Anglesh Major : la musicalité dans la vie et au petit écran
Anglesh Major nous parle de son personnage dans la série Stat.
Un texte de Yohane Cassabois
Dans la série Stat, Anglesh Major incarne l’urgentologue Marc-Olivier Morin, un père de famille dont la vie se déroule sur plusieurs tempos : un rhythm and blues au travail à l’hôpital, où il se sent plus apaisé, et une valse à mille temps
à la maison, où il faut toujours courir dans tous les sens pour réussir à gérer la vie de couple et les enfants. Le prolifique artiste Anglesh Major prête ses traits à ce personnage attentionné qui apporte une touche de douceur à l’Hôpital Saint-Vincent. Rencontre.
– Comment vous êtes-vous préparé pour incarner un urgentologue? Avez-vous rencontré des médecins? Si oui, qu’est-ce qui vous a le plus surpris dans leur travail et dans leurs interactions avec les personnes hospitalisées?
Au tout début du processus d’écriture, mon personnage était un orthopédiste. J’ai donc rencontré un orthopédiste que j’ai suivi pendant deux jours complets. Même si mon personnage est finalement un urgentologue, la formation a été très bénéfique. Ce qui m’a sauté aux yeux dès la première journée, c’est le côté très calme et rassurant des médecins, qui sont en contrôle de leur environnement. Malgré le fait que certains cas peuvent les affecter, les médecins sont capables de ne pas laisser paraître leurs inquiétudes.
Je crois que, peu importe le personnage que je dois camper, j’essaie de toujours lui insuffler de l’humanité. Pour moi, interpréter un personnage, c’est un peu comme quand on rencontre une nouvelle personne.
On apprend à connaître nos points en commun et ce qui nous différencie. J’ai toujours pensé qu’aller à la rencontre de l’autre permettait de mieux se connaître soi-même.
– Si vous invitiez Marc-Olivier à un souper de famille, comment le présenteriez-vous?
Marc-Olivier est père de trois enfants et marié à une courtière immobilière. C’est un gars facile d’accès, très simple, relaxe et en contrôle. Marco est quelqu’un qui a beaucoup d’empathie, qui n’est pas dans le jugement, qui est empreint d’une grande douceur. C’est un homme attentionné. Il ne manque jamais une occasion de placer une blague ou de taquiner, mais c’est toujours fait avec bienveillance et sans aucune arrière-pensée.
– Quelles scènes de Stat vous ont particulièrement marqué?
Il y a plusieurs scènes qui m’ont marqué, mais celle qui me vient d’emblée est sans aucun doute celle où Dominic (Fred-Éric Salvail) doit revenir à l’hôpital après avoir fait une psychose, et apprend le décès de sa mère. Cette scène m’a beaucoup touché.
La maladie mentale est un sujet tabou et incompris dans notre société. Je crois qu’il est important de montrer que la détresse psychologique est présente afin que les personnes qui en souffrent puissent avoir les ressources nécessaires.
– Avez-vous un secret de plateau à nous raconter? Ou une anecdote à propos de vos complices?
Comme vous l'avez sûrement remarqué, je n’ai pas un nom commun. Je suis donc habitué à ce que les gens déforment mon nom ou prennent du temps à bien le dire. Sur le plateau, j’ai eu le droit à des Inglish, Anglish, Inglis, Anglèss, pour ne nommer que ceux-là. Mais un beau jour, j’ai eu droit à un « Ok, Langouste, place-toi ici », ce qui a créé un grand fou rire. Sur ce genre de plateau, ce genre de petite bulle nous permet de souffler un peu et de tisser des liens.
– On vous a vu au petit écran dans les séries Cerebrum, Une autre histoire, Je voudrais qu’on m’efface et Larry. Toutes sont centrées sur des thèmes sociaux forts : santé mentale, inégalités sociales, rédemption… Est-ce que vous choisissez vos rôles en fonction de l’univers de la série, ou plus en fonction de ce que va vivre votre personnage?
Je dirais un mélange des deux : pour moi, l’un ne va pas sans l’autre. Habituellement, je cherche une espèce de symbiose entre les deux. Je dirais aussi que je choisis un projet en essayant de voir ce que je peux lui apporter et ce que ce dernier peut m’apporter. J’aime quand mes personnages vivent beaucoup de rebondissements, quand il y a de l’action. Le passé de mes personnages m’intéresse énormément. J’aime quand je peux m’identifier au personnage et, si ce n’est pas le cas, comprendre pourquoi nous sommes différents l’un de l'autre.
