Seigneur. C'était inattendu, tout à fait incroyable, mais vrai.

Il y a parfois des retournements de l'histoire. Sans tomber dans la naïveté, sans attendre un autre Messie qui ferait enfin la paix sur terre, nous sommes interpellés par l'amour du Christ. Comme le dit saint Paul, «il voulait montrer, au long des âges futurs, la richesse infinie de sa grâce.» Dieu n'en a pas fini avec nous. Son Fils n'est pas venu juger le monde, mais le sauver. Il l'a déjà fait par la croix et la résurrection.

Il continue à le faire discrètement, dans nos vies, dans la société, ici même, dans cette communauté, par les gestes sauveurs de ceux et celles qui croient et qui, par amour, servent les autres et leur redonnent espoir. Oui, frères et soeurs, le Christ est encore présent et agissant dans notre monde.

Après une première moitié du carême, nous prenons la mesure de notre fragilité et de la tâche qui est devant nous pour répondre à l'appel du Christ.

La lumière est venue dans le monde, dit saint Jean; «les hommes et les femmes ont préféré les ténèbres à la lumière». Il faut bien avouer que nous ne sommes pas constamment des témoins de la lumière.

C'est à certains moments seulement que le Christ se laisse voir dans nos vies, parfois quand nous nous reconnaissons vaincus. À cause du grand amour dont il nous a aimés, nous qui étions morts par suite de nos fautes, il nous a fait revivre (...); c'est bien par grâce que vous êtes sauvés.

Si nous ne pouvons pas nous vanter de notre performance du carême, nous pouvons au moins compter sur la miséricorde de Dieu. Il est, dit saint Paul, riche en miséricorde. Et il continue: «C'est bien par grâce que vous êtes sauvés, à cause de votre foi. Cela ne vient pas de vous, c'est le don de Dieu. Cela ne vient pas de vos actes, il n'y a pas en tirer orgueil.»

Voilà une mise au point utile, au cas où nous aurions la prétention d'être justes. Comme dans la parabole du pharisien et du publicain, c'est la personne qui reconnaît son véritable état et la richesse du don de Dieu, c'est celle-là qui est justifiée. Il y a vraiment de quoi s'émerveiller devant la générosité du Seigneur.

Il a marché sous la croix, il a été élevé dessus et il a fait éclater dans la vie tout ce qui est mort en nous et en notre monde. C'est ce que nous célébrons dans l'Eucharistie. Nous proclamons la mort du Christ; nous célébrons sa résurrection et nous attendons sa venue dans la gloire.


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