Katia Rock : retrouver la petite fille qu’elle était
Rencontre avec la comédienne et musicienne Katia Rock, qui incarne Odile dans Pour toi Flora.
Un texte de Yohane Cassabois
Émission : Pour toi Flora
Faire parler les invisibles
Odile, membre de la Première Nation anishnabe, est une survivante des pensionnats pour Autochtones. Elle a été arrachée très jeune à sa famille par les missionnaires Oblats qui lui ont volé son enfance, son identité et sa vie. À l’âge adulte, elle entame un long chemin vers le pardon pour ce qu’on lui a fait, et pour elle-même. La comédienne et musicienne Katia Rock prête ses traits à ce personnage bouleversant qui donne une voix et un visage à celles et ceux qui ont trop longtemps été oubliés. Rencontre.
– Si vous invitiez Odile à un souper de famille, en quels termes la présenteriez-vous?
Comme une femme forte, résiliente, qui n’a rien à son épreuve. Une femme douce, compréhensive et remplie de compassion. J’en profiterais pour lui faire goûter plusieurs mets traditionnels et je lui offrirais des mocassins et une jupe traditionnelle de ma nation.
Nous avions envie de discuter avec des comédiennes et des comédiens au sujet de leur personnage, de l’univers de leur série, et peut-être même de potins de coulisses.
Noah Parker ou l’art de déployer ses ailes et de se sentir vivant
Quand Evelyne Brochu sort de son cocon pour devenir papillon
– Avez-vous un secret de plateau à nous raconter? Ou une anecdote à propos de vos complices?
Pour moi, jouer Odile a été un immense cadeau, tant pour sa force et sa ténacité que pour sa douceur et sa fragilité. Dans un épisode, je devais péter un pare-brise, et ça a été mon moment préféré, me mettre à la place d’Odile et sortir mon petit côté sombre à travers elle m’a vraiment fait un bien extrême. (On a tous à un moment donné besoin de casser, de briser ou de péter quelque chose, ce n’est pas dans mes habitudes, mais ce moment a été bien bénéfique pour moi .)
– Vous êtes une artiste multidisciplinaire. Vos talents s’étendent notamment au chant, à la danse, à la création sonore, au conte et au théâtre. Diriez-vous que ces disciplines vous permettent de tisser un lien unique avec vos racines innues?
Oui, assurément.
J’appartiens à la nation innue, et chanter, parler, conter ou écrire dans ma langue ou la raconter et la transmettre me permet de la perpétuer, de la nourrir et de la garder vivante.
– En jouant du tambour (teueikan), traditionnellement réservé aux hommes, vous avez contribué à ouvrir la voie à plusieurs femmes musiciennes. Vous avez également déjà souligné l’importance fondamentale des femmes de votre entourage dans votre cheminement. Est-ce qu’il existe un mouvement féministe dans votre communauté innue d’Uashat mak Mani-utenam? Et est-ce qu’il y a d’autres barrières que vous souhaitez franchir dans votre vie artistique?
La seule barrière que je peux voir en tant qu’auteure-compositrice est la loi 101. C’est triste et désolant de voir que mon album Uapen Nuta / Terre de nos aïeux est dans la catégorie Musique du monde
dans mon propre pays.
Je suis consciente de l’importance de la langue française au Québec, mais moi, j’ai aussi une langue et une culture à défendre. J’aimerais que ma langue ne soit pas un frein pour l’industrie musicale.
Le côté féministe est plutôt communautaire chez moi. Nous, les femmes de ma communauté et moi, dénonçons quelques injustices ici et là et nous souhaitons ardemment que certains dossiers sortent des tablettes. J’ai besoin d’action concrète pour les enfants morts et enterrés sur les sites de pensionnats et de retrouver ces 1600 corps de femmes afin que les familles fassent leur deuil.
Je veux qu’on se comprenne et qu’à partir de maintenant, nous construisions un monde rempli de paix.
– Vous avez dédié votre chanson Terre de nos aïeux, version revisitée et inclusive de l’hymne national canadien, aux jeunes filles et aux femmes disparues. Votre approche artistique semble souvent être articulée autour de la réconciliation, du respect et de la bienveillance. Quels sont vos prochains projets?
Terre de nos aïeux est une chanson écrite et composée par Louise Poirier. Je voulais faire ce rappel pour demander : qu’avons-nous fait de mal à travers ces années?
J’ai confiance et j’espère de tout mon cœur que nous pourrons avancer dans l’harmonie.
Mes projets sont d’écrire un spectacle de contes que je présenterai à la Sala Rossa le 18 octobre prochain, d’écrire un livre audio en 2023/2024, avec la maison d’édition Planète rebelle, de préparer mon spectacle de musique, le tout avec les paroles transmises par les personnes aînées de ma communauté afin que rien ne se perde.
Si petits soient mes mots, je fais ma part en tant que femme artiste autochtone.
Où voir Pour toi Flora?
– La saison 1 est offerte sur ICI Tou.tv et débute mardi 13 septembre à 20 h sur ICI Télé.
– Des vidéos exclusives sont à découvrir sur la page de l’émission.
Compléments :
- Quand Stéphane Jacques se mue en une femme aimante, forte et inspirante
- Quand Marc Fournier incarne Yves Jacob, enquêteur intrigant qui n’a pas la langue dans sa poche
- Le premier jour du reste de ta vie, avec Mikhaïl Ahooja
- Katia Rock revoit l’Ô Canada en hommage aux femmes autochtones
- Katia Rock dévoile son album Uapen Nuta – Terre de nos aïeux