Parfois, je choisis un personnage parce que je ne comprends pas parfaitement sa vraie nature et je veux la comprendre.
Pour moi, il y a aussi l’équipe derrière le projet. Il y a certaines personnes à qui je dirais oui sans avoir lu le scénario ou sans connaître le personnage. Il y a aussi, ce que je considère comme un atout, l’instinct.
Il y a certains projets pour lesquels je ne pourrais pas expliquer pourquoi je les ai choisis, il y a cette espèce de je ne sais quoi, un peu comme quand on tombe en amour (rires).
Nous avions envie de discuter avec des comédiennes et des comédiens au sujet de leur personnage, de l’univers de leur série, et peut-être même de potins de coulisses.
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– Vous avez incarné King Dave sur les planches du Théâtre Jean-Duceppe. C’est un rôle très intense qui aborde notamment les thèmes du racisme systémique, de la violence urbaine et de l’injustice. Diriez-vous que ce rôle vous a transcendé? Est-ce qu’il vous a fait poser un regard différent sur la société?
Absolument, oui, ce grand monologue a été tout un défi pour moi et m’a fait grandir autant psychologiquement qu’humainement et spirituellement. Ce spectacle m’a fait grandir en quelques mois de plusieurs années d’expérience en tant que comédien.
Je dirais que mon regard sur le monde n’a pas changé, mais s’est plutôt éclairci. Pendant le processus de création, je suis passé par plusieurs réflexions et émotions. Lors de certaines répétitions, j’éclatais parfois en sanglots et je devais prendre quelques minutes pour pouvoir continuer le travail.
À travers toutes ces étapes, j’ai réalisé qu'au-delà du racisme, de la violence et de l’injustice que vivait mon personnage, ce qui le régissait au plus profond de lui était la peur. La peur de ne pas être aimé, la peur de ne pas être assez fort, la peur d’avoir peur. Qui n’a jamais eu peur? Ça m’a fait réaliser que la peur est universelle. La peur est nécessaire, elle peut nous sauver la vie ou éveiller nos sens, mais elle peut aussi nous entraîner vers le bas.
Malheureusement, je trouve que dans certains aspects de la société, la peur est déguisée en pouvoir. Certains l’utilisent, la cultivent et l’exploitent à satiété sur autrui. Comme Machiavel l’a très bien expliqué, « l’amour et la peur peuvent difficilement coexister, si nous devons choisir, il est préférable d’être craint que d’être aimé ». J’ai réalisé à quel point l’utilisation de la peur est un moyen de contrôle dans notre société.
– Vous avez composé un album, intitulé Éphémère. Est-ce que la musique fait ressortir une autre part de vous-même?
Absolument, oui. La musique, pour moi, c’est une autre langue, celle où les mots disparaissent et laissent place à l’énergie, aux émotions, à l'instinct. Elle ouvre un monde où il n’y a plus de jugement. Malgré mon métier, je ne suis pas quelqu’un qui parle souvent de ses émotions. La musique me permet de laisser libre cours à ce qu’il y a en moi au moment même sans jugement.
– Vous faites de la musique, vous jouez au théâtre et à la télévision : est-ce qu’il y a d’autres disciplines artistiques que vous avez envie d’essayer?
J’ai longtemps rêvé de devenir réalisateur ou directeur photo. La composition d’une image ou d’un plan me fascine énormément. Il y a quelques mois, je me suis décidé et j’ai acheté ma première caméra. Eh oui!
J’ai fait beaucoup d’arts martiaux dans ma vie. J’ai pris des pauses en raison de blessures, mais j’ai commencé dernièrement du muay thaï et j’adore ça.
Où voir Stat?
– Les épisodes de la saison 1 diffusés sont sur ICI Tou.tv.
– La série est diffusée du lundi au jeudi à 19 h sur ICI Télé.
– Des vidéos exclusives sont à découvrir sur le site de l’émission.
Compléments
Sur les traces de King Dave : entrevue avec Anglesh Major
Entrevue avec Anglesh Major : Éphémère
La pièce King Dave, revisitée avec aplomb par Anglesh Major
Secrets de scénariste : Marie-Andrée Labbé
Entrevue avec la scénariste Marie-Andrée Labbé
